La judiciarisation de la médecine est un phénomène bien réel. Le rapport annuel du Sou Médical vient encore d’en apporter la preuve. La principale mutuelle d’assurance du corps médical a passé au crible toutes les décisions de justice impliquant des professionnels de santé et en 2008. Le nombre de plaintes déposées par des patients ne flambe pas. Mais, globalement, la justice a la main lourde. Selon le bilan 2008 du Sou Médical, les médecins sont condamnés par la justice dans 67 % des cas. Mais le phénomène le plus inquiétant, c’est que le montant des indemnisations monte en flèche. Alors qu’en 2007, la MACSF n’avait que 2 dossiers dépassant les 2 millions d’euros, elle en a eu 9 en 2008. Sinon, cette année, comme les précédentes, trois spécialités sont à hauts risques : la chirurgie, l’anesthésie et l’obstétrique. Un chirurgien risque par exemple d’être attaqué en justice pas moins de 15 fois au cours de sa carrière.
Une menace pour les généralistes ? Pour le moment, les généralistes sont beaucoup moins menacés par la judiciarisation que leurs confrères. Puisque leur taux de sinistralité – c’est à dire le nombre de sinistres déclarés pour 100 praticiens – est en-dessous de la moyenne. Pourtant, nombre d’entre eux vivent bel et bien dans la peur du procès, comme en témoigne le Dr Yves Léopold, généraliste dans le Vaucluse.
Dr Yves LEOPOLD, généraliste dans le Vaucluse: "le risque juridique, c'est un élément que l'on a constamment en tête"
Une peur du procès fondée. Pour preuve, la MACSF a enregistré en 2008 une augmentation inhabituelle du nombre de plaintes dans le cadre de suivi de pathologies chroniques jugés. Ce qui aux yeux de la MACSF est une mise en cause directe du rôle de médecin traitant. Pour le Pr René Amalberti, qui vient de publier « La sécurité du patient en médecine générale », la position de médecin traitant comporte clairement des risques.
Pr René AMALBERTI , auteur de « La sécurité du patient en médecine générale » : "la position de médecin traitant comporte clairement des risques"
Les situations à risques. Un exemple : un adolescent de 14 ans se rend chez son médecin traitant pour des douleurs au niveau de la hanche. Il lui prescrit une radiographie du bassin. Cette dernière se révèle normale. Mais l’adolescent continue de souffrir et de boiter. Il consulte donc son généraliste à plusieurs reprises. Etant dans une impasse, il consulte un autre médecin qui demande un nouvel examen radiologique. Le diagnostic tombe alors : épiphysiolyse débutante de la hanche. Les magistrats ont considéré que la responsabilité du médecin traitant était engagée parce qu’il aurait dû remettre en cause le diagnostic du radiologue.
Prise de conscience. Les généralistes sont conscients de ce danger. Mais pas suffisamment pour s’engager dans une vraie démarche qualité comme l’ont fait les spécialités à risques. Quelques pionniers tentent quand même d’y voir plus clair sur les risques du métier de généraliste.
Dr Marc CHANELIERE, généraliste dans le Rhône
Une prévention qui empêchera peut-être aussi les tarifs d’assurance d’augmenter. Pour le moment, la MACSF ne compte pas les augmenter.