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Enquête

Urgences : une étude révèle des discriminations dans le tri des patients

Par Stanislas Deve

D'après l'enquête d'un médecin sur les discriminations à l'entrée des urgences, les hommes sont davantage pris en charge que les femmes, et les patients blancs plus que les patients noirs.

Pixavril / istock
Dans une enquête, un médecin du CHU de Montpellier tire la sonnette d’alarme sur les discriminations que subissent certains patients en arrivant aux urgences des hôpitaux.
A symptômes identiques, les hommes sont davantage pris en charge d’urgence que les femmes (62 % contre 49 %), et les personnes blanches davantage que les personnes de couleur : 61% des patients d'origine maghrébine sont triés en urgence vitale, 58% des malades caucasiens, 55% des Asiatiques et enfin 47% des patients noirs.
Le médecin estime que la solution pourrait bien venir de l’intelligence artificielle qui, bien entraînée et intégrée au processus de tri, sera capable de faire des évaluations de gravité moins subjectives et donc moins discriminatoires.

"Notre réflexion médicale est sexiste et raciste." Les mots du professeur Xavier Bobbia, urgentiste au CHU de Montpellier, sont sans appel. Au travers une enquête scientifique publiée dans la revue European Journal of Emergency Medecine, le médecin tire la sonnette d’alarme sur les discriminations que subissent certains patients en arrivant aux urgences des hôpitaux.

Des patients aux urgences triés selon la gravité des symptômes

Tout se joue, selon lui, au moment du triage, de l’évaluation de la gravité des symptômes qui va déterminer la prise en charge plus ou moins prioritaire du patient. En partant de cette hypothèse, le professeur Bobbia a réalisé une enquête à l’été 2023 auprès de 1.563 médecins et infirmiers urgentistes en France, en Suisse, en Belgique et à Monaco sous forme de questionnaires.

Les soignants, qui ne connaissaient pas l’objectif de l’étude, devaient trier des patients à leur arrivée dans les services d’urgences, en fonction de la gravité de leurs symptômes, notée sur une échelle de 1 à 5. Pour ce faire, ils devaient interpréter et évaluer un visuel de gravité qui, en l’occurrence, évoquait une douleur thoracique. Huit profils types de malades quinquagénaires, générés par une intelligence artificielle, étaient présentés aux participants. Quatre hommes et quatre femmes, en plan moyen, la main sur la poitrine, habillés des mêmes couleurs mais issus d'ethnies différentes : Asiatiques, blancs, Maghrébins et noires.

Les soignants opèrent une double discrimination par le sexe et par l’ethnie

Résultat, si le diagnostic de gravité reste souvent prépondérant dans la rapidité de la prise en charge du malade, il apparaît que les soignants opèrent une "double discrimination par le sexe et par l’ethnie", note Pr Bobbia. Ainsi, à symptômes identiques, les hommes sont davantage pris en charge d’urgence que les femmes (62 % contre 49 %), et les personnes blanches davantage que les personnes de couleur : 61 % des patients d'origine maghrébine sont triés en urgence vitale, 58 % des malades caucasiens, 55 % des Asiatiques et enfin 47 % des patients noirs. En croisant les données, l’écart est encore plus flagrant : 63 % des hommes blancs ont été placés en urgence vitale pour seulement 42 % des femmes noires.

"Notre réflexion médicale est sexiste et raciste. C'est comme cela partout. Elle s'appuie sur l'expérience, le vécu, le ressenti et aussi les convictions. La preuve, les médecins femmes sont tout aussi discriminantes que les médecins hommes pour évaluer la gravité des symptômes d'une femme", affirme Xavier Bobbia au micro de France 3.

Le médecin estime que la solution pourrait bien venir de l’intelligence artificielle qui, bien entraînée et intégrée au processus de tri, sera capable de faire des évaluations de gravité moins subjectives et donc moins discriminatoires. Le CHU de Montpellier a d’ailleurs lancé une étude dans cet optique.