- En 2022, la France comptait toujours près de 12 millions de fumeurs quotidiens.
- Le tabagisme perturbe non seulement des mécanismes de l’immunité innée mais également certains mécanismes de l’immunité adaptative, selon une nouvelle étude.
- "C’est la première fois que l’on met en évidence l’influence au long court du tabagisme sur les réponses immunitaires", explique l’autrice.
Le tabagisme a des effets à long terme sur le système immunitaire. C’est ce que vient de mettre en évidence une équipe de l’Institut Pasteur dont les résultats sont publiés dans la revue Nature.
Le système immunitaire varie énormément d’un individu à l’autre, agissant de façon plus ou moins efficace face aux attaques microbiennes. Comment expliquer une telle variabilité ? Quels sont les facteurs qui induisent ces différences ?
Tabagisme et système immunitaire : méthodologie de la recherche
"C’est pour répondre à cette grande question que nous avons mis en place la cohorte Milieu Intérieur en 2011, qui regroupe 1.000 individus en bonne santé de 20 à 70 ans", commence Darragh Duffy, responsable de l’unité Immunologie translationnelle à l’Institut Pasteur et autrice de l’étude. "On sait déjà que certains facteurs comme l’âge, le sexe ou les gènes impactent fortement le système immunitaire, mais avec cette nouvelle étude, nous voulions savoir quels autres facteurs avaient le plus d’influence", ajoute-t-elle.
Son équipe a donc exposé des échantillons sanguins prélevés chez les individus de la cohorte Milieu Intérieur à une grande diversité de microbes (virus, bactéries, etc) et a observé la façon dont le système immunitaire réagissait via la mesure de niveaux de cytokines(1) sécrétées.
Disposant de nombreuses informations sur les membres de la cohorte, l’équipe a ensuite pu observer quelles variables parmi les 136 retenues (l'indice de masse corporelle, le tabagisme, le nombre d'heures de sommeil, l'activité physique, les maladies infantiles, les vaccinations, le lieu de vie, etc) avaient le plus d’influence sur les réponses immunitaires étudiées.
Trois variables se sont alors détachées du lot : le tabagisme, l’infection latente au cytomégalovirus(2) et l’indice de masse corporelle. "Ces trois facteurs pourraient avoir autant d'influence sur certaines réponses immunitaires que l'âge, le sexe ou les variables génétiques", souligne Darragh Duffy.
Des effets sur le système immunitaire même après l’arrêt du tabagisme
Concernant le tabagisme, l’analyse des données a aussi démontré que l’activité de certaines cellules impliquées dans la mémoire immunitaire était altérée. Autrement dit, cette étude montre que le tabagisme perturbe non seulement des mécanismes de l’immunité innée mais également certains mécanismes de l’immunité adaptative.
"En comparant les réponses immunitaires de fumeurs et d’ex-fumeurs, nous avons constaté que la réponse inflammatoire revenait rapidement à la normale après l’arrêt du tabac mais que l’impact sur l’immunité adaptative perdurait dans le temps, c’est-à-dire pendant 10 ou 15 ans", rapporte Darragh Duffy. "C’est la première fois que l’on met en évidence l’influence au long court du tabagisme sur les réponses immunitaires", poursuit-elle.
"C’est une découverte importante pour mieux comprendre l’impact du tabagisme sur l’immunité d’individus en bonne santé mais aussi, par comparaison, sur l’immunité d’individus souffrant de diverses pathologies", conclut Violaine Saint-André.
En 2022, la France comptait toujours près de 12 millions de fumeurs quotidiens.
(1) protéines sécrétées par un grand nombre de cellules immunitaires pour communiquer entre elles et participer aux défenses immunitaires.
(2) virus souvent asymptomatique mais dangereux pour le foetus qui appartient à la famille des Herpès.