- Durant la petite enfance, les premiers souvenirs sont parcellaires.
- Pour former un souvenir complet et personnel, il convient d’avoir plusieurs compétences, notamment développer sa conscience de soi, avoir des connaissances générales sur le monde et associer différents types d’information (lieu, temps, personnes).
- Selon des scanners cérébraux, les zones impliquées dans le voyage vers le passé et le futur sont en grande partie identiques.
"Amnésie infantile". C’est le nom du phénomène qui fait que les personnes ne gardent pas de souvenirs de leur enfance. En réalité, un enfant peut garder en mémoire plusieurs éléments dès sa naissance mais pas longtemps, selon Bérengère Guillery, neuropsychologue à Caen, qui est en collaboration avec l’Observatoire B2V des Mémoires. Dans un communiqué, elle explique que les premiers souvenirs sont parcellaires. La mémoire perceptive (soit visuelle, olfactive) est présente très tôt et laisse des traces. Ainsi, on peut se rappeler d’un détail saillant, par exemple une image ou un parfum. Cependant, le contexte n’est pas bien mémorisé.
"Durant les premières années de vie, l’hippocampe est le siège d’une forte production de neurones, qui engendre des remaniements si importants que les souvenirs ne peuvent pas s’y ancrer. De plus, la maturation des régions frontales, qui permettent de structurer et retrouver le souvenir, se produit jusqu’à la fin de l’adolescence. En parallèle de l’évolution du cerveau au cours de l’enfance, la cognition se développe progressivement, or de très nombreuses compétences sont nécessaires pour former un souvenir personnel", précise-t-elle.
Associer différents types d’information et développer la conscience de soi pour former des souvenirs complets et personnels
Pour créer un souvenir complet, il convient de pouvoir associer en mémoire différents types d’information, notamment de lieu, de temps, de personnes, ce qui nécessite de mobiliser des régions cérébrales éloignées mais aussi des régions de plus en plus spécialisées. La spécialiste indique que, de plus, pour qu’un événement devienne un souvenir particulier, cela implique d’avoir des connaissances générales sur le monde, une représentation du monde avec des scénarios classique. "Par exemple savoir ce qui se passe lorsqu’on va pique-niquer au parc avec ses parents. Ainsi, le jour où les parents invitent les amis de l’enfant à pique-niquer avec eux, cela constitue une situation inhabituelle dont l’enfant peut garder un souvenir."
Afin d’avoir des souvenirs personnels, il faut avoir développé et acquis la conscience de soi à travers le temps. Cette capacité ne progresse que vers l’âge de 4 à 6 ans. "Celle-ci peut être mise en évidence lors d’une petite expérience : l’enfant est filmé pendant qu’un adulte lui colle une petite gommette sur l’épaule en passant derrière lui. Si, lorsqu’il regarde le film une heure plus tard, l’enfant se frotte l’épaule pour l’enlever, c’est qu’il s’est reconnu dans ce moment passé."
Mémoire : la faculté de se projeter dans le futur se développe lentement chez les enfants
D’après Bérengère Guillery, la capacité à se projeter met du temps à se développer chez les enfants et les adolescents. Des scanners cérébraux ont montré que les zones impliquées dans le voyage vers le passé et le futur sont en grande partie identiques. "Par ailleurs, la mémoire prospective qui revient à penser à accomplir une action dans par exemple 30 minutes requiert de nombreuses compétences : se souvenir de ce qu’on doit faire, interrompre l’action en cours pour penser à celle qu’on doit faire ensuite et supprimer cette pensée pour ne pas la refaire !" Cette aptitude sollicite à la fois la mémoire à long terme (l’action à réaliser) et les fonctions exécutives que l’on utilise en association avec la mémoire de travail, une forme de mémoire à court terme.