« Mais Monsieur, la peau c’est noir ou blanc. Ce truc tout transparent, ça peut pas être de la peau ? » A la vue d’une pellicule transparente baignant dans un liquide violet, les élèves de 3e5 du collège Jean Moulin de Meudon-la-Forêt ont un peu de mal à croire qu’il s’agit de peau. Et pourtant ce n’est pas n’importe laquelle, il s’agit de peau humaine reconstituée à partir de cellules souches dans l’un des laboratoires de recherche financé grâce au Téléthon.
A l’invitation de l’AFM-Téléthon et de l’Association des professeurs de biologie et géologie, Mr Gbaguidi, le professeur de Sciences de la Vie et de la Terre a cédé sa place ce lundi matin à Pascal Fragner, chercheur à l’Institut des cellules souches (I-Stem) à Evry pour que ce dernier présente son métier aux élèves de 2 classes de 3e.
Ecoutez Arthur Gbaguidi, professeur de SVT au collège de Meudon-la-Forêt : « C’est une opportunité pour les élèves de voir un chercheur en grandeur nature et de découvrir les métiers de la recherche »
Pour planter le décor, une vidéo de quelques minutes explique aux collégiens le quotidien de 4 enfants atteints de maladies rares, comme cette petite fille victime d’amyotrophie spinale, qui prend le chemin de l’école en fauteuil roulant ou ce petit garçon auquel l’épidermolyse bulleuse fait serrer les dents de douleur lorsqu’il faut changer les pansements de ses pieds. « Monsieur, la peau qui fait des bulles, ça a l’air horrible, ça veut dire quoi ? », interroge tout de suite un petit brun lorsque la vidéo s’arrête. « C’est comme si votre peau formait une ampoule dès que vous touchez quelque chose. Dans cette maladie, l’épidermolyse bulleuse, on dit que la peau est incohérente, ses différentes couches ne tiennent pas collées entre elles », explique Pascal Fragner.
"Trop cool" le robot à 1 million d'euros
A l’I-Stem, son équipe travaille donc à recréer de la peau saine à partir de cellules souches pour pouvoir la greffer aux malades. « Il nous faut donc être capable de produire une très grande quantité de cellules, c’est pour cela qu’on utilise ce robot », indique le chercheur en lançant une nouvelle vidéo dans laquelle un grand bras articulé est en train de secouer de plus en plus vite un flacon contenant les cellules destinées à former un film de peau. « Trop cool, il est à vous le robot Monsieur ? », demandent les élèves tout à coup captivés. « Oui, enfin à mon Institut. C’est l’argent récolté lors du Téléthon qui permet de financer ce type de matériel.
Ce robot a coûté un peu plus d’un million d’euros à l’achat », poursuit le scientifique. Une main se lève et une demoiselle ose timidement : « Mais Monsieur, si c’est aussi cher d’acheter un robot, pourquoi c’est pas l’humain qui le fait ? » Et Pascal Fragner de répondre par dessus l’éclat de rire général : « Mais non non, c’est une très bonne question. D’abord quand c’est un homme qui manipule les cellules, c’est beaucoup plus lent que quand c’est le robot. Et ensuite, on augmente le risque d’introduire une impureté qui pourrait infecter les cellules. Or ce serait très dangereux pour les personnes malades à qui on veut ensuite greffer la peau fabriquée ».
Ecoutez Pascal Fragner, chercheur à l’Institut des cellules souches (I-Stem) à Evry : « La télé donne une image déformée de la recherche. Dans Les Experts, on a l’impression que le chercheur travaille seul et qu’il lui suffit d’appuyer sur un bouton pour avoir la réponse immédiatement, c’est tout l’inverse ! »
Bac + 8, ça fait peur
« C’est ce que j’aime dans le métier de chercheur, c’est que c’est un peu la révolution permanente. Les nouvelles découvertes et les nouveaux outils comme ce robot ou comme tout ce qui nous sert à séquencer le génome ont changé considérablement notre quotidien », poursuit le chercheur. Mais les élèves ont visiblement arrêté de l’écouter, comme bloqués par la longue liste de diplômes qu’il vient d’afficher au tableau. « Waouh Bac+8, vas-y, c’est troooop long ! Mais Monsieur, chercheur, c’est le métier le plus dur ? », apostrophe une voix en pleine mue depuis le fond de la classe. « Mais non, ça demande des compétences auxquelles on ne pense pas forcément. Par exemple être capable de se créer un réseau en allant en congrès pour rencontrer ses collègues étrangers ou parler anglais parce qu’aujourd’hui c’est la langue commune de tous les scientifiques.
Mais vous savez, au collège je n’étais vraiment pas bon en anglais, j’ai appris en allant vivre aux Etats-Unis après ma thèse », tente de rassurer Pascal Fragner, avant de montrer qu’il existe d’autres métiers dans la recherche, comme technicien ou ingénieur qui ne nécessitent pas 8 ans d’études après le bac, pour le moment insurmontables aux yeux de ces collégiens. A cet instant retentit la sonnerie. Mr Gbaguidi a à peine le temps de demander à ses élèves « Vous avez des questions ? Vous avez tout compris ? », qu’ils sont déjà tous partis, visiblement pressés mais ravis !
Ecoutez quelques élèves de 3e3 à l’issue de l’intervention de Pascal Fragner : « Quand c’est le chercheur qui explique, on comprend mieux et on y croit plus que quand c’est notre prof ! »