“Au niveau européen, par an, on compte environ 300.000 patients dans le coma après un arrêt cardiaque, et un demi-million après un traumatisme crânien. Chaque année, on a donc une centaine de milliers de patients en Europe qui survivent”, nous explique le Pr Stein Silva, médecin réanimateur au CHU de Toulouse, professeur à l’université Toulouse III - Paul Sabatier, et chercheur au sein de l’unité ToNIC et PUPH en réanimation au CHU de Toulouse. Mais ces personnes sorties du coma récupèrent plus ou moins bien une conscience et beaucoup présentent des handicaps : “ces handicaps visibles sont plus importants que ceux de toutes les causes de démence réunies, dont la maladie d’Alzheimer, en Europe en tout cas”.
Comprendre les mécanismes sous-jacents du coma est donc un réel enjeu de santé publique. “La recherche dans ce domaine est très active, il y a eu des études où on a testé certaines pistes et certains médicaments, mais à ce jour, aucun n’a montré son efficacité en termes de facilitation du retour à la conscience”, ajoute le Professeur, qui présente les résultats très encourageants de ses nouveaux travaux menés avec la Dr Benjamine Sarton, médecin réanimatrice au CHU de Toulouse et chercheuse au sein de l’unité ToNIC (Inserm/UT3). L’étude complète sera publiée le 28 mars prochain dans la revue BRAIN.
Coma : le rôle-clé de l’inflammation pour “réparer” le cerveau des patients
“L’état de coma correspond à l’abolition rapide et complète de la conscience à la suite d'une agression cérébrale sévère”, rappelle en préambule le communiqué des chercheurs. “Forme la plus sévère d'altération aiguë de la conscience, il s’agit d’un problème de santé publique majeur, car associé à une mortalité significative et à des niveaux de récupération variables, souvent responsables d’importants handicaps neurologiques.”
En général, le coma résulte d’une agression cérébrale traumatique (traumatismes crâniens par exemple) ou d’une agression cérébrale anoxique (c’est-à-dire à la suite d'un arrêt cardiaque). “La prise en charge de ces patients est assez standardisée et majoritairement centrée autour du maintien des fonctions vitales, dans l’attente d’une récupération neurologique spontanée”, expliquent les chercheurs.
Pour mener leurs travaux, les chercheurs se sont appuyés sur les analyses de 17 patients pris en charge dans différents services du CHU de Toulouse (réanimation polyvalente de Purpan, réanimation de Rangueil, réanimation neurochirurgicale, soins intensifs de cardiologie), bénéficiant tous d’assistances lourdes des fonctions vitales (intubation et sous respirateur artificiel). Parmi eux, 11 étaient dans le coma à la suite d'un accident traumatique ; et 6 l’étaient à la suite d'une anoxie.
“À l’aide de méthodes innovantes d’imagerie moléculaire in vivo réalisées par imagerie par émission de positons (TEP Scan), l’équipe toulousaine a pu observer pour la première fois les niveaux d’inflammation cérébrale des patients dans le coma et les comparer à ceux de personnes en bonne santé. Ces observations ont permis de mettre en exergue l’importance du rôle de l’inflammation cérébrale au cours du coma, en ouvrant ainsi un nouvel axe de recherche avec des retombées médicales potentiellement majeures sur les patients dans le coma.”
Prédire les chances de récupération d’une lésion cérébrale grave
Grâce à ces tests réalisés entre 2018 et 2022, les chercheurs ont fait plusieurs découvertes. D’abord, le groupe de recherche a identifié des niveaux d’inflammation cérébrale significatifs au niveau des zones du cerveau impliquées dans le traitement des informations conscientes. “Cela a permis de mettre en évidence des processus lésionnels potentiellement modulables grâce à des traitements adaptés, expliquent-ils. Ce résultat pourrait constituer un changement de paradigme majeur dans le domaine.”
Par ailleurs, ils se sont aperçus que les profils d’inflammation cérébrale ne sont pas les mêmes chez les patients en coma d’origine traumatique ou anoxique, autant en termes d’intensité que de localisation. “Cela pourrait permettre de mieux comprendre la grande hétérogénéité de profils de récupération observée dans ce contexte”, soulignent les scientifiques, qui ajoutent que “ces méthodes d’imagerie pourront être utilisées à des fins d’évaluation pronostique de récupération des patients, en fonction des zones touchées par l’inflammation cérébrale”.
Ainsi, ces résultats pourraient aider les équipes médicales à prédire les chances de récupération d’un patient après une lésion cérébrale grave, et “guider des essais cliniques visant à moduler l'activité immunitaire du cerveau, notamment grâce à des moyens pharmacologiques”.
“Il y a encore un long chemin, mais c’est vraiment un espoir concret maintenant”
“Le fait d’avoir trouvé l’inflammation est un vrai espoir”, s’exclame le chercheur Pr Silva. “Car on peut imaginer que parmi la myriade de médicaments que nous avons à l’heure actuelle qui permettent de traiter l’inflammation dans d’autres maladies, on puisse en avoir certains qui aient une efficacité pour diminuer cette inflammation chez les patients dans le coma et donc améliorer la récupération. On est dans un premier pas vers des traitements spécifiques pour la récupération du coma.”
À quelle suite s’attendre maintenant ? “Nous on continue de faire de la recherche, à nouveau avec ces images, mais on va aussi étudier les marqueurs dans le sang pour essayer de mieux comprendre quel type d’inflammation est impliqué dans ces contextes-là, s'enthousiasme le chercheur. Et l’étape d’après, c’est de tester les médicaments ! Alors on est encore à quelques années d’y arriver, il y a encore un long chemin, mais c’est vraiment un espoir concret maintenant.”