"C’était le 31 décembre 2017. Nous étions chez sa grand-mère dans l’Ain. Firiel, qui avait 13 mois, était dans son cosy dans la cuisine. Tout d’un coup, je l’ai entendu hurler. En m’approchant d’elle, j’ai vite compris que l’eau bouillante de la bouilloire électrique, qui était par terre, s’était renversée sur tout son corps sauf son visage", se souvient Imane, la mère de la petite fille.
Sa fille, grande brûlée, "était déshydratée, se liquéfiait" et "a failli mourir"
En tant qu’infirmière, elle a vite eu le réflexe de lui faire les premiers soins. "Comme il faisait froid, Firiel portait plusieurs couches de vêtements au niveau du haut de son corps. Dans la panique, je lui ai retiré ses habits, ce qui a décollé sa peau, surtout au niveau de ses jambes qui étaient aussi blessées que sa main gauche. J’ai mis de l’eau à température ambiante, et non de l’eau froide pour éviter le double choc pour l’organisme, au niveau des brûlures pendant 15 minutes minimum." À ce moment-là, la jeune maman, qui est aujourd’hui âgée de 43 ans, se rend compte que la brûlure a atteint la surface mais également l’intérieur de l’épiderme. "Au lieu d’appeler les pompiers, j’ai fait l’erreur de la mettre dans un drap humide et de l’emmener en voiture, avec mon frère, à l’hôpital le plus proche qui n’était pas spécialisée dans les brûlures", confie la Lyonnaise.
Quelques heures après l’hospitalisation de sa fille, qui a bientôt sept ans, elle constate que l’équipe médicale n’a pas su prendre correctement en charge les brûlures. "Firiel était déshydratée, elle se liquéfiait. C’était n'importe quoi, elle a failli mourir. Les médecins me disaient qu’ils ne pouvaient plus rien faire pour la soigner." Face à ce manque de qualité des soins, la quadragénaire désire transférer son bébé à l’hôpital Edouard Herriot, à Lyon, qui dispose d’un centre dédié aux grands brûlés. Elle fait plusieurs demandes auprès de l’établissement où sa fille était admise quelques minutes après l’accident. "Ils ont refusé. J’ai dû insister pour qu’ils envoient des photos des brûlures à l’hôpital Edouard Herriot. Après les avoir vues, les praticiens ont directement demandé à ce que Firiel soit transféré à Lyon."
Greffe de peau : "elle avait des bandages de la tête aux pieds"
À l’hôpital Edouard Herriot, "tout s’est enchaîné". "Ma fille a été placée en coma artificiel puis en réanimation pendant un mois. C’était très dur pour moi. Je devais gérer cet accident toute seule, car mon conjoint ne me soutenait pas, ce qui a conduit à notre séparation. De plus, je devais abandonner et laisser ma fille tous les soirs à l’hôpital, parce qu’aucun espace n’avait été aménagé pour que les parents puissent rester auprès de leur enfant. Les soignants me disaient que si je restais à côté d’elle, je n’allais pas pouvoir dormir à cause du bruit des machines. Ils ne comprenaient pas que je n’avais pas fermé l’œil depuis l’accident", déplore Imane. Après tout cela, Firiel a reçu une greffe de peau, prélevée au niveau de l’abdomen, pour ses deux jambes. "Elle avait des bandages de la tête aux pieds." La jeune patiente a ensuite basculé en soins intensifs pendant une semaine.
Un mois après l’accident, l’enfant a été admis dans un centre de rééducation pendant huit mois où elle a bénéficié de séances de kinésithérapie, de la mise en place d’appareillage et de pansement. "À cette période, j’étais en arrêt maladie, car Firiel avait besoin que je sois présente 24 heures sur 24. Il était hors de question que je soigne d’autres personnes, alors que ma fille allait mal. De plus, cet accident a aussi été traumatisant pour moi. Et pour cause, aujourd’hui, je suis toujours en thérapie pour ça mais aussi en burn-out. Je me suis rendu compte que ce drame m’a isolée et complètement changée. Au fil des années, j’ai revu mes priorités", indique l’infirmière.
Démangeaisons, douleurs neuropathiques, cicatrices : "entre chaque cure thermale, on voit une réelle amélioration"
Au cours du parcours de soins de la fillette, la Lyonnaise entend parler de l’association de brûlés Burns and Smiles et l’intègre. "Ils m’ont beaucoup soutenue et m’ont aussi fait connaître la cure aux Thermes de Saint-Gervais Mont Blanc, qui a été plus que bénéfique pour ma fille." Après la rééducation, Firiel a dû patienter pendant six mois avant de faire sa première cure, car il ne fallait pas commencer trop tôt. "Durant la phase inflammatoire, sa peau était rouge et boursouflée. Il y avait donc plus de risques d’infections. Cependant, une fois que son épiderme était moins violet, elle a pu effectuer les soins à l’âge de deux ans. Je m’en souviens elle portait encore des couches. Ensuite, elle a bénéficié d’une autre cure durant la même année et de deux autres cures l’année d’après." En octobre dernier, l’enfant faisait "sa huitième ou neuvième cure".
Pendant les trois semaines de cure, la jeune patiente a toujours fait le bain général (où son corps est immergé dans un bain d’eau thermale à 39 °C), la pulvérisation générale (où des jets fins pulvérisent de l’eau thermale sur l’ensemble de son corps), le bain local (qui se concentre sur les mains, les bras et les jambes) et le massage avec le kinésithérapeute pour assouplir ses brides. "Entre chaque cure thermale, on voit une réelle amélioration. Les soins ont assoupli sa peau, l’ont rendu plus lisse, uniforme et moins granuleuse. Ils ont également réduit ses démangeaisons et ses douleurs neuropathiques", que la fillette décrit comme "des coups d’électricité au niveau des jambes", qui pouvaient limiter sa capacité à marcher. "Aujourd’hui, ma fille arrive à montrer ses jambes sans en avoir honte et elle supporte le fait que les inconnus la regardent ou lui en parlent, ce qui n’était pas le cas avant. Je suis très fière d’elle", souligne Imane.
Après chaque cure, Firiel déclare se sentir mieux globalement. "Mais, je suis un petit peu fatiguée et j’ai mal au niveau de mes cicatrices à cause de la douche filiforme", avoue Firiel. Ce dernier soin, que la fille juge comme douloureux, correspond au fait de projeter à très haute pression de l’eau thermale sur la zone à traiter via des micro trous qui provoquent la sensation des points d’acupuncture sur l’épiderme. Cela va mobiliser le tissu en profondeur, décoller le derme et lever les adhérences. "C’est un soin dermatologique très lourd pour ma fille. Elle me dit souvent qu’elle n’a pas envie d’aller faire la cure à cause de la douche filiforme."
"La cure est remboursée, mais elle n’est pas accessible à tout le monde"
Bien que la cure thermale ait de nombreux bienfaits sur la santé et la qualité de vie des grands brûlés, l’infirmière signale qu’elle a un coût. "La cure est remboursée, mais elle n’est pas accessible à tout le monde. Durant les trois semaines, on doit payer l’hébergement, les déplacements et les repas. Il faut aussi occuper les enfants l’après-midi, après les soins, en faisant des activités payantes", regrette la Lyonnaise qui espère qu’un jour, ces frais pourront être intégralement pris en charge par la Sécurité sociale.
Au-delà de l’aspect financier, elle trouve aussi que la cure demande beaucoup d’adaptation aux enfants. "Ils perdent certains de leurs repères, doivent s’habituer aux changements de rythme et se refaire de nouveaux copains. Ma fille souffre parfois de troubles du sommeil. Dans ces cas, elle est suivie par une psychologue." La quadragénaire a conscience que Firiel n’a pas la vie d’une petite fille normale. "Parfois, elle en a marre, elle fait des crises. Elle me dit qu’elle est 'désolée de s’être brûlée' et qu’elle aimerait 'avoir des jambes lisses' comme les miennes. À travers ces phrases, je comprends qu’elle ne vit pas très bien la situation, même si elle ne me le dit pas de manière explicite. Elle a grandi trop vite, elle a sauté des étapes, elle a perdu son insouciance, car elle a été projetée dès le plus jeune âge dans un monde d’adultes. Cependant, c’est un rayon de soleil, un enfant tout feu tout flamme. Firiel a la joie de vivre, elle rigole tout le temps et veut sans cesse bouger. C’est un exemple pour moi !"