"Pendant tout un temps, je n’ai pas pu me regarder dans un miroir. Ma femme les avait tous recouverts dans ma chambre à Gustave Roussy." Invité de l’émission C notre santé, Antoine du Rusquec s’est confié sur son cancer des sinus.
Cancer des sinus : "Les chirurgiens m’ont découpé un cube au niveau du visage"
Diagnostiqué en 2019 alors qu’il venait tout juste de démissionner et qu’il allait se marier, Antoine doit rapidement subir une opération traumatisante. "J’avais une tumeur qui faisait la taille d’une noix entre les yeux et le cerveau, donc les chirurgiens m’ont découpé un cube au niveau du visage, ce qui m’a enlevé une partie du nez. On m’a aussi retiré une partie de la dure-mère, une membrane fibreuse, dure et rigide qui entoure le cerveau, puis on m’a reconstruit temporairement", raconte-t-il.
Antoine du Rusquec subit aussi de la radiothérapie et de la chimiothérapie, qui lui feront perdre ses cheveux et sa barbe. Une fois en rémission, le trentenaire entame un long processus de reconstruction à partir de 2022. "On m’a par exemple prélevé un morceau du front pour le mettre au milieu du visage, et du cartilage des oreilles pour refaire l’arête du nez. Ça a été et c’est toujours compliqué, notamment parce que ma greffe s’est beaucoup réouverte. Aujourd’hui, je suis encore dedans et je ne sais toujours pas à quel visage je pourrai prétendre à la fin de mes opérations", témoigne-t-il.
Dans son long parcours de soin, la modification de son apparence physique a été particulièrement douloureuse. "C’est extrêmement difficile, car c’est un cancer qu’on ne peut pas cacher et qui suscite donc des réflexions chez les personnes qui ne me connaissent pas. Certains tentent par exemple des blagues, en me demandant « si je me suis pris une porte ». Les enfants aussi peuvent poser des questions sur mon apparence", déplore le Parisien, qui porte aujourd’hui un simple pansement blanc au niveau du nez.
Cancer des sinus : "La première fois que je me suis vu, j’ai sursauté"
"La première fois que je me suis vu sur une tablette éteinte de l’hôpital après l’opération, j’ai sursauté. Je suis quelqu’un d’assez optimiste, mais j’ai eu toute une période où je voulais vivre enterré dans une cave et ne ressortir qu’une fois la reconstruction faciale terminée. J’ai perdu espoir, j’ai cru que c’était la fin de ma vie", se rappelle-t-il avec émotion.
Qu’est-ce qui lui a permis de tenir le coup ? "Le soutien de mon entourage a été et est toujours capital. Ma femme m’a notamment aidé à passer cette tempête, j’ai énormément de chance d’être avec elle. On s’est mariés malgré la maladie, entre mes premières opérations et ma radiothérapie", se félicite l'homme, aujourd'hui papa de deux garçons. "J’ai aussi eu tout un temps une prothèse de visage qui faisait bien illusion", poursuit-il. "Ça m’aiderait peut-être aussi de parler avec des hommes qui ont traversé les mêmes épreuves que moi", analyse-t-il, louant par ailleurs l’existence de l’association Corasso.
Une partie des symptômes qui révèlent les cancers tête et cou (ou "cancers ORL") peuvent passer inaperçus. Il s’agit, par exemple, de gênes et de douleurs locales ressemblant à celles d’une angine, d’une pharyngite ou d’une laryngite. D’autres manifestations peuvent également se déclarer : nez bouché, saignement, grosseur dans le cou (ganglions), douleur au niveau de la langue, mal de gorge, enrouement, difficulté et douleur en mastiquant ou en avalant.
"Mon cancer de sinus a été très difficile à diagnostiquer"
Dans le cas d’une maladie banale, ces symptômes sont souvent diffus, alors que dans le cancer, ils sont très localisés. "L’un des principaux signes qui doit inciter le patient à consulter, c’est la durée des symptômes : passé 3 semaines, un avis médical est indispensable. Les médecins généralistes connaissent bien les symptômes des cancers tête et cou classiques et orientent leurs patients, si nécessaire, vers un médecin spécialiste en ORL ou vers des grands centres de prise en charge du cancer. Le problème se pose pour les cancers tête et cou rares dont les symptômes sont peu connus des médecins", explique également le Dr Temam, médecin ORL et chirurgien cervico-facial.
"Mon cancer a été très difficile à diagnostiquer", confirme Antoine. "A la suite de difficultés à respirer, j’ai d’abord été opéré deux fois d’un polype en 2011 et en 2018. On m’a ensuite identifié une tumeur bénigne, que je me suis aussi faite enlever en septembre 2019. Mais malgré tous ces soins et ce suivi à l’hôpital, je sentais que ça n’allait vraiment pas. J’avais d’importantes douleurs au front, mon nez avait triplé de volume et j’avais une grosse marque rouge entre les yeux. On m’a alors dit que c’était peut-être une fracture ou une fissure, mais j’ai tout de même décidé de faire une IRM de mon propre chef. C’est là que mon cancer des sinus a été identifié par le chirurgien", raconte-t-il.
Comme Antoine du Rusquec, 15.000 personnes sont touchées chaque année en France par un cancer de la tête et du cou, 70 % d’entre elles étant diagnostiquées à un stade avancé. Dans 9 cas sur 10, les cancers ORL peuvent être guéris s’ils sont pris à temps.
Retrouvez ci-dessous en image les interviews d'Antoine du Rusquec par la rédactrice scientifique Juliette de Noiron (PhD) :