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Grossesse

Les échographies "de plaisir", une pratique illégale et dangereuse pour la santé ?

Par Geneviève Andrianaly

Pour confirmer le sexe ou découvrir le visage de leur bébé, certaines femmes enceintes font des échographies fœtales dites de "confort". Pourtant, elles ne sont pas légales et peuvent être risquées.

bernardbodo/iStock
Les échographies dites de "plaisir" ou "confort", qui sont proposées par des entreprises privées, permettent de découvrir le visage de l’enfant ou son sexe.
Cependant, ces examens, présentant des risques "minimes" pour le cerveau du fœtus en cours de développement, ne sont pas réalisés par des professionnels de santé, ce qui est interdit par la loi.
En outre, les images ou les mots employés lors de ces types de consultations pourraient "susciter des inquiétudes" chez les futurs parents.

C’est un moment unique pour les futurs parents. Au cours des neuf mois de grossesse, trois échographies sont recommandées par les autorités sanitaires pour s’assurer du bon développement du fœtus et dépister des anomalies, mais également afin de vérifier la position de l’enfant, le nombre de bébés ou encore le sexe de l’enfant. Des examens supplémentaires peuvent être demandés par le médecin s’il juge qu’il est nécessaire de suivre de plus près l’évolution du nourrisson.

Les échographies de "confort" n'ont aucun but médical

Ces dernières années, de nombreuses personnes ont eu recours aux échographies dites de "plaisir" ou "confort", qui sont proposées par des entreprises privées. Ces dernières permettent de découvrir, seule ou accompagnée de ses proches, les mimiques, les traits du visage ou encore de déterminer le sexe du bébé dès 14 ou 16 semaines de grossesse. Dix ans auparavant, les professionnels de la santé avaient déjà alerté les pouvoirs publics sur cette pratique qui n’a pas de but médical ou de diagnostic.

En 2012, la Haute Autorité de Santé (HAS) a publié un rapport dans lequel elle signalait que les praticiens ne peuvent déontologiquement pratiquer d’échographie à visée commerciale. "En effet, pour un médecin ou une sage-femme, la pratique commerciale d’échographie, quel que soit son objectif, n’est pas compatible avec la déontologie, comme stipulé dans les deux Codes concernés : 'La médecine ne doit pas être pratiquée comme un commerce' et 'La profession de sage-femme ne doit pas être pratiquée comme un commerce'."

"À ce jour, personne n'est en mesure d'affirmer si ces échographies sont légales"

Problème : ces échographies sont effectuées par des personnes qui ne sont pas professionnels de santé, comme l’indique BFMTV. Pourtant, cela est un délit puni par la loi. C’est pourquoi, le 26 octobre dernier, la sénatrice du Nord, Marie-Claude Lermytte, a adressé une question au ministre de la Santé sur la légalité de cette pratique.

"De plus en plus de femmes recourent à des échographies dites de confort (…) et cela pour un prix accessible de l'ordre de 80 euros. Dans certains cas, ces images peuvent inquiéter les parents qui se rendent dès lors aux urgences alors qu'ils ne disposent pas de la compétence pour interpréter et analyser s'il existe un danger réel pour le fœtus. À ce jour, personne n'est en mesure d'affirmer si ces échographies sont légales et si seuls les médecins et les sages-femmes, sous certaines conditions, sont habilités à procéder à ces examens", a-t-elle écrit.

Elle n’est pas la seule à pointer du doigt ce problème. "C'est de l'exercice illégal du métier de médecin et de sage-femme", a déclaré à BFMTV, Sandrine Brame, vice-présidente du conseil national de l'Ordre des sages-femmes.

Les échographies de "plaisir" peuvent "susciter des inquiétudes"

En outre, les échographies de "plaisir" ne sont pas sans risques. Dans une interview accordée au média, Philippe Courtois, avocat spécialisé en droit médical, a évoqué la potentielle mise en danger des femmes enceintes. "Dans quelle mesure, puisqu'elles ont vu l'enfant et qu'il semblait aller bien, pourraient-elles renoncer à consulter leur médecin et à pratiquer les échographies prévues dans le cadre du suivi de grossesse ?"

Ces types de consultations peuvent aussi inquiéter les futurs parents. "On peut tout à fait imaginer qu'une personne non formée pourrait dire que le bébé est 'gros' ou qu'il n'y a 'pas beaucoup de liquide amniotique', des mots qui peuvent immédiatement susciter des inquiétudes", a expliqué Sandrine Brame.

Un problème confirmé par Philippe Bouhanna, médecin, spécialisé en échographie fœtale et en médecine fœtale, et président de la commission échographie du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF). "J'ai déjà reçu des patientes paniquées après avoir réalisé ce type d'échographie. (…) Si, au moment de l'échographie, la main du fœtus se trouve devant le nez, cela crée un cône d'ombre, comme un trou noir. C'est ce qu'on appelle des faux positifs. Je suis habilité à les détecter, pas ces personnes."

Des risques "potentiels" pour le cerveau d’un fœtus en cours de développement

Le spécialiste a aussi souligné les risques "minimes" mais "potentiels" liés aux ultrasons. "Une échographie sur la tête pour découvrir le visage, ce sont des ultrasons qui passent sur un cerveau en cours de développement. Autant éviter de bombarder d'ultrasons le cerveau d'un fœtus", a-t-il conclu.