À la suite d’un accident vasculaire cérébral (AVC), il arrive que des survivants puissent rencontrer des difficultés pour lire correctement, allant même jusqu’à souffrir de dyslexie. Mais comment l’expliquer ? Une nouvelle étude, publiée dans la revue Experimental Brain Research, semble avoir identifié certains mécanismes cognitifs sous-jacents à ce problème, ouvrant la voie à de nouvelles interventions sur mesure.
Dix survivants d’AVC souffrant de dyslexie soumis à des tests de lecture
Dans le cadre de leurs travaux, les chercheurs de la Kessler Foundation et de l’Université de Washington (Etats-Unis) ont mené deux expériences distinctes avec dix survivants d’AVC souffrant de "dyslexie par négligence" du côté gauche, qui se caractérise par des omissions de mots entiers sur la partie gauche d’une page ou par des erreurs de lecture portant systématiquement sur la portion gauche des mots.
"Une lecture appliquée nécessite un traitement de l’information des mots cibles et des mots périphériques pour générer un contrôle précis du regard", peut-on lire dans un communiqué. Quand on lit, en effet, on fixe d’abord notre regard sur un mot-clé, appelé mot flovéal (directement dans leur ligne de vue), puis on fixe de manière automatique les mots qui lui sont adjacents, les mots parafovéaux.
Dans la première expérience, les participants ont lu les mots présentés dans leur vision parafovéale, avec et sans intrusion de mots distrayants. La deuxième expérience a répété la tâche avec les mots cibles présentés dans leur vision fovéale. L’objectif était de déterminer si les erreurs de lecture provenaient de la position du mot par rapport au lecteur (position égocentrique) ou de sa position dans un cadre de deux mots (allocentrique).
Trois déficits cognitifs contribuant à la "dyslexie par négligence" après un AVC
Résultat, l’étude a permis d’identifier trois déficits cognitifs distincts qui contribuent aux difficultés de lecture chez les personnes souffrant de "dyslexie par négligence" du côté gauche après un AVC. "Les erreurs de mots entiers ont été influencées par la position égocentrique du mot, avec un nombre important d'erreurs en cas d’intrusions de mots distrayants, mais cet effet a disparu lorsque le mot cible leur a été présenté dans leur vision fovéale, ce qui suggère un déficit de traitement spatial égocentrique", explique le Dr Timothy J. Rich, auteur principal de l’étude.
Il poursuit : "Inversement, les erreurs sur les lettres du côté gauche des mots sont restées cohérentes indépendamment de la position spatiale du mot ou de la présence de mots distracteurs, ce qui indique un déficit de traitement allocentrique au sein du mot lui-même."
Enfin, l’étude a révélé "un troisième déficit – un échec de l'attention sélective – qui a entraîné des erreurs d'intrusion de mots entiers. En présence de distracteurs, les individus ont souvent signalé le mot distrayant au lieu du mot cible, une démonstration convaincante de ce déficit d'attention."
Vers une rééducation plus adaptée aux spécificités du patient
"Cette étude est significative car elle fait la différence entre les mécanismes d’omissions de mots entiers et les erreurs de lettres dans les mots, qui peuvent souvent être confondues dans la "dyslexie de négligence", conclut Dr Rich. Comprendre cette distinction est crucial pour développer des techniques de rééducation plus efficaces, adaptées aux déficits spécifiques de chaque patient."