Près de quatre ans après le début du premier confinement, on en sait plus sur les effets des mesures de restriction. Des chercheurs français, issus de de l’université et du CHU de Bordeaux, de l’Inserm et de l'Inria (Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique), publient les résultats d’une étude sur l’efficacité des mesures restrictives mises en place pendant la pandémie, dans la revue Epidemics.
Covid-19 : comment évaluer l’impact des mesures de restriction sur la transmission du virus ?
"La crise sanitaire de Covid-19 a provoqué une situation inédite, du fait du nombre considérable de décès et d’hospitalisations mais aussi en termes de mesures instaurées pour lutter contre la propagation du virus : confinement, couvre-feu, fermeture des écoles et des frontières, rappellent les auteurs dans un communiqué. Peu de données étaient disponibles à ce moment-là pour mesurer leur efficacité." Aujourd’hui, ils estiment qu’il est "primordial d’estimer l’impact de ces mesures ainsi que l’efficacité du vaccin afin de se préparer à d’éventuelles nouvelles épidémies". Pour y parvenir ils ont développé un modèle mathématique qui inclut l’impact des interventions non-pharmaceutiques et des vaccins sur les taux de transmission et d’hospitalisation du SARS-CoV-2. "Nous avons adapté le modèle à des données épidémiologiques complètes en France de mars 2020 à octobre 2021", précisent-ils.
Les confinements sont les mesures les plus efficaces pour réduire la transmission de la Covid-19
Les résultats obtenus montrent que les confinements et le couvre-feu ont eu l’impact le plus fort. "Le premier confinement a été le plus efficace avec une réduction de la transmission de 84 %, concluent-ils. Un couvre-feu à 18h était plus efficace qu’à 20h (réduction de 68 % contre 48 %)." Les fermetures d’école ont réduit la transmission de 15 %. En revanche, les confinements suivants ont eu des effets moins importants : le deuxième a permis de réduire de 74 % la transmission du virus, et le dernier de 11 %. Une simulation a montré qu’un confinement en France une semaine plus tôt aurait permis d’éviter 20.000 décès. "Le début d’une épidémie est exponentiel, remarque le professeur Rodolphe Thiébaut, professeur en Santé Publique au centre de recherche Bordeaux Population Health et responsable de cette étude. C’est évidemment une décision lourde de confiner tout un pays mais ces résultats peuvent contribuer à la prise rapide de décisions dans le cadre de résurgences épidémiques."
Vaccin contre la Covid-19 : une réduction importante des décès et des hospitalisations
Les chercheurs ont aussi réalisé des simulations, notamment celle d’un pays sans vaccin jusqu’à fin 2021."Les données prédisent 159.000 décès supplémentaires et 1,48 millions en plus de cas d’hospitalisation en France en l’absence de vaccination, observent-ils. Soit le double de décès car l’épidémie a causé 116.000 décès dans notre pays et entraîné 460.000 hospitalisations (selon l’INSEE)." Si un vaccin avait été disponible plus tôt, au bout de 100 jours, "ce qui était au départ l’objectif de la Coalition internationale pour les innovations en matière de préparation aux épidémies (CEPI)", rappellent-ils, 71.000 décès et 384.000 hospitalisations auraient pu être évités soit près d'un tiers des décès et trois quarts des hospitalisations. "Ce résultat met l’accent sur l’importance d’un déploiement rapide et précoce des vaccins", conclut Rodolphe Thiébaut.
Les auteurs de l’étude préviennent toutefois qu’elle présente certaines limites : "la structure d’âge n’a pas pu être prise en compte (ce qui peut conduire à une sous-estimation de l’efficacité du vaccin), tout comme la fermeture des commerces non-essentiels ou encore l’effet propre des gestes barrières". Ils soulignent également que ces données ne peuvent pas être généralisées à d’autres pays.