À l’occasion de la Journée internationale des personnes en situation de handicap, le 3 décembre, Pourquoi Docteur s’est entretenu avec Dorothée Hontebeyrie, directrice du mécénat social de la Fondation Bettencourt Schueller. Celle-ci accompagne une cinquantaine d’associations dans le cadre de son mécénat social, notamment en faveur notamment de l’inclusion des personnes handicapées, qui seraient aujourd'hui près de huit millions en France, selon les chiffres officiels.
Pourquoi Docteur : Quelles actions en faveur des personnes handicapées entreprennent les associations soutenues par la Fondation Bettencourt Schueller ?
Dorothée Hontebeyrie : Les dirigeants d’associations que nous accompagnons sont des entrepreneurs sociaux qui innovent, qui cherchent des solutions nouvelles. L’objectif est de leur donner les moyens d’expérimenter ces solutions, de les développer à plus grande échelle. On choisit les projets qui, par leur impact, participent à construire une société plus inclusive et solidaire. Depuis longtemps, on accompagne par exemple des associations qui promeuvent l’habitat inclusif, comme Simon de Cyrène et Fratries. Il y a 15 ans, il était totalement innovant de faire cohabiter des personnes porteuses d’un handicap et des personnes valides. La Fondation a été un des leurs premiers partenaires qui leur ont permis de se structurer pour se développer.
Nous soutenons des projets qui aident les gens porteurs de handicap à trouver leur place dans la société, mais également la société à changer de regard sur le handicap.
Quelle est la première discrimination dont sont victimes les personnes handicapées ?
Il y en a beaucoup, cela dépend du handicap, mais probablement l’inclusion. Toutes nos actions sont menées pour que la personne porteuse de handicap soit la plus incluse possible dans la vie ordinaire. Cela passe notamment par l’habitat : dans le projet Fratries, il n’y a vraiment plus aucune notion d’aidant et d’aidé, plus de différence entre les personnes handicapées et les autres au sein de la colocation. Chacun a sa chambre et sa salle de bain privée, et il y a des pièces collectives, où ils cuisinent, prennent leur repas, font des jeux... comme dans n’importe quelle colocation.
L’inclusion passe aussi par le travail, avec l’association Tremplin Extraordinaire, dont le premier projet est un restaurant tout à fait classique qui emploie des personnes handicapées, ou avec l’association Vivre et Travailler Autrement, qui incite des entreprises ordinaires à embaucher des personnes autistes. Nous avons également soutenu, par le passé, la Fondation AMIPI - Bernard VENDRE, qui crée des usines adaptées où la grande majorité des salariés sont en situation de handicap cognitif, avec l’idée que le travail "répare". Autant de projets qui aident les gens porteurs de handicap à trouver leur place dans la société, mais également la société à changer de regard sur le handicap. Nous sommes persuadés, à la Fondation, que tout le monde en sort grandi.
Le secret de l’inclusion, est-ce la mixité ?
Ces projets favorisent la mixité, la rencontre, et c’est la rencontre entre des mondes différents qui décloisonne les relations, qui fait disparaître les barrières que les personnes se construisent en fonction de leur âge, de leur milieu... Favoriser les liens fraternels est une clé pour bâtir une société plus humaine, soucieuse de donner une place aux plus fragiles.
Ces projets favorisent la mixité, la rencontre, et c’est la rencontre entre des mondes différents qui décloisonne les relations.
Quels sont les principaux freins aujourd’hui à l’insertion et à l’autonomie des personnes en situation de handicap ?
Peut-être le manque d’inclusion à l’école, l’insuffisante prise en charge des personnes handicapées dans la société, ou encore la place que les personnes valides sont prêtes à leur faire. Que ce soient les cabinets de médecins ou les centres de loisirs et de sports, trop d’endroits ne sont toujours pas adaptés pour les prendre en charge. Il y a également une certaine peur de l’autre, de la différence : beaucoup de personnes valides peuvent être mal à l’aise, ou ne pas savoir comment accueillir, aborder les porteurs de handicap. Les projets que nous soutenons sont un des maillons qui tentent de faire évoluer leur image au sein de la société.
Que ce soient les cabinets de médecins ou les centres de loisirs et de sports, trop d’endroits ne sont toujours pas adaptés pour prendre en charge les personnes handicapées.
Le handicap peut aussi concerner les personnes atteintes de maladies psychiques. Comment les aider ?
La Fondation soutient plusieurs initiatives œuvrant pour les personnes souffrant de maladies psychiques (schizophrénie, bipolarité, dépression sévère...), avec l’ambition de favoriser leur réinsertion, notamment après un passage en hôpital psychiatrique. Il y a trop peu de structures pour les prendre en charge, alors qu’elles ont besoin d’un accompagnement pour remettre le pied à l’étrier. Pour y remédier, l'association Clubhouse France, par exemple, a créé dans une dizaine de villes en France des lieux d’entraide et d’activité de jour pour les personnes atteintes de troubles psychiques : elles vont cogérer elles-mêmes les lieux, reprendre confiance en elle, gagner en autonomie et redéfinir avec les équipes encadrantes leur projet professionnel (préparation de CV, aide aux entretiens d’embauche, à la transition vers un emploi...). Clubhouse fait aussi un énorme travail de sensibilisation auprès des entreprises, pour déconstruire les préjugés et les accompagner dans l’accueil de salariés souffrant de maladies psychiques.