"L’intestin est désormais connu comme le deuxième cerveau humain, car il produit plus de 90 % des neurotransmetteurs du corps humain", indique la Dr Melody Zeng, auteure principale d'une nouvelle recherche de Weill Cornell Medicine. Remarquant que la grande majorité des travaux sur les neurotransmetteurs intestinaux portaient sur des animaux ou humains adultes, elle a souhaité se pencher sur le microbiote des nourrissons.
En étudiant celui de souris venant de naître, elle a remarqué qu’elles avaient des niveaux de neurotransmetteurs beaucoup plus élevés, notamment de sérotonine, dans leur intestin par rapport aux adultes.
Microbiote intestinal : des taux plus élevés de sérotonine chez les nouveau-nés
L'étude, publiée dans la revue Science Immunology le 15 mars, montre que les bactéries abondantes dans les intestins des nouveau-nés produisent de la sérotonine. Cela favorise le développement de cellules immunitaires, appelées cellules T-régulatrices ou "Treg". Ces dernières empêchent le système immunitaire de réagir de manière excessive et d’attaquer les bactéries intestinales ou les antigènes alimentaires ; ce qui réduit les risques de réactions à des microbes intestinaux bénéfiques ou aux allergies alimentaires.
En récupérant des échantillons d’une biobanque de selles de nourrissons humains, l’équipe a pu confirmer que les mêmes neurotransmetteurs étaient présents chez les bébés à leur naissance.
"Nous avons découvert que les bactéries intestinales chez les jeunes souris produisent non seulement directement de la sérotonine, mais diminuent également une enzyme appelée monoamine oxydase qui décompose normalement la sérotonine, maintenant ainsi les niveaux de sérotonine intestinale à un niveau élevé", ajoute le Dr Katherine Sanidad qui a aussi travaillé sur l’étude.
Allergie alimentaire : mieux comprendre le microbiote des bébés pour réduire le risque
Pour les chercheurs, leurs travaux révèlent l’importance d’avoir les bons types de bactéries bénéfiques peu après la naissance. Ils soulèvent d’ailleurs la problématique des bébés des pays développés qui ont un accès plus important aux antibiotiques et aux produits transformés. Or, ces éléments peuvent impacter l'abondance de bactéries productrices de sérotonine dans leur intestin. "En conséquence, ces nourrissons peuvent avoir moins de Tregs et développer des réactions immunitaires contre leurs propres bactéries intestinales ou des allergies alimentaires. C'est peut-être l'une des raisons pour lesquelles les allergies alimentaires sont devenues de plus en plus fréquentes chez les enfants, en particulier dans les pays développés", estiment les scientifiques. "S'il était correctement éduqué, le système immunitaire des bébés reconnaîtrait que des choses comme les cacahuètes et les œufs sont acceptables et il n'aurait pas besoin de les attaquer", ajoute le Dr Zeng dans un communiqué.
Dans de prochaines recherches, l’équipe prévoit d’examiner les bactéries présentes dans des échantillons de selles de bébés humains. L’objectif sera de mesurer les taux de sérotonine ainsi que d’autres neurotransmetteurs susceptibles d’aider le système immunitaire à prévenir de futures maladies comme les allergies, les infections et le cancer.