“Les premiers symptômes remontent à fin 2019, mais je n’ai reçu le diagnostic de la maladie de Charcot qu’en septembre 2022. Ce jour-là, avec le neurologue, j’ai appris que mon espérance de vie allait passer de 40 ans à 3 ou 4 ans”, me raconte Loïc avec une certaine légèreté. Cet homme d’une quarantaine d'années, marié, père de deux enfants, fait preuve d’une grande force lors de notre entretien. “Vous savez, les personnes malades relativisent beaucoup, me dit-il. J’ai eu une vie plutôt facile, je suis né en France, dans une famille relativement aisée… alors certes, ma vie sera moins longue que beaucoup de gens, mais j’ai eu l’impression de profiter et d’avoir eu beaucoup de chance.”
Une SLA de forme spinale qui a débuté avec des tremblements dans la main
Le premier signe de sa sclérose latérale amyotrophique (SLA) a été la main qui tremble après un match de tennis. “Je buvais un soda avec mes coéquipiers, mais ma main gauche tremblait, comme si j’étais en manque alors que je ne bois pas une goutte d’alcool”, se souvient le passionné de tennis, qui ne s’en est pas immédiatement inquiété. C’est sa femme qui l’a poussé à voir un spécialiste. “Après des explorations diverses et variées, le neurologue a d’abord découvert que j’avais une neurosarcoïdose. C’est une maladie qui provoque les mêmes symptômes que la SLA, sauf qu’elle se soigne.” Plusieurs mois de traitement se suivent, mais l’état de santé de Loïc ne s’améliore pas, au contraire. “Donc au moment de l’annonce de la maladie de Charcot, je n’étais pas sidéré, je m’y étais un peu préparé.” La sclérose latérale amyotrophique est une pathologie dégénérative dont l’origine est complexe à déterminer pour les médecins, avec une composante multifactorielle, soumise à l’influence de la génétique et de l’environnement. “Tout ce que l’on sait, c’est que ma maladie est de forme spinale et qu’elle n’est pas familiale.”
“Aujourd’hui, je suis incapable de faire plus de trois pas sans être soutenu par quelqu’un”
Deux mois après cette annonce, Loïc cesse son activité professionnelle. “Je n’avais pas de temps à perdre. Ensuite, je suis parti tous les mois une semaine sur l’île de Ré, dans la maison de mes parents. Je me baignais, je faisais du vélo électrique… Jusqu’à ce que cela ne soit plus possible physiquement. Et il y a un an, j’ai fait un beau voyage avec des amis pour profiter de la Guadeloupe. À ce moment-là, je marchais quasi-normalement, alors qu’aujourd’hui, je suis incapable de faire plus de trois pas sans être soutenu par quelqu’un.” C’est l’une des spécificités terribles de cette maladie : elle évolue très vite. Les motoneurones meurent les uns après les autres, entraînant petit à petit la paralysie générale du malade qui, en revanche, conserve toutes ses capacités intellectuelles. “En quelques mois la maladie vous place de la position debout à la position assise, on lutte contre la gravité, ça va très vite.”
Mais loin de se laisser aller, ce père de famille a décidé de se battre contre les injustices qui entourent sa situation. “Par exemple, comme je n’ai pas été diagnostiqué assez vite, je ne suis pas éligible aux traitements expérimentaux en France…”, et le seul traitement disponible dans l’Hexagone, le riluzole, n’est pas toléré par le foie du malade. “J’ai eu la chance de tester un autre médicament en passant par l’intermédiaire d’un médecin suisse, mais c’est la même histoire, mon foie ne le tolère pas. Donc aujourd’hui, je n’ai pas de traitement.”
Un combat pour l’aide active à mourir
Son autre cheval de bataille, et pas des moindres : militer pour l’aide active à mourir. “Cela ne veut pas dire que je veux mourir ou que je suis contre les soins palliatifs, car pour moi c’est extrêmement important de traiter la douleur en fin de vie… Mais en revanche, je suis farouchement opposé à la sédation profonde et continue ! Je pense qu’elle est faite pour le confort des soignants qui n’ont pas l’impression de donner la mort, mais pas pour les malades qui vont mettre jusqu’à deux semaines à mourir, ni pour l’entourage qui assiste au décès à petit feu de la personne. Cette aide à mourir doit relever d’un acte de soin. Aujourd’hui, nos animaux de compagnie meurent dans de meilleures conditions que nous !” Un combat qu’il ne manque pas de porter sur les réseaux sociaux, notamment via sa page Instagram, @resiboisloic, sur laquelle il partage aussi des moments de vie, comme cette course au profit de l’ARSLA, une association qui œuvre pour la recherche contre la maladie de Charcot.
“Heureusement que les associations sont là pour aider les malades”
L’ARSLA a notamment été d’une grande aide à Loïc, puisque grâce à elle, il bénéficie d’un fauteuil roulant. “Je tiens à les remercier parce qu’aujourd’hui, s’il n’y avait pas cette asso, je serais dans mon lit H24 depuis le mois d’octobre, car je viens seulement d’avoir un rendez-vous avec un médecin rééducateur pour en obtenir un…” Le malade déplore leur manque de réactivité des administrations, mais aussi celle des hôpitaux. “Rien n’est adapté à la vitesse d'évolution de cette maladie. J’ai aussi de grosses difficultés à obtenir un rendez-vous avec un pneumologue depuis près d’un an... Et à côté de ça, SLA mobilité 80 m’a permis de louer un véhicule adapté à mon fauteuil pour une somme modique. Donc j’insiste, heureusement que les associations sont là pour aider les malades ! Grâce à ce véhicule, je peux encore aller me promener avec mon épouse et mon chien le long de la Somme.”
“Je voudrais aussi rendre hommage aux aidants”
“Chaque matin, c’est ma femme qui m’aide à me lever et chaque soir, c’est elle qui me couche dans mon lit. C’est ma femme qui m’habille, c’est ma femme qui m’aide à aller aux toilettes, c’est ma femme qui me donne à manger… Je voudrais donc aussi rendre hommage aux aidants qu’on oublie trop souvent. Et plus la maladie va évoluer, plus la vie va être difficile.”
Actuellement, l’état de santé de Loïc ne lui permet plus de lever son bras pour se gratter la tête lorsqu’il est allongé. Il n’est également plus capable de se retourner dans son lit. “Pour l’instant, je suis encore très heureux, mais je souhaiterais avoir la garantie d’une mort sans douleur au moment voulu, afin d’avoir une fin de vie sereine, sans avoir peur d’être dans cette espèce d’entre deux, où je ne serais pas encore mort mais plus vraiment vivant.”