"Le stress est quelque chose que nous ne pouvons pas vraiment éviter chez les patients atteints de cancer. Vous pouvez imaginer que si vous recevez un diagnostic, vous ne pouvez pas arrêter de penser à la maladie, à l’assurance ou à la famille. Il est donc très important de comprendre comment le stress agit sur nous", explique Xue-Yan He, postdoctorant au Cold Spring Harbor Laboratory (CSHL).
Ses travaux, menés avec ses collègues Pr Mikala Egeblad et Pr Linda Van Aelst et publiés dans la revue Cancer Cell le 22 février 2024, ont permis de mettre en lumière les mécanismes conduisant le stress chronique à être un facteur de risque de cancer et de métastases.
Cancer : le stress affecte les neutrophiles
Pour mieux comprendre le rôle du stress dans le cancer, les chercheurs ont étudié des souris ayant un cancer mammaire. Dans un premier temps, ils retiraient les tumeurs et les cellules cancéreuses présentent dans l'organisme. Ils exposaient ensuite les rongeurs à des situations stressantes.
"On a constaté cette augmentation effrayante des lésions métastatiques chez ces animaux. Les métastases ont été multipliées par quatre", explique la Pr Mikala Egeblad dans un communiqué de son établissement.
Les analyses ont révélé que les hormones du stress, appelées glucocorticoïdes, agissaient sur les globules blancs connus sous le nom de neutrophiles. Ces neutrophiles "stressés" formaient des structures ressemblant à des toiles d’araignées. Baptisées en anglais Neutrophil Extracellular Traps (NET ; pièges extracellulaires des neutrophiles en français), elles apparaissaient lorsque les globules blancs expulsent l'ADN. Normalement, les NET peuvent nous défendre contre les microorganismes envahisseurs. Cependant, lors d'un cancer, ils créent un environnement favorable aux métastases.
Métastase : il faudrait traiter le stress pour réduire le risque
Pour confirmer que le stress déclenche la formation des NET et favorise l’apparition des métastases, l’équipe a conduit trois tests. Tout d’abord, elle a éliminé les neutrophiles des souris à l’aide d’anticorps. Dans le suivant, elle a injecté aux animaux un médicament destructeur de NET. Enfin, elle a utilisé des souris dont les neutrophiles ne répondaient pas aux glucocorticoïdes lors de la dernière expérience. Chaque test a donné des résultats similaires. "Les souris stressées (mais sans NET dans l'organisme, NDLR) ne développaient plus de métastases", explique Xue-Yan He.
Par ailleurs, les scientifiques ont constaté que le stress chronique provoque la formation de NET modifiant le tissu pulmonaire, même chez les souris sans cancer. "Cela prépare presque vos tissus au cancer", ajoute le Pr Egeblad.
Au vu de leurs résultats, les chercheurs estiment que la réduction du stress devrait faire partie du traitement et de la prévention du cancer. Par ailleurs, ils avancent que la mise au point de médicaments empêchant la formation des NET pourraient profiter aux patients dont le cancer n'a pas encore métastasé. Ces nouveaux traitements pourraient ralentir ou stopper la propagation des tumeurs. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour confirmer ces hypothèses.
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