"Nous pensons que le lien entre le cerveau et le corps est essentiel dans les troubles psychiatriques", explique Dr Francisco Romo-Nava, professeur au Département de psychiatrie et de neurosciences comportementales de l'université de Cincinnati et directeur de recherche associé au Research Institute at the Lindner Center of HOPE dans un communiqué. "De nombreux symptômes de troubles de l’humeur, de troubles de l’alimentation ou de troubles anxieux sont liés à ce que l’on pourrait interpréter comme une dérégulation de cette interaction cerveau-corps."
Pour son étude présentée dans la revue Molecular Psychiatry le 20 décembre 2023, le chercheur s’est intéressé plus précisément aux voies neuronales situées dans la moelle épinière qui transmettent les informations du corps aux régions cérébrales impliquées dans la gestion des émotions. Avec son équipe, il a voulu déterminer si la stimulation électrique de la moelle épinière pouvait aider à soulager les états dépressifs.
Stimulation électrique : une baisse de la gravité des symptômes dépressifs
Pour cela, l’équipe a réuni 20 patients souffrant de dépression. La moitié recevait le traitement à base de stimulations électriques au niveau de la moelle épinière. L’autre avait une version “placebo” de la thérapie électrique. Les volontaires participaient à trois séances hebdomadaires de 20 minutes pendant huit semaines, soit un total de 24 séances.
L’appareil expérimental non-invasif n'est pas plus grand qu'une boîte à chaussures. L'électrode est placée sur le dos du malade au niveau de sa colonne vertébrale. "Nous avons utilisé un courant si faible qu'il est environ 10 fois plus petit que celui connu pour induire des lésions tissulaires", précise Dr Francisco Romo-Nava.
Les analyses des résultats montrent que les participants ayant reçu la stimulation électrique au niveau de la moelle épinière, affichaient une diminution de la gravité de leurs symptômes dépressifs par rapport au groupe témoin. De plus, si leur tension artérielle au repos n'avait pas changé au cours des huit semaines, la tension artérielle diastolique (le chiffre le plus bas d'une mesure de pression artérielle) avait baissé pendant une courte période après chaque séance de manière cumulative.
"Cela pourrait signifier que nous pourrions effectivement induire une forme d'effet plastique sur le circuit d'interaction cerveau-corps qui est également impliqué dans des fonctions autonomes telles que la pression artérielle et la fréquence cardiaque", estime le Dr Romo-Nava. "C'est très préliminaire, mais c'est aussi un autre signal qui va dans la bonne direction."
Stimulation de la moelle épinière et dépression : des études supplémentaires nécessaires
Les données des chercheurs révèlent que le courant provenant de l'appareil placé au niveau de la moelle épinière atteint la matière grise spinale dans la moelle épinière, mais pas le cerveau lui-même. "Cela conforte notre hypothèse, selon laquelle c'est la modulation de ces voies d'information qui peut induire un effet sur les zones du cerveau liées à l'humeur", explique l'auteur principal. "Ce n'est pas le courant qui atteint le cerveau, c'est le changement dans le signal qui a un effet". Cependant, il reconnaît ensuite que "cette étude n'est pas suffisante pour prouver toutes ces composantes de l'hypothèse, mais nous pensons que c'est un bon début".
Par ailleurs, les travaux qui devaient également évaluer la faisabilité et la sécurité de l'intervention font état d’effets secondaires “légers”. Les scientifiques ont noté une rougeur cutanée au site de stimulation disparaissant après une vingtaine de minutes. De brèves démangeaisons ou sensations de brûlure non-douloureuses sont aussi rapportées. Néanmoins, elles ne duraient que pendant les séances.
Face à ces résultats prometteurs, l’équipe prévoit de réunir de nouveaux fonds pour mener des essais plus larges et développer une version portable du dispositif de stimulation de la moelle épinière.