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QUESTION D'ACTU

La Santé en Question

«Chercheur, c’est le métier le plus évalué au monde, cela devient ridicule !»

A la suite de l’émission La Santé en Question sur le thème : « Recherche médicale, entre ambitions étouffées et avenir incertain » qui avait comme invité Christian Bréchot, président du Global Virus Network, à Miami, aux Etats-Unis, nous avons recueilli la réaction d’un directeur de recherche à l’INSERM. Jean-Charles Lambert travaille sur la caractérisation des déterminants génétiques de la maladie d’Alzheimer. Son témoignage sur les plaisirs et les contraintes de son métier.

\ iStock/PeopleImages




«Un métier de vocation, un travail qui me plait, un épanouissement personnel réel, un travail très gratifiant au niveau intellectuel… Mais un métier facile, c’est autre chose !». Directeur de recherche à l’INSERM à la tête d’une équipe de 27 personnes qui travaille sur la caractérisation des déterminants génétiques de la maladie d’Alzheimer, Jean-Charles Lambert ne cache pas son bonheur d’être chercheur. Ce qui ne l’empêche pas d’évoquer très vite les difficultés de l’exercice.

«C’est un métier qui exige de la passion mais aussi beaucoup d’humilité ! A chaque étape, une carrière peut s’arrêter parce qu’il n’y a pas de poste ou pas de financement», poursuit-il. Cette question des moyens n’a pas été pour lui le principal sujet. Actuellement, son équipe s’appuie sur des fonds issus de fondations, de l’ANR et de financements européens. «Nous avons toujours réussi à créer une dynamique qui nous a permis de trouver des financements corrects. Travailler sur la maladie d’Alzheimer, cela ouvre pas mal de possibilités, on est encore sur l’inertie du plan 2008-2012 qui était très efficace même si le programme 2012-2019 qui a suivi ne prévoit pas de financement ».

« Les sommes accordées par projet sont trop faibles »

Mais il évoque tout de même rapidement les limites auxquelles il est confronté. «Pour les chercheurs qui travaillent avec un financement par projet, cela permet de se projeter à 3 ou 5 ans… mais les sommes accordées par projet sont trop faibles. Il faut beaucoup d’énergie pour décrocher le budget du projet global, on doit multiplier les dossiers. Le problème, c’est que l’on favorise le saupoudrage au détriment de l’efficacité. Les choses seraient plus faciles si les 3% du PIB consacrés à la recherche étaient respectés … ».

Aujourd’hui, la France ne consacre en effet que 2,1% de sa «richesse» au financement de la recherche, plaçant ainsi, pour les chercheurs, la quête d’argent dans les priorités de leur emploi du temps. «On passe nos journées à chercher de l’argent, avec celui consacré à écrire des rapports d’évaluation, cela peut prendre jusqu’à 30% de nos heures de travail, insiste Jean-Charles Lambert, la seule solution pour s’en sortir, c’est de dispatcher ces responsabilités à tous les niveaux au sein de l’équipe, sinon on n’y arrive pas». Et c’est sans compter la charge de travail administratif, les commandes et leur suivi, l’envoi de colis : «On a déplacé le volume de travail lié aux charges administratives des institutions vers les équipes de recherche !».

«On nous donne de l‘argent sans savoir si cela va être utile ou pas»

L’autre obstacle qu’il identifie, c’est celui des évaluations. «Chercheur, c’est le métier le plus évalué au monde, on l’est constamment, au moment où l’on dépose le projet, lors de la présentation de chaque rapport annuel et au moment du rapport final : cela devient ridicule !», raconte Jean-Charles Lambert. D’autant qu’il y voit l’illustration d’un manque de confiance vis-à-vis du travail des chercheurs. «On nous donne de l’argent sans savoir si cela va être utile ou pas, mais nous sommes des chercheurs, pas des trouveurs ! La recherche a une vocation première, faire progresser la connaissance globale, qu’elle aboutisse à des applications ou à une valorisation, d’accord, mais ce n’est pas le même métier !». Pour Jean-Charles Lambert, «en France on attend trop des projets de recherche qu’ils débouchent sur des applications, mais ce que nous faisons, c’est souvent un travail à perte, ‘high risk, high gain’, comme on dit, et ne pas l’accepter est un vrai problème».

«C’est un métier extraordinaire»

Pourtant, toutes ces contraintes n’entament pas l’enthousiasme du chercheur : «Le plaisir de la découverte gomme toutes les difficultés», souligne-t-il. Et ce plaisir, il se traduit le mieux, selon lui, dans la reconnaissance que procure son métier, celle de ses pairs, liée aux publications, et la reconnaissance de la société, qui lui suffisent pour alimenter son ego : «Quand le chercheur va vers la société civile, il est reconnu, nous le voyons bien lorsque nous intervenons dans des conférences». Même si Jean-Charles Lambert pointe un bémol sur ce registre : «Je ne parle pas de la reconnaissance liée au salaire, notamment pour les débuts de carrière, si l’on se compare à d’autres pays européens, on peut être malheureux !», ironise-t-il.

Pas de quoi malgré tout le décourager : «Le moteur se trouve ailleurs que dans l’argent, c’est un métier extraordinaire, les horaires de travail, vous n’y pensez même pas, dans cette démarche intellectuelle, votre cerveau, vous n’avez jamais envie de l’arrêter !».

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