"Nous étions prudents, et un peu nerveux, parce que c’était une première au monde." Lors de l’essai clinique d’une nouvelle thérapie génique, des chercheurs de l’Université Fudan de Shanghai (Chine), dirigés par le chirurgien Yilai Shu, ont réussi la prouesse de rendre l’audition à quatre enfants atteints de surdité. Leurs travaux ont été récemment présentés lors du congrès de la Société européenne de thérapie génique et cellulaire à Bruxelles.
L’ouïe de quatre enfants sur cinq s’est améliorée après la thérapie génique
L’essai clinique remonte à décembre dernier. L’équipe scientifique a utilisé un "virus inoffensif" portant l’ADN d’une copie fonctionnelle du gène de l’otoferline qu’ils ont injecté dans la cochlée, une partie de l’oreille interne. Pour rappel : sans otoferline, les cellules ciliées de l’oreille ne peuvent pas transmettre les sons au cerveau. Le gène étant de trop grande taille, les scientifiques ont dû le diviser en deux parties. Une fois dans l’oreille, les deux sections d’ADN se sont recombinées pour former un gène complet capable de produire la protéine otoferline manquante.
Un succès : à la suite de la thérapie, l’ouïe de quatre enfants s’est améliorée, "atteignant peut-être 60 à 65 % de l’audition normale", selon le Dr Yilai Shu. "Avant le traitement, si vous les mettiez dans une salle de cinéma avec le son au plus fort, ils ne l’entendaient pas, précise son confrère, le Dr Zheng-Yi Chen, qui a participé à l’étude. Maintenant, ils peuvent entendre un discours presque normal."
Vers un potentiel médicament qui restaure l’audition ?
Cette nouvelle expérience de l’audition a également provoqué des changements de comportement chez les enfants. D’après le Dr Shu, un enfant qui n’avait jamais parlé a commencé à dire "baba" et "maman" depuis son traitement. Le spécialiste estime que les enfants devraient, idéalement, être traités vers l’âge d’un an, une étape clé dans le développement de la parole.
Le Professeur Zheng-Yi Chen considère que la thérapie génique pourrait offrir "une meilleure audition que ce qui peut être obtenu aujourd’hui avec des implants", qui ont leurs limites. Jusque-là, aucun médicament, quel qu’il soit, n’a permis d’améliorer l’audition.
Seul bémol, la thérapie génique ne cible qu’une forme spécifique de surdité : elle ne s’applique qu’aux personnes présentant une anomalie du gène codant l’otoferline, qui est à l’origine de seulement 1 à 3 % des cas de surdité congénitale. Mais les scientifiques espèrent que ces études pourraient "ouvrir la voie à la restauration de l’audition pour d’autres formes de surdité congénitale".