- 1 personne sur 2 ayant répondu à l’étude indique passer chaque jour au moins 1h30 de son temps libre sur des écrans.
- 71 % des sondés reconnaissent qu'ils ne pourraient pas se passer de leur smartphone. Six sur dix disent ressentir souvent ou toujours le besoin irrésistible de se connecter de plus en plus sur les réseaux sociaux.
- 57 % des individus interrogés décrivent un rapport de dépendance à leur smartphone.
Téléphone, agenda, appareil photo, moyen de paiement, boite mail, GPS, console de jeu… le smartphone est devenu l’outil indispensable à notre quotidien. D’ailleurs, 71 % des 21.422 personnes âgées entre 18 et 89 ans ayant participé à l’étude sur l’addiction aux écrans Observatoire santé Pro BTP, en partenariat avec le centre de recherche de l’institut Rafaël, reconnaissent ne pas pouvoir se passer de leur téléphone intelligent.
Et si son côté "couteau-suisse numérique" peut expliquer ce sentiment, la recherche met en lumière plusieurs comportements inquiétants pour la santé physique, mentale et sociale.
Addiction aux écrans : 40 % estiment y passer trop de temps
Un répondant sur deux passe plus de 1h30 de son temps libre par jour devant des écrans. Certains comportements, mis en exergue par le sondage, peuvent sembler de prime abord “rigolo”. Par exemple, 36 % des sondés vont souvent ou toujours aux WC avec leur smartphone, 32 % l’utilisent à table, 43 % vont au lit avec ou encore 53 % le consultent dès le réveil. Toutefois, cette forte présence de l’appareil dans la vie quotidienne n’est pas sans conséquence. Une partie des individus interrogés témoignent d’habitudes addictives. Plus de 6 sur 10 disent ressentir souvent ou toujours le besoin irrésistible de se connecter aux réseaux sociaux. 40 % estiment y passer trop de temps. Le taux monte à 57 % chez les 18 à 39 ans. Par ailleurs, 64 % des personnes ayant répondu à l’étude déclarent qu’elles passent régulièrement du temps sur leur téléphone sans réfléchir alors qu’elles ont des choses plus importantes à faire.
Au total, près de six sondés sur dix (57 %) rapportent plus de cinq pratiques (temps d’usage excessif, manque…) avec leur smartphone qui ont des conséquences négatives sur leur vie. Ce qui peut suggérer un comportement addictif, selon les auteurs de l'étude. En parallèle, 38 % en dénombre plus de huit, témoignant ici d’un usage addictif de l’appareil. "Les répondants de moins de 40 ans sont les plus concernés : 77 % d’entre eux ont un score supérieur à 5 au questionnaire d’évaluation de l’addiction au smartphone. Une part importante des répondants des autres générations affiche aussi un rapport intense au smartphone : 58 % des 40-59 ans encore 38 % des utilisateurs âgés de 60 ans et plus obtiennent un score supérieur à 5", précise le rapport.
"Il s’agit d’un usage excessif du smartphone qui est affilié à ce qu’on pourrait appeler une addiction. Cela ressemble à une addiction comportementale. Toutefois, nous n’avons pas encore assez de données médicales et scientifiques pour dire c'est une addiction", a précisé le Pr Laurent Karila, professeur en psychiatrie et addictologie à l’université Paris Saclay lors de la présentation des chiffres.
D’ailleurs, une grande partie des adultes interrogés ont conscience d’avoir une relation problématique avec leur téléphone. Plus d'un propriétaire sur deux (54 %) aimerait être moins connecté à son téléphone. Mais réduire sa “consommation” n’est pas simple. 39 % des répondants déclarent avoir déjà essayé de le faire, mais de ne pas y être parvenu. Ce point fait écho aux “5 C” de l’addiction : Contrôle (perte de contrôle), Consommation (envie irrépressible de consommer), Compulsion (activité compulsive), Continu (usage continu), Conséquences (usage continu malgré les conséquences négatives).
57 % des adultes sont mal à l’aise sans leur smartphone
L’arrivée du smartphone et son accès à Internet ont fait émerger de nouvelles craintes et sources de stress chez ses utilisateurs comme la peur de manquer quelque chose ou d’être exclu d’un événement social nommée FoMo (Fear of missing out) ou encore l’athazagoraphobie (la peur d’être oublié par ses proches). Elles conduisent de nombreuses personnes à consulter en permanence leurs messages et notifications. 60 % des sondés admettent qu’ils vérifient leur téléphone plusieurs fois par jour et 7 % indiquent qu’une journée entière sans message, appel ou réponse à leur activité en ligne leur fait éprouver un sentiment d’abandon et d’être mis de côté.
Par ailleurs, certains utilisateurs développent une nomophobie, soit la peur d’être privé de leur téléphone. 57 % d'entre eux indiquent être mal à l’aise lorsqu’ils ne l’ont pas avec eux ou qu’il n’y a pas de réseau. De plus, un utilisateur sur quatre (26 %) reconnaît qu'il ne se sent "pas bien" sans son smartphone, même pour un court laps de temps.
Ces comportements anxieux à répétition ne sont pas sans conséquence sur la santé, a rappelé l’endocrinologue Martine Duclos, Cheffe du service de Médecine du Sport au CHU de Clermont-Ferrand et Présidente de l’Observatoire National de l’Activité Physique et de la Sédentarité (ONAPS), lors de la présentation de l’étude. "Le stress psychologique provoque les mêmes réponses hormonales que le stress physique, donc le flux cardiaque et la tension artérielle augmentent et les réserves énergétiques sont libérées. Mais les muscles ne les utilisent pas, puisqu’ils sont au repos sur un fauteuil. Ainsi, les graisses et le sucre libérés vont se loger dans des endroits où ils ne devraient pas être comme les artères ou autour du cœur… Quand ce stress psychologique est quotidien et dure des années, cela peut conduire à des maladies cardiovasculaires et métaboliques. Le stress est le lit des maladies chroniques", a expliqué l’experte, rappelant que l’usage excessif des écrans favorise également la sédentarité, le manque d’exercice et, par effet domino, l’obésité.
Smartphone : facteur d'isolement social ?
Un récent sondage IFOP/Flashs pour l’assureur animalier Goodflair a révélé que 18 % des Français éprouvent fréquemment un sentiment de solitude. Les outils numériques pourraient bien jouer un rôle dans cette sensation. Un quart des personnes ayant répondu à l’étude sur l’addiction aux écrans de l’Observatoire santé Pro BTP et du centre de recherche de l’institut Rafaël estiment passer plus de temps à envoyer des messages ou des commentaires qu’à parler aux gens en temps réel. 14 % des individus interrogés ajoutent qu’ils ont des comportements de “phubbing”. C’est-à-dire qu’ils ignorent les personnes physiquement avec eux pour consulter leur téléphone (au restaurant, dans la rue, en réunion, dans un dîner…).
Par ailleurs, les réseaux sociaux ne sont pas forcément synonymes d’échanges : 70 % des répondants indiquent qu’ils se connectent sur les réseaux sociaux juste pour regarder ce que font les autres, sans rien commenter. Le taux grimpe à 82 % chez les moins de 40 ans. De plus, 10 % d’entre eux reconnaissent qu'ils éprouvent alors un sentiment de tristesse.
Addiction aux écrans : attention aux jeunes
Si l’étude s’est concentrée sur la population adulte, les experts rappellent que les adolescents sont particulièrement vulnérables face aux usages excessifs du smartphone. Selon eux, il est nécessaire d'apprendre aux jeunes à bien utiliser les nouvelles technologies par le biais de l’école ainsi que des parents. "Les habitudes de consommation intra-familiale entretiennent les usages. L’imitation des aînés est fondamentale dans les habitudes comportementales des jeunes et certains comportements comme le multitâche, source de désordres de l’attention et de la concentration, peuvent être délétères. Ce que montre notre étude, c’est que ce qui pouvait s’apparenter à une recommandation devient presque un impératif : en effet, environ un enfant et un adolescent sur quatre présenteraient un usage problématique du smartphone et, dans notre étude, 79 % de la tranche d’âge 19-39 ans déclarent eux-mêmes passer trop de temps sur leur smartphone", explique l’étude.
"Nous arrivons à un profil chez les adolescents que nous n'avons jamais vu dans notre histoire. Ils associent un double profil d’activité physique insuffisante et d’un temps passé assis gigantesque. Seulement 5 % des adolescents respectent à la fois les recommandations d’activités physiques et du temps passé assis. Or, on sait que les deux sont des déterminants majeurs de santé, notamment des capacités motrices, intellectuelles et sociales. Cela impacte leur santé à l’adolescence, mais cela impactera d’autant plus leur santé en tant qu’adulte et que senior", alerte la Pr Martine Duclos.