Fatigue écrasante, malaises après un effort, sommeil non réparateur… Le syndrome de fatigue chronique, aussi connu sous le nom "d’encéphalomyélite myalgique", n’a rien à voir avec des pertes de vitalité passagères. Il s’agit d’une "maladie invalidante dont le phénotype clinique est mal défini, la physiopathologie inconnue et pour laquelle il n'existe pas de traitement modificateur", selon des chercheurs de la ville de Bethesda dans le Maryland (États-Unis).
Syndrome de fatigue chronique : 17 patients ont fait l'objet d'une évaluation médicale
Dans une récente étude, ils ont déterminé l'ensemble des caractères observables des adultes atteints d’encéphalomyélite myalgique/syndrome de fatigue chronique (EM/SFC). Pour cela, les scientifiques ont recruté 21 adultes en bonne santé et 17 patients souffrant de cette maladie, qui s'est développée après une infection virale ou bactérienne, depuis cinq ans. Les volontaires ont dû prendre des décisions basées sur le risque concernant l'effort physique. Cela a permis à l’équipe d'évaluer les aspects cognitifs de la fatigue, c'est-à-dire la manière dont une personne décide de l'effort à fournir lorsqu'il a le choix.
En outre, les participants ont fait l'objet d'un dépistage et d'une évaluation médicale de l'EM/SFC sur plusieurs jours et ont subi des tests approfondis, notamment des examens cliniques, des tests de performance physique et cognitive, des tests de fonction autonome, des biopsies cutanées et musculaires et des analyses avancées du sang et du liquide céphalo-rachidien. Les personnes ont également passé du temps dans des chambres métaboliques où, dans des conditions contrôlées, leur régime alimentaire, leur consommation d'énergie, leur métabolisme, leurs habitudes de sommeil et leur microbiote intestinal ont été évalués. Lors d'une deuxième visite, ils ont effectué un test d'effort cardio-pulmonaire pour mesurer la réponse de l'organisme à l'exercice.
La fatigue provient "d'un décalage entre ce qu'une personne pense pouvoir accomplir et les performances de son corps"
Selon les résultats, publiés dans la revue Nature Communications, alors qu’aucun signe de fatigue musculaire n’a été observé, les participants touchés par l’EM/SFC ont éprouvé des difficultés dans la tâche de choix de l'effort et dans le maintien de l'effort. Le cortex moteur, une région du cerveau qui se charge de dire au corps de bouger, était également resté anormalement actif pendant les tâches fatigantes.
D’après les chercheurs, cela suggère que la fatigue dans le cadre de cette maladie pourrait être causée par un dysfonctionnement des régions cérébrales commandant le cortex moteur, comme la jonction temporo-pariétale (TPJ) qui peut causer de la fatigue en perturbant la façon dont le cerveau décide de l'effort à fournir. "Ainsi, plutôt qu'un épuisement physique ou un manque de motivation, la fatigue peut provenir d'un décalage entre ce qu'une personne pense pouvoir accomplir et les performances de son corps", a déclaré Brian Walitt, auteur principal des travaux.
De faibles taux de catécholamines sont liés une détérioration des performances motrices
Les analyses du liquide céphalo-rachidien ont montré des niveaux anormalement bas de catécholamines et d'autres molécules, qui aident à réguler le système nerveux chez les malades par rapport aux volontaires en bonne santé. Ces faibles taux ont été associés à une détérioration des performances motrices, des comportements liés à l'effort et des symptômes cognitifs. "Nous pensons que l'activation immunitaire affecte le cerveau de diverses manières, provoquant des changements biochimiques et des effets en aval, tels que des dysfonctionnements moteurs, autonomes et cardiorespiratoires", a expliqué Avindra Nath, co-auteur de l’étude.
Autre constat : les tests immunitaires ont révélé que le groupe atteint d'EM/SFC présentait des niveaux plus élevés de cellules B naïves et des niveaux plus faibles de cellules B mémoires commutées, qui aident le système immunitaire à combattre les agents pathogènes dans le sang.
Des différences marquées entre les hommes et les femmes atteints de l’EM/SFC
Les données ont révélé des différences entre les hommes et les femmes au niveau des schémas d'expression génétique, des populations de cellules immunitaires et des marqueurs métaboliques. Les hommes présentaient une activation altérée des cellules T, ainsi que des marqueurs de l'immunité innée, tandis que les femmes présentaient des schémas de croissance anormaux des cellules B et des globules blancs. Les hommes et les femmes présentaient également des marqueurs distincts de l'inflammation.
"Compte tenu des différences immunitaires entre hommes et femmes dans l'EM/SFC, les résultats peuvent ouvrir de nouvelles voies de recherche qui pourraient permettre de mieux comprendre d'autres maladies chroniques associées à des infections. (…) Les chercheurs peuvent maintenant vérifier si ces données s'appliquent à un groupe de patients plus important et progresser dans l'identification de traitements qui ciblent les principaux facteurs de la maladie", ont conclu les scientifiques.