- La vitesse à laquelle les organes se désagrègent varie d’un organe à l'autre et d'une personne à l'autre.
- L'analyse de protéines spécifiques présentes dans le sang permet d'évaluer l'âge biologique d'un organe mais aussi les risques de décès d'ici 15 ans.
- Des travaux supplémentaires sont nécessaires pour perfectionner le test sanguin développé par les chercheurs, avant une possible mise sur le marché.
Les organes ne vieillissent pas tous à la même vitesse d'une personne à l'autre. Par exemple, environ un adulte de 50 ans ou plus en bonne santé sur cinq a au moins un organe vieillissant à un rythme fortement accéléré. Or, ce phénomène augmente le risque de certaines maladies, voire de décès.
Ainsi, une équipe de Stanford Medecine a voulu trouver un moyen d'évaluer la vitesse de vieillissement des organes afin de prévenir les maladies qu'ils peuvent provoquer. Reposant sur un test sanguin, il a été présenté dans la revue Nature, le 6 décembre 2023.
Les organes vieillissent à des rythmes différents
Les chercheurs ont dans un premier temps voulu trouver un moyen d'estimer l'âge biologique d'un organe chez les personnes en bonne santé. Ils ont pour cela évalué les niveaux d'environ 5.000 protéines dans le sang en utilisant les échantillons sanguins de 1.400 individus âgés de 20 à 90 ans. Les scientifiques ont noté toutes les protéines dont les gènes étaient quatre fois plus fortement activés dans un organe que dans un autre. Ils ont ainsi identifié près de 900 protéines spécifiques pouvant être liées au vieillissement des organes.
En s'appuyant sur les données récoltées, l'équipe a mis au point un algorithme capable de deviner l’âge des personnes en fonction des niveaux de ces protéines. Ils ont vérifié son exactitude en lui demandant d'évaluer l'âge d'environ 4.000 volontaires à partir d'un échantillon sanguin. Les résultats ont été concluants.
"Nous pouvons estimer l'âge biologique d'un organe chez une personne apparemment en bonne santé", explique l'auteur principal de l'étude, Dr Tony Wyss-Coray dans un communiqué. "Cela, à son tour, prédit le risque de maladie liée à cet organe."
Un test sanguin capable de repérer les organes vieillissants
Ensuite, les scientifiques ont utilisé les protéines qu'ils avaient identifiées pour se concentrer sur 11 organes : cœur, graisse, poumon, système immunitaire, rein, foie, muscle, pancréas, cerveau, système vasculaire et intestin. Ils ont mesuré les niveaux de protéines spécifiques pour chaque organe des participants de l'étude.
Pour chacun des 11 organes, ils ont pu définir un « écart d'âge » : c'est-à-dire la différence entre l'âge réel d'un organe et son âge estimé par les calculs de l'algorithme basés sur les protéines spécifiques à l'organe. L'équipe a découvert que les écarts d’âge identifiés pour chacun des organes, à l'exception de l’intestin, étaient significativement associés au risque futur de décès toutes causes confondues sur 15 ans de suivi.
"Avoir un organe présentant un vieillissement accéléré (défini comme un écart d'âge biologique défini par l'algorithme pour l'organe supérieur à la moyenne du groupe pour cet organe parmi les personnes du même âge chronologique) entraînait un risque de mortalité de 15 % à 50 % plus élevé au cours des 15 années suivantes, selon l'organe touché", précise le communiqué.
"Lorsque nous avons comparé l'âge biologique de chacun de ces organes pour chaque individu avec ses homologues parmi un grand groupe de personnes sans maladie grave évidente, nous avons constaté que 18,4 % des personnes âgées de 50 ans ou plus avaient au moins un organe vieillissant beaucoup plus rapidement que la moyenne", précise Dr Wyss-Coray. "Et nous avons constaté que ces personnes courent un risque accru de maladie dans cet organe particulier au cours des 15 prochaines années."
Un volontaire sur 60 avait deux organes vieillissant rapidement. Son risque de mortalité était alors pour sa part 6,5 supérieur aux autres.
Vieillissement accéléré : des risques différents selon les organes
Le test sanguin et l'algorithme mis au point ont montré que l'effet du vieillissement accéléré n'était pas le même selon l'organe concerné. Par exemple, les personnes dont le cœur montrait des signes de fatigue plus importants que les autres couraient un risque 2,5 fois plus élevé d'insuffisance cardiaque que celles dont le cœur vieillissait normalement. Les participants ayant un cerveau "plus âgé" étaient 1,8 fois plus susceptibles de présenter un déclin cognitif sur cinq ans que ceux ayant un cerveau "jeune".
"Il existe également des associations fortes entre un score rénal de vieillissement extrême (plus de 2 écarts types au-dessus de la norme) et l'hypertension et le diabète, ainsi qu'entre un score cardiaque de vieillissement extrême et la fibrillation auriculaire et la crise cardiaque", expliquent les auteurs dans leur communiqué.
"Si nous pouvons reproduire cette découverte chez 50.000 ou 100.000 individus", prévient Dr Wyss-Coray, "cela signifiera qu'en surveillant la santé des organes individuellement chez des personnes apparemment en bonne santé, nous pourrons peut-être trouver des organes qui subissent un vieillissement accéléré, et nous pourrons peut-être soigner les gens avant qu’ils ne tombent malades."
Pour lui, le test sanguin - quand il sera perfectionné - pourra permettre un dépistage précoce des risques de plusieurs maladies comme la maladie d'Alzheimer ou l'infarctus, et de mettre en place des interventions thérapeutiques précoces.