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Diagnostic

Tuberculose : la toux persistante n’en serait finalement pas le symptôme clé

Par Stanislas Deve

Plus de 80 % des personnes souffrant de tuberculose n’auraient pas de toux persistante, selon une étude, ce qui remet en cause les outils de diagnostic actuels et les stratégies de dépistage.

dusanpetkovic / istock
Plus de 80 % des patients atteints de tuberculose, l’infection la plus mortelle au monde, ne souffrent pas de toux persistante, alors même que celle-ci a longtemps été considérée comme un symptôme clé de la maladie, d'après une étude menée auprès de 600.000 personnes.
"Cela signifie que le diagnostic sera retardé et posé plus tard, probablement après que l'infection a déjà été transmise à beaucoup d'autres – ou pas du tout", selon le professeur Frank Cobelens. "Ces résultats peuvent expliquer pourquoi, malgré d'énormes efforts pour diagnostiquer et traiter la maladie, le fardeau de la tuberculose en Afrique et en Asie ne diminue guère."
Un quart des patients tuberculeux qui ne toussaient pas du tout présentaient "une forte charge de bactéries" dans leurs crachats, ce qui fait d’eux des personnes "probablement très contagieuses". Déduction des chercheurs, "l'infection se transmet principalement par la toux, mais peut-être aussi par la simple respiration".

Faut-il repenser les critères de diagnostic ? Plus de quatre patients sur cinq atteints de tuberculose, l’infection la plus mortelle au monde, ne souffrent pas de toux persistante, alors même que celle-ci a longtemps été considérée comme un symptôme clé de la maladie. C’est l’étonnante conclusion d’une vaste étude récemment publiée dans la revue The Lancet Infectious Diseases.

10,6 millions de personnes ont développé la tuberculose en 2022

Pour parvenir à ce constat, les chercheurs du Centre médical universitaire d’Amsterdam et de l’Amsterdam Institute for Global Heath and Development (AIGHD), aux Pays-Bas, se sont appuyés sur l’analyse des données de plus de 600.000 personnes originaires de douze pays en Afrique et en Asie, recueillies grâce aux programmes nationaux de surveillance sanitaire entre 2007 et 2020. Il est apparu que 82,8 % des personnes atteintes de tuberculose ne présentaient pas de toux persistante, et même que 62,5 % d’entre elles ne toussaient pas du tout.

"Ces résultats peuvent expliquer pourquoi, malgré d'énormes efforts pour diagnostiquer et traiter la maladie, le fardeau de la tuberculose en Afrique et en Asie ne diminue guère, assure le professeur Frank Cobelens, auteur principal de la recherche, dans un communiqué. Nous savions déjà qu'il y avait un énorme écart entre les 10,6 millions de personnes qui tombent malades de la tuberculose et les 7,5 millions de cas qui ont été enregistrés par les autorités sanitaires en 2022." Pour rappel, l’Organisation mondiale de la Santé estime à 1,6 million le nombre de morts de la tuberculose en 2021.

"Une toux persistante est souvent le point d'entrée d'un diagnostic, ajoute le spécialiste. Mais dès lors que 80 % des patients atteints de tuberculose n’en ont pas, cela signifie que le diagnostic sera retardé et posé plus tard, probablement après que l'infection a déjà été transmise à beaucoup d'autres – ou pas du tout."

La tuberculose "se transmet par la toux, mais peut-être aussi par la simple respiration"

D’après l’étude, outre l'absence de toux, plus d'un quart des patients tuberculeux, et en majorité des femmes, n’avaient aucun symptôme (absence de fièvre, de douleur thoracique, de sueurs nocturnes...). Il n’empêche : un quart de ceux qui ne toussaient pas présentaient malgré tout "une forte charge de bactéries dans les sécrétions produites par leurs voies respiratoires" (autrement dit les crachats), ce qui fait d’eux des personnes "probablement très contagieuses". Déduction des chercheurs, "l'infection se transmet principalement par la toux, mais peut-être aussi par la simple respiration".

L’équipe de scientifiques estime que ces nouveaux facteurs obligent à "repenser la manière dont on identifie les personnes atteintes de tuberculose". Mieux vaudrait, selon elle, se concentrer davantage sur "le dépistage aux rayons X et le développement de nouveaux tests peu coûteux et faciles d’utilisation".