Le rapport 2023 du Lancet Countdown, regroupant les travaux de 114 experts issus de 52 pays et agences de l’Organisation des Nations unies (ONU), est particulièrement préoccupant. “Les risques sanitaires liés au changement climatique augmentent dans toutes les dimensions surveillées”, énoncent les auteurs.
Une hausse de la mortalité au niveau mondial à cause de la chaleur
Les indicateurs sont dans le rouge. Les experts ont constaté que les décès liés à la chaleur chez les personnes de plus de 65 ans ont monté de 85 % entre 2000 et 2004, soit “plus de deux fois l’augmentation attendue si les températures n’avaient pas changé”, soulignent-ils.
“Mais de nouvelles projections montrent que cela pourrait n’être qu’un avant-goût d’un avenir de plus en plus dangereux”, précisent-ils. Et pour cause, leurs travaux montrent que même avec une hausse des températures limitée à + 2°C par rapport au niveau pré-industriel, “les décès liés à la chaleur devraient augmenter de 370 %”. Cela signifie qu’en 2050, le nombre de morts annuelles liées aux températures plus élevées serait multiplié par 4,7.
“Il n’a jamais été aussi vital d’agir pour lutter contre nos émissions de gaz à effet de serre”
“La pollution de l’air due au carburant a causé 1,9 million de décès rien qu’en 2020”, fustigent les auteurs du rapport avant d’ajouter : “des décès que nous aurions pu éviter en passant à une énergie propre et renouvelable”. Pourtant, les choses ne semblent pas aller en s’arrangeant, malgré l’Accord sur le climat pris en 2015 : “Les stratégies des 20 plus grandes sociétés pétrolières et gazières du monde à partir de début 2023 se traduiront par des émissions dépassant de 173 % les niveaux conformes aux objectifs de l’Accord de Paris d’ici 2040… contre 112 % en 2022.”
Le rapport montre notamment que 66 % des foyers dans les pays à revenu intermédiaire et 92 % de ceux des pays les plus pauvres dépendent encore de la combustion de biomasse pour satisfaire leurs besoins en énergie, “ce qui conduit à des niveaux incroyablement élevés de pollution de l’air domestique”. Cette pollution de l’air intérieur a provoqué 140 morts pour 100.000 habitants en 2022, dans les 62 pays étudiés.
Les sécheresses extrêmes menacent la sécurité alimentaire
Depuis les années 50, la surface des terres touchées par une sécheresse extrême a augmenté de 29 %. “Cela menace notre sécurité hydrique, notre sécurité alimentaire et évidemment les réseaux d’assainissement, avec un impact majeur sur la santé des populations, en particulier dans des zones telles que la Corne de l’Afrique”, a affirmé Marina Romanello, directrice exécutive du Lancet Countdown et chercheuse au University College London, en présentant le rapport à la presse le 9 novembre dernier. Avec + 2°C en 2050, il y aurait 525 millions de personnes supplémentaires touchées par l'insécurité alimentaire dans le monde.
Dengue, Vibrio… des maladies mettent “en danger un nombre record de personnes”
Le changement des conditions météorologiques accélère également la diffusion de maladies infectieuses parfois mortelles.
Par rapport à la période 1981-2010, “le potentiel de transmission de la dengue par Aedes aegypti et albopictus [“moustique tigre”, ndlr], a augmenté respectivement de 28,6 % et 27,7 %” en 2022. La dengue ou “grippe tropicale” est une maladie virale transmise à l’être humain par piqûre de moustique. Si dans la plupart des cas, “elle ne s’accompagne que de manifestations bénignes, il existe des formes plus sévères, qui peuvent entraîner la mort”, précise l’OMS.
Les travaux montrent également qu’actuellement, à cause du réchauffement des océans, 12,7 % de plus de côtes sont propices à la transmission de Vibrio par rapport à la période 1982-2010, “mettant en danger un nombre record de 1,4 milliard de personnes”. Cette bactérie entraîne la vibriose, une maladie légère à modérée qui peut entraîner de la fièvre, des nausées, des vomissements, des diarrhées ou encore des maux de tête, détaille le Manuel MSD. Dans les cas les plus graves, elle peut entraîner une septicémie, avec un risque très élevé de mortalité. Cette bactérie peut être contractée en mangeant des fruits de mer crus ou insuffisamment cuits, ou lorsqu’une plaie ouverte est exposée à de l’eau contaminée.
Il faut mener “une action climatique centrée sur la santé”
“Une action climatique centrée sur la santé est aujourd’hui essentielle et pourrait avoir des effets bénéfiques immédiats sur la santé”, dit le groupe d’experts. “Les ambitions de l’Accord de Paris sont encore réalisables et un avenir prospère est possible”, tempèrent les experts, à condition que “des mesures immédiates pour abandonner les combustibles fossiles et lutter contre nos émissions” soient prises, “pour garantir qu’un avenir vivable reste à portée de main”.
À ce sujet, la prochaine conférence pour le climat organisée par les Nations unies se tiendra du 30 novembre au 12 décembre 2023. Mais cette 28ème COP a de quoi laisser sceptique concernant son ambition puisqu’elle se tiendra à Dubaï, aux Émirats arabes unis, une ville bien connue pour ses folies environnementales (station de ski en plein désert, stades climatisés, gigantesques centres commerciaux, etc). Le sultan Ahmed al Jaber qui présidera l’événement est par ailleurs également le PDG de la compagnie pétrolière nationale d’Abu Dhabi (ADNOC), l’un des premiers groupes pétroliers au monde.