Tout le monde en parle et chacun la redoute. Avec 900.000 personnes touchées aujourd’hui en France dont 225.000 nouveaux cas chaque année, la maladie d’Alzheimer, une affection cérébrale qui entraîne une perte progressive des capacités cognitives et physiques, est devenue un problème majeur de santé publique.
Mais où en est-on dans la connaissance de ses mécanismes, quelles pistes sont porteuses d’espoir pour une amélioration de la prise en charge, quels traitements existent et quels espoirs pourraient apparaître demain pour soigner ce mal aujourd’hui incurable, les questions sont nombreuses sur cette maladie.
Deux protéines à l'origine de la maladie d'Alzheimer
Dans l’émission "La Santé En Questions", le Pr Jean-François Bergmann et le Dr Jean-François Lemoine ont reçu la Pr Claire Paquet, neurologue au centre de neurologie cognitive à l’hôpital Lariboisière. Elle dresse un état des lieux de la maladie d’Alzheimer en France.
- Qu'est-ce qui provoque la maladie d’Alzheimer ?
L’hypothèse la mieux partagée pour expliquer les mécanismes de la maladie est un effet conjugué de deux protéines. D’abord la protéine bêta-amyloïde qui commence à être produite dans le cerveau entre 15 et 20 ans avant l’apparition des premiers symptômes. C’est elle qui entraîne l’activation d’une autre protéine, la protéine Tau qui est celle qui attaque les neurones.
"C’est une maladie très spécifique parmi toutes celles qui provoquent la démence, elle est très fréquente mais en fait personne en la connait tout à fait", affirme Claire Paquet.
- Quels sont les différents stades de la maladie ?
"C’est une maladie qui évolue sur 30 ou 40 ans", souligne Claire Paquet qui classe les patients atteints en quatre catégories : les asymptomatiques mais chez lesquels les protéines responsables de la maladie sont déjà apparues, les patients "débutants" qui ont les premiers signes cliniques de la maladie, ceux qui souffrent d’une forme modérée et ceux qui souffrent d’une forme très avancée.
- Le diagnostic d’Alzheimer est-il fiable ?
En cas de suspicion de maladie d’Alzheimer, le premier examen consiste en un test appelé MMS qui est un questionnaire permettant de repérer d’éventuelles pertes des capacités cognitives.
On peut aujourd'hui prouver la maladie d'Alzheimer
"Durant longtemps, faute d’outils fiables, les erreurs diagnostiques pour Alzheimer atteignaient 30% des cas", explique Claire Paquet. Aujourd’hui des biomarqueurs permettent de prouver la présence de la maladie. Ces biomarqueurs peuvent être repérés par une ponction lombaire ou par imagerie nucléaire.
Le diagnostic pourrait assez prochainement se faire à partir de techniques moins invasives en s’appuyant sur des biomarqueurs sanguins qui se développent même au début de la maladie.
– Le nombre de cas va-t-il continuer d’augmenter ?
"L’incidence de la maladie d’Alzheimer est aujourd’hui moins élevée qu’attendu", affirme Claire Paquet. L’examen post-mortem des cerveaux entre 1980 et 2010 montre que ceux des personnes atteintes d’Alzheimer sont, à cette dernière date, "moins lésés" et que la sévérité des atteintes est moins importante, précise la spécialiste. Une évolution qui serait due essentiellement à une amélioration de l’état de santé général de la population.
– Pourra-t-on un jour traiter la maladie d'Alzheimer ?
Les quatre traitements proposés en France aux patients Alzheimer ont été déremboursés en 2018. "Cette décision a été prise parce qu’ils ne marchaient pas … mais je les prescris encore !", annonce Claire Paquet. Selon elle, si ces produits n’agissent pas sur la mémoire, ils peuvent avoir des effets positifs sur l’attention, la vigilance ou les troubles du comportement.
De nouveaux traitements réduisent de 30% l'évolution de la maladie d'Alzheimer
Actuellement, de nouveaux traitements sont en phase 3 (essais sur des patients en milieu hospitalier) et permettraient, selon Claire Paquet qui les juge comme "le premier pas thérapeutique que l’on attendait", de ralentir de 30% l’évolution de la maladie. Un de ces traitements est déjà autorisé et remboursé aux Etats-Unis, l’autre est en attente d’une autorisation européenne de mise sur le marché.
Ces produits agissent contre la protéine bêta-amyloïde et sont destinés aux patients symptomatiques de niveau débutant. Pour l’avenir, la recherche porte sur des thérapies géniques permettant d’empêcher la production de cette protéine.
– Pourquoi la France a perdu son avance sur la maladie d’Alzheimer ?
"La France a perdu l’avance qu’elle avait durant les plans Alzheimer entre 2008-2012", affirme Claire Paquet. Elle explique que ces trois plans, deux initiés sous la présidence de Jacques Chirac, le troisième sous celle de Nicolas Sarkozy, ont été ensuite transformés en un plan concernant l’ensemble des maladies neurodégénératives, "une bonne idée pour une meilleure force de frappe scientifique et politique, mais Alzheimer s’est retrouvée noyée dans ce plan qui, par ailleurs s’est transformé en une simple stratégie sans financement".