« Nous réfutons l’idée selon laquelle le rire serait seulement bénéfique », écrivent Robin Ferner et Jeffrey Aronson, deux éminents pharmacologues anglais dans le British Medical Journal. Ne riez pas, c'est très sérieux, cela pourrait vous causer un infarctus, un pneumothorax, une crise d’asthme fatale ou encore être le symptôme d’une forme particulière de crise d’épilepsie.
Comme chaque année, la revue médicale britannique publie dans son numéro de Noël des études aussi sérieusement menées que décalées. Ici les auteurs ont passé en revue 785 articles portant sur le rire, publiés dans des revues scientifiques entre 1946 et 2013. Les ¾ d’entre eux portaient sur des rires pathologiques, c’est à dire causés par une maladie. C’est le cas notamment de l’épilepsie gélostique (du grec gelos qui signifie rire) pour laquelle le rire est le symptôme qui permet de faire le diagnostic. Les malades ont en effet de véritables crises de rire, intenses et durables, qui modifient leur état de conscience et entrainent une amnésie de la crise. Elles peuvent survenir plusieurs fois par jour, avec toujours le même rire incontrôlable et différent du rire spontané de la personne. Ce type d’épilepsie résiste aux traitements médicamenteux, il faut avoir recours à la chirurgie pour soulager les malades.
On peut mourir de rire
Les auteurs ont également identifié de nombreux effets indésirables de l’hilarité : l’incontinence mais aussi l’étouffement ou la crise d’asthme du fait du manque d’air inspiré. L’expression mourir de rire peut aussi se révéler dramatiquement exacte puisque la littérature médicale rapporte des cas de fous rires ayant entrainé la mort par arrêt cardiaque. Se tordre de rire est tout aussi préjudiciable puisque dans ce cas, c’est l’œsophage qui trinque et se tord.
« Les dommages surviennent en cas d’overdose prolongée, immédiatement après l’exposition et sont plus dangereux chez les personnes ayant des facteurs de susceptibilité », écrivent les deux pharmacologues comme s’ils évoquaient les effets indésirables d’un médicament. Par exemple, chez les personnes souffrant de narcolepsie, le fou-rire fait également partie des émotions fortes susceptibles d’entraîner une perte brutale de tonus musculaire appelée cataplexie. Elle peut toucher quelques muscles seulement et faire chuter la nuque ou la mâchoire mais elle peut aussi être globale et provoquer brutalement l’effondrement du malade au sol.
Contre les échecs de FIV, les clowns !
N’envisagez pas tout de suite l’ablation de vos muscles zygomatiques, les auteurs ont également recensé 85 publications évoquant les bienfaits de la franche rigolade. Les clowns qui interviennent dans les hôpitaux le savent bien, rire augmente notre capacité de résistance à la douleur. Mais les bénéfices ne sont pas seulement psychologiques, ils sont également cardiovasculaires : les artères sont moins rigides, l’endothélium qui tapisse l’intérieur des vaisseaux fonctionne mieux. Résultat : le risque d’infarctus est diminué. A noter pour les adeptes de régimes draconiens, un vrai fou-rire spontané de 15 minutes consomme 40kcal et permet même de faire baisser la glycémie d’un diabétique. Les fumeurs aux bronches obstruées par la BPCO améliorent également leur fonction pulmonaire en riant. Encore plus inattendu, les clowns hospitaliers contribuent au succès des fécondations in vitro. Dans une étude israélienne publiée en 2011 que les auteurs qualifient de « pionnière », le taux de grossesse était de 36% chez les femmes qui avaient ri aux blagues des clowns dans les 15 minutes suivant le transfert d’embryons contre 20% chez les femmes qui n’avaient été suivies que par l’équipe médicale.
En parfaits adeptes de la balance bénéfice/risque chère aux pharmacologues, ces auteurs britanniques suggèrent donc de préférer l’humour, moins dangereux que le fou-rire et probablement aussi bénéfique que le rire. Et ils concluent en évoquant les questions fondamentales qu’ils leurs restent à explorer et notamment : les blagues de mauvais goût donnent-elles la nausée ?