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44 millions de malades

Démence : la priorité mondiale de santé publique du G8

Les ministres de la santé des pays du G8 se réunissent aujourd’hui à Londres pour coordonner leurs efforts face à un défi sanitaire d’ampleur grandissante, la démence.

Démence : la priorité mondiale de santé publique du G8 JAUBERT / SIPA




« Toutes les 4 secondes, on diagnostique un nouveau cas de démence dans le monde et près de 60% de ces cas se trouvent dans les pays en développement. La démence est une question d’ampleur mondiale et qui va devenir de plus en plus aigüe », a déclaré Jeremy Hunt, le ministre de la santé britannique. Il reçoit aujourd’hui à Londres ses homologues ministres de la santé et de la recherche des pays du G8 pour un sommet consacré à la démence. L’objectif : mettre en place un plan d’action coordonné pour lutter plus efficacement contre cette atteinte du cerveau qui pèse de plus en plus lourd sur les malades, leurs familles, les personnels soignants et les systèmes de santé du monde entier.


L'initiative du G8, une « excellente nouvelle »

On parle en effet de démence pour désigner les troubles des fonctions cognitives du cerveau comme la mémoire, l’élocution, la perception et la pensée. Elle peut donc être causée par de nombreuses pathologies, dont les maladies d’Alzheimer et de Parkinson. A l’échelle planétaire, le nombre de personnes touchées est donc de 44 millions et devrait tripler d’ici à 2050 avec l’allongement de l’espérance de vie, selon le dernier rapport de l’organisation Alzheimer’s Disease International publié la semaine dernière. Face à l’ampleur du problème, les spécialistes plaident depuis plusieurs années pour une véritable contre-attaque mondiale. La tenue d’un sommet du G8 consacré au sujet de la démence est donc un pas en avant salué.


« C’est un problème de santé publique d’une ampleur telle qu’il en devient social, économique et donc politique. Si l’on ne fait rien, on risque de se retrouver dans 50 ans avec la moitié des citoyens obligés de s’occuper de l’autre moitié devenus déments ! Que nos décideurs aient décidé de prendre le problème à bras le corps et d’en faire une priorité mondiale est une excellente nouvelle », se réjouit le Pr Yves Agid, neurologue et membre fondateur de l’Institut du Cerveau et de la Moelle épinière à Paris. « Un sommet du G8 offre une médiatisation planétaire. Or il est majeur que la démence devienne une préoccupation au delà des pays occidentaux car le nombre de cas sera numériquement plus important dans les autres populations de la planète », poursuit le Pr Philippe Amouyel, directeur de la Fondation Plan Alzheimer.

 

Urgence à mettre en commun les efforts de recherche

Cette prise de conscience politique laisse donc présager des actions concrètes. Le sommet d’aujourd’hui devrait permettre d’en définir les orientations, tout en sachant que chaque pays du G8 avance des priorités différentes en fonction de l’organisation de son propre système de santé ou de ses domaines d’excellence en recherche. Pour les experts français, face à la complexité du cerveau, il y a urgence à mettre en commun les efforts de recherche. « Aucun scientifique ne pourra, tout seul dans son laboratoire, trouver un traitement contre les maladies neurodégénératives. Il est indispensable de mettre en commun nos forces et nos moyens financiers. C’est déjà le cas pour 27 pays européens et le Canada, il faut aller plus loin et plus vite », souligne Philippe Amouyel. « Les rares programmes de recherche vraiment internationaux sont des initiatives privées, comme la Fondation Michael J Fox contre la maladie de Parkinson. Les organisations internationales sont trop en retrait, qu’il s’agisse de coordonner ou de financer », regrette le Pr André Nieoullon, président du conseil scientifique de la Fédération pour la recherche sur le cerveau (FRC).

 

Ecoutez le Pr André Nieoullon, président du conseil scientifique de la Fédération pour la recherche sur le cerveau (FRC) : « Les maladies du cerveau concernent 1 personne sur 5 en Europe. Pour le moment, les moyens alloués pour la recherche ne sont pas à la hauteur ».

 

Les spécialistes insistent d’autant plus sur l’importance de financer la recherche fondamentale qu’il n’y a pour le moment aucun traitement susceptible de guérir la démence. Et pour cause, le fonctionnement normal du cerveau est encore loin d’être élucidé. La compréhension des mécanismes pathologiques menant à la démence reste donc difficile. « Raison de plus pour mettre en commun nos efforts, le cerveau est l’organe le plus complexe de notre corps », souligne Philippe Amouyel.

 

Ecoutez le Pr Philippe Amouyel, président de la Fondation Plan Alzheimer : « Au cours des 5 dernières années, on a beaucoup progressé dans la compréhension de la susceptibilité individuelle à la démence. Et on sait désormais que c’est bien une maladie et pas un état lié au vieillissement ».


Privilégier le maintien à domicile

En attendant que la recherche fondamentale avance, la médecine ne peut que tenter de ralentir la progression de la démence. Et pour cela, la préservation de l’autonomie et le maintien à domicile dans un environnement cognitivement stimulant sont des enjeux cruciaux. « L’une des ambitions de ce sommet du G8 est de créer un fonds de développement pour stimuler les industries des nouvelles technologies afin de trouver de nouveaux outils permettant de maintenir les gens le plus longtemps possible chez eux », explique Philippe Amouyel.

 

Ecoutez le Pr Yves Agid, neurologue et membre fondateur de l’Institut du Cerveau et de la Moelle épinière : « Il faut changer la philosophie de la prise en charge des personnes âgées et a fortiori des personnes âgées malades pour aider les familles à les garder à domicile »

 

 

Les spécialistes attendent donc beaucoup de l’engagement du G8 dans la lutte contre la démence. Un choix sémantique de bon augure, relève d’ailleurs André Nieoullon : « on a eu trop tendance jusqu’ici à cloisonner par maladie : d’Alzheimer, de Parkinson... Or la recherche fondamentale nous montre de plus en plus que toutes ces maladies dégénératives ont des similitudes dans les mécanismes de mort neuronale voire un socle commun. Un plan d’action global contre la démence est donc déjà une avancée ». L’idéal pour ce spécialiste des neurosciences serait même un plan Cerveau, une façon d’associer enfin aux priorités les maladies psychiatriques, véritables parents pauvres en matière de recherche comme de prise en charge.

 

 

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