"J’ai commencé à avoir des crises entre 7 et 10 ans. Ensuite, elles se sont accentuées à la puberté avec les changements hormonaux", se souvient Mathilde, dont le père et la grand-mère sont, comme elle, atteints de migraine. Chez la patiente, cet "énorme" mal de tête pulsatile unilatéral est dit "avec aura", c’est-à-dire accompagné de troubles neurologiques transitoires. "À chaque crise, on ne sait jamais à quelle sauce on va être mangé. Ça peut commencer doucement puis mal se terminer. Lorsqu’une crise, dont la durée est de 72 heures, survient, je suis très fatiguée, sensible à la lumière et au bruit. J’ai l’impression que ma peau me brûle quand on me touche. J’ai aussi des fourmillements dans les bras qui remontent jusqu’à mon crâne. Je souffre également de problèmes de mémoire et de troubles thymiques, comme une dépression ou des sautes d’humeur", indique la femme de 38 ans.
"J’avais des horaires de travail nocturnes. Je ne dormais donc pas beaucoup et j’étais épuisée"
Cette maladie "banalisée" prenait de plus en plus de place dans sa vie lorsque la cuisinière travaillait dans l’hôtellerie. Pendant quatre ans, elle était cheffe de cuisine dans un bar à tapas. "À cette période, j’avais une mauvaise hygiène de vie. J’avais des horaires de travail nocturnes. Je ne dormais donc pas beaucoup et j’étais épuisée. De plus, mon cerveau était toujours hyperactif, car j’occupais un poste à responsabilités. Il y avait beaucoup de pression, de stress, de réflexions et de gestion. Cela m’a valu de nombreuses crises que mes collègues ne comprenaient pas."
En 2018, elle décide de consulter un neurologue qui lui prescrit un traitement de fond qui s’est avéré être assez efficace. "Les médicaments réduisaient la fréquence des crises, mais pas leur violence. Je n’étais plus capable de gérer quoi que ce soit." Rapidement, elle constate ainsi que la migraine a un réel impact dans sa vie professionnelle. "J’ai tout de même tiré sur la corde, car j’étais dans le déni, je n’acceptais pas la situation et je me disais qu’il y avait pire que moi. C’était compliqué émotionnellement et psychologiquement. J’ai tenu jusqu’à mon burn-out, qui a conduit à ma démission. À ce moment-là, ma priorité n'était plus le travail, mais ma santé", raconte la trentenaire qui a ensuite bénéficié d’un suivi psychologique et a fait une pause professionnelle durant la pandémie.
Migraine : "Je n’arrivais plus à parler et je perdais la vue"
Après une année sabbatique, durant laquelle elle prend soin d’elle, voyage et passe du temps avec sa famille et ses amis, Mathilde décide de remettre un pied dans le monde du travail. "Lors des entretiens, je n’ai jamais mentionné le fait que je souffrais de migraine, car je me dis que cette maladie peut être un frein pour trouver un emploi." En peu de temps, la patiente obtient un poste toujours à responsabilités dans la restauration et, en parallèle, devient membre de l’association de La Voix des Migraineux. "Depuis deux ans, je gère la cantine d’une crèche dans le Gers. J’aime énormément ce poste, car j’ai des jours de repos, des vacances et des horaires fixes, de 7h30 à 15h. Et contrairement à mon expérience dans l’hôtellerie, mes collègues sont bienveillants. Grâce à tous ces points positifs, mes crises se sont calmées."
L’an dernier, les migraines sont revenues progressivement. En février, "une grosse crise" survient. "Ça a commencé par des troubles visuels. Tout scintillait autour de moi, puis j’avais l’impression de me prendre des coups de poing à la tête, je n’arrivais plus à parler et je perdais aussi la vue. C’était horrible. Heureusement, mes collègues m’ont directement prise en charge." Après cet épisode migraineux, la cheffe de cuisine en restauration scolaire a demandé à ce qu’un "protocole migraine" soit mis en place sur son lieu de travail, car "80 % des crises se présentent là-bas". "Quand je commence à sentir les auras, je vais voir mes collègues afin qu’ils puissent placer un transat dans l’espace où les livraisons sont réceptionnées, car c’est un endroit calme et sombre. Pendant que j’y suis, une autre personne me remplace", ajoute-t-elle.
"Il ne faut pas avoir peur ou honte d’appeler à l’aide" en cas de crises
Au fil des mois, et "surtout grâce aux conseils donnés lors des échanges à l’association", la trentenaire apprend petit à petit à mieux gérer les crises. "Désormais, j’essaye d’y aller doucement avec mon corps, mes gestes, de réduire la caféine et le gluten, qui peuvent favoriser l’apparition des migraines. Quand je suis dehors, en voiture ou au travail, je fais toujours en sorte d’avoir mon kit de survie, c’est-à-dire des anti-inflammatoires, un plaid, un coussin, un bonnet, des lunettes de soleil, des bouchons d’oreilles, un transat de camping et une bouteille d’eau. Cela m’aide à calmer la crise et m’évite de demander de l’aide, de déranger les gens et de me montrer comme ça. Je n’ai pas envie que tout le monde me voie comme un animal, car il m’arrive parfois de respirer très fort, par exemple", explique Mathilde, qui prend un traitement de fond, plus précisément des anti-coagulants, depuis septembre.
Cependant, il lui est déjà arrivé que trois personnes lui viennent en aide durant une crise. "C’est difficile de se dire que l’on ne peut plus s’auto-gérer, mais en réalité, il ne faut pas avoir peur ou honte d’appeler à l’aide !"