“Au tout départ, j’ai ressenti des grosses fatigues, suivies de grosses migraines également, de pertes de concentration, d’attention… jusqu’au jour où j’ai fait une crise d’épilepsie généralisée.” A la suite d'une IRM, les médecins détectent à Olivier Godest une tumeur bénigne située dans la zone de Broca, une partie qui est directement liée au langage chez l’Homme.
“Quand on apprend la nouvelle, on perd un peu pied, le doute s’installe, on se pose beaucoup de questions, et finalement on n’a pas vraiment de réponse tout de suite. Donc après, je l’ai annoncé à mes proches, à mon conjoint, à mes parents et deux amis très proches, à qui j’ai demandé de ne pas en parler tout de suite parce que je souhaitais avoir des réponses sur la chirurgie en elle-même, avant de pouvoir en parler à tout le monde.”
Une chirurgie éveillée du cerveau
L’homme âgé d’une quarantaine d’années suit alors plusieurs traitements, et fait notamment une chirurgie éveillée. “C’est tout un processus parce que cette chirurgie éveillée, on peut très bien se rétracter à deux jours ou à deux heures de l’opération. C’est un choix qu’on nous propose et qui évite de passer par une chimiothérapie dès le départ.” Cette opération spectaculaire nécessite l’aide du patient et permet d’enlever le maximum de volume tumoral sans impacter les fonctions neurologiques du patient. “Du coup, il y a tout un processus à suivre : on fait un bilan fonctionnel avec la neurochirurgienne, avec la psychologue, avec l’argotérapeute et la neuropsychologue, afin de savoir si l’opération peut avoir lieu ou pas.”
“Quand on se réveille, on a cette image de la boîte crânienne qui est ouverte”
Tout se passe pour le mieux, et cet ancien professeur en tapisserie décorative va alors se retrouver sur la table d’opération, entre les mains de grands spécialistes. “C’est un moment un peu particulier parce que quand on se réveille, on a la tête sur le côté et on est conscient qu’on ne peut plus faire marche arrière. On a cette image de la boîte crânienne qui est ouverte.” Pendant toute l’opération, Olivier doit faire des exercices en nommant des images que l’orthophoniste fait défiler devant lui, et en faisant des exercices de motricité en tendant le bras ou en serrant le poing. “Cela permet au neurochirurgien de cartographier le cerveau pour savoir ce qu’il doit retirer exactement comme morceau de tumeur… car si par exemple, à un moment, je commence à bafouiller un tout petit peu, et qu’au lieu de dire ‘ceci est une chèvre’, je dis ‘ceci est une F’, le neurochirurgien sait qu’il a été trop loin. Tout cela lui permet de ne pas endommager le cerveau, de ne pas toucher aux parties cognitives, au langage, à la vision, ou encore à la motricité.”
Mais la chirurgie dure longtemps, et après huit à neuf heures dans le bloc, tout ne se passe pas comme prévu. “J’ai fait une crise d’épilepsie sur la table, ils ont donc été obligés d’arrêter un peu prématurément l’opération, ce qui fait qu’aujourd'hui, j’ai encore un reste de tumeur dans le cerveau.” Après la chirurgie, les mêmes exercices sont demandés au malade, afin de vérifier que toutes les fonctions du cerveau sont intactes, ce qui était bien le cas pour le patient du jour.
"Quand la maladie arrive, certains couples se déchirent un peu... Mais pour nous, c’est exactement l’inverse"
“Comme cet oligodendrogliome de bas grade est toujours là, je ne suis pas sorti d'affaires. Professionnellement, j’ai été mis en invalidité assez rapidement, je ne peux plus exercer mon métier aujourd’hui parce que ça me fatigue beaucoup.” Un coup dur pour ce professeur qui arrivait justement à tenir le cap et à surmonter cette épreuve grâce à l’idée qu’il reprendrait son travail ensuite. “Il a fallu que je trouve d’autres choses pour m’accrocher, d’autres raisons de continuer, et c’est pour ça que je suis là aujourd’hui, pour en parler.” C’est donc tout naturellement qu’Olivier Godest est devenu membre de l’association Oligocyte. “C’est une association qui est extrêmement dynamique, qui fait beaucoup d'actions pour venir en aide aux patients, aux aidants, aux proches. Moi j’y ai trouvé une écoute sincère et une liberté de parole. Et surtout, c’est aussi quelque chose de très important et enrichissant, de rencontrer d’autres patients.”
Son partenaire est également d’un grand soutien : “Quand la maladie arrive, peut-être que certains couples se déchirent un peu, ont du mal à trouver leurs repères... Mais pour nous, c’est exactement l’inverse, ça nous a rapprochés. On s’est sentis plus soudés, même si je crois que physiquement et moralement, ça a dû être très compliqué pour lui pendant le mois de mon opération car il rachetait en même temps sa société... Donc il a été hyper fort et courageux.”
Retrouvez l’interview complète en images sur notre chaîne YouTube, réalisée par la rédactrice scientifique Juliette de Noiron (PhD) :