La mode du co-dodo inquiète de plus en plus les médecins. Et tout particulièrement en Suède puisque c'est l'un des pays où l'on dort le plus avec son nouveau-né dans le même lit. Les autorités sanitaires suédoises viennent de déconseiller officiellement cette pratique."Il est important que les enfants de moins de trois mois dorment dans leur propre lit", a indiqué à l'AFP une responsable des lignes directrices de santé de l'Administration des affaires sociales, Kerstin Nordstrand.
Jusqu'alors la Suède se limitait à déconseiller de faire dormir un nouveau-né dans une chambre fumeur ou dans un lit où un parent serait sous l'influence de substances diminuant sa vigilance. Si les autorités ont durci leurs recommandations, c'est parce que plusieurs études scientifiques ont mis en évidence les dangers du co-dodo, et notamment les risques associés de mort subit du nourrisson.
5 fois plus de morts subites quand bébé dort dans le même lit
En mai 2013, une équipe de chercheurs britanniques de la London School of Hygiene and Tropical Medicine a mesuré précisément ses dangers. Le risque de mort subite du nourrisson était en effet multiplié par cinq chez les nourrissons de moins de trois mois qui dorment dans le lit de leurs parents. Plusieurs situations pourraient mettre la vie du bébé en danger : l’étouffement par l’un des parents, la couette ou l’oreiller, la chute du lit, l’hyperthermie si l’enfant est trop couvert…
Ces alertes ne freinent manifestement pas les parents. Ils sont en effet de plus en plus nombreux à dormir avec leur bébé alors qu’il est recommandé de les faire dormir dans la même chambre mais pas dans le même lit. Une étude parue, en octobre dernier, dans la revue Jama Pediatrics montre que le co-dodo se développe aux Etats-Unis.
Aux Etats-Unis, le co-dodo a doublé en 20 ans
L’étude a porté sur près de 20 000 foyers ayant un enfant de moins de sept mois. Il en ressort que 11,2% des parents déclarent partager régulièrement le même lit que leur bébé. Mais, la pratique est encore plus répandue chez certaines minorités. Dans la communauté noire, le taux de parents déclarant pratiquer le co-dodo était de 38,7% en 2010 alors qu’il n’était « que » de 21,2% en 1993. Chez les Hispaniques, la tendance est la même puisqu’aujourd’hui cette pratique est régulière dans un foyer sur cinq alors que 17 ans plus tôt, le taux chez les parents d’origine hispanique était de 12,5%. Quant aux Américains blancs, ils partagent nettement moins leur lit avec leur bébé puisqu’ils sont moins de 5% à déclarer le faire, mais ce comportement est quand même de plus en plus fréquent. Globalement, qu’elles que soient les communautés, la pratique du co-dodo a doublé en pratiquement 20 ans. Les auteurs de cette étude n’expliquent pas cette explosion du co-dodo. En revanche, il semble que dormir avec son bébé soit plus répandu dans les foyers où la mère a un faible niveau d’éducation et un faible niveau de revenu. Les enfants prématurés se retrouvent plus souvent entre papa et maman.
Des pros et des antis chez les médecins
L’Académie américaine de pédiatrie, qui déconseille totalement le « bed sharing », ne parvient donc pas à se faire entendre. Ni des parents ni même vraiment des médecins. En effet, plus de la moitié des parents interrogés dans cette étude disent n’avoir jamais reçu de conseils de la part de leur médecin à ce sujet. Et parmi ceux qui en ont discuté avec leur pédiatre, ils ne se sont pas toujours vus déconseiller le « bed sharing ». Dans un cas sur cinq, le médecin n’avait pas d’avis tranché sur la question et dans 6% des cas, il a encouragé les parents à dormir avec leur bébé.
Il faut dire que cette question ne fait totalement consensus chez les médecins. Dans le Jama Pediatrics, un éditorial qui accompagne l’étude d’Eve Colson conteste les recommandations de l’Académie américaine de pédiatrie. Pour son auteur, Abraham Bergman, il faudrait aussi « consacrer du temps à expliquer tous les bienfaits du co-dodo : plus de sommeil pour les parents, un allaitement maternel facilité, et une incontestable satisfaction liée au contact peau à peau » avec son bébé.