La commission juridique et éthique de l’Académie Nationale de Chirurgie s’est penchée sur les différentes données scientifiques, articles et pratiques concernant la fin de vie en vue du projet de loi en préparation. Après environ huit mois de travaux, ses membres se disent en faveur d’un texte permettant le suicide assisté, si ce dernier protège la clause de conscience des médecins.
Fin de vie : l’euthanasie non, le suicide assisté oui
"Pourquoi l'académie de chirurgie se saisit de cette question ? Nous sommes toujours confrontés aux problèmes de la vie et de la mort. Il y a des décisions tout à fait importantes qui doivent être prises en nos âmes et consciences. Un projet ou une proposition de loi future nous intéresse ainsi au plus haut point", explique Pr Olivier Jardé, Président de l'Académie Nationale de Chirurgie lors du point presse de l’organisation tenu ce mercredi 28 février 2024.
Premier constat des chirurgiens ayant participé à la commission : "La loi de 2005 prolongée par celle de 2016 (Claeys-Leonetti, NDLR) - qui mettent en place les soins palliatifs ou encore l’endormissement pour supprimer les souffrances – sont des bonnes lois. Malheureusement, elles sont mal appliquées", indique le président. En effet, entre 20 et 25 départements ne disposent toujours pas de structures de soins palliatifs. Pour les membres du comité, il est indispensable que le dispositif prévu dans les texte soit généralisé à l’ensemble du territoire.
Toutefois, ils reconnaissent que même en présence d’un déploiement des soins palliatifs plus complet, la loi peut encore “évoluer” pour mieux répondre aux besoins d’accompagnement. S’ils se positionnent contre l’euthanasie active par le médecin, ils approuvent la mise en place d’un dispositif permettant le suicide assisté où la clause de conscience des professionnels de santé est respectée.
Après avoir passé en revue les différents dispositifs de suicide assisté appliqué dans le monde, les membres de la commission juridique et éthique de l’Académie Nationale de Chirurgie proposent de s'inspirer du protocole de l'Oregon.
Suicide assisté : en quoi consiste le protocole de l'Oregon ?
Le protocole de l'Oregon est appliqué dans cet État américain depuis presque 25 ans. Environ 2.400 personnes en ont bénéficié depuis son déploiement. "En 2022, ce sont 278 individus. Ce qui représente 0,6 % des décès de l'État. L’âge moyen est supérieur à 70 ans."
Ce dispositif répond à plusieurs préoccupations des chirurgiens, notamment en matière du respect de la clause de conscience des docteurs. "Il prévoit une prescription de produits comme des Benzodiazépines, Propofol ou Midazolam par un médecin, mais qui n’est pas forcément suivi d’un accompagnement médical. C’est-à-dire que le médecin peut le prescrire, mais il n’est pas obligé de faire l’administration", précise le président. Si cette dernière n’est pas faite par un professionnel de santé, le patient aura la possibilité de le faire seul ou de se tourner vers une association (à l’exemple de celles existantes en Suisse). Le Pr Olivier Jardé ajoute que les études américaines montrent que 54 % des décès surviennent sans présence médicale. "Par ailleurs, certains patients gardent l'ordonnance chez eux sans l'utiliser."
De plus, la prescription des produits nécessaires pour un suicide assisté repose sur plusieurs règles. Pour l’obtenir, le patient doit :
- avoir une maladie incurable diagnostiquée comme telle : le décès est attendu dans les 6 mois ;
- être majeur ;
- avoir une décision libre et éclairée ou des directives anticipées ;
- avoir des souffrances réfractaires : condition qui ne devrait pas se retrouver du fait des soins palliatifs ;
- ne pas souffrir de problèmes psychiques ou psychiatriques.
"Nous ne sommes pas opposés à la mise en place d’un dispositif suivant ce type de modalités. Toutefois, nous attendons d’avoir des précisions sur les modalités de la proposition de loi qui sera proposée, pour nous prononcer tant sur le fond que sur la forme", précise Pr Hubert Johanet, secrétaire perpétuel de l’ANC.
Pour l’Académie Nationale de Chirurgie, il est essentiel de se saisir de la question de l’accompagnement de la fin de vie. "Il y a un certain nombre de personnes françaises qui vont chercher des solutions ailleurs, notamment en Belgique ou en Suisse. Cela concerne entre 200 et 800 personnes par an. Cela peut paraître être un petit nombre de personnes concernées. Mais le problème reste là, donc dans le cadre de l’accompagnement des patients, il faut tenter de trouver une solution", rappelle le Pr Johanet.