Le service Gynécologie Obstétrique Médecine de la Reproduction de l'hôpital Foch a organisé en ce début mars son congrès “Gynfoch”. L’occasion de dresser le bilan sur l'état de la fertilité et des dernières nouveautés médicales. L’endométriose a été au coeur des débats, notamment sur la prise en charge des douleurs qu’elle génère.
Endométriose : au moins 2 millions de Françaises concernées
L’endométriose est une maladie gynécologique qui concerne au moins 2 millions de Françaises. Sa particularité ? La douleur, pardi ! Qui peut aller de simples douleurs de règles à des douleurs beaucoup plus intenses, handicapantes et rendant le quotidien plus compliqué qu’on ne l’imagine.
"L’endométriose touche au moins une femme en âge de procréer sur 10 et provoque dans la majorité des cas des douleurs récurrentes et/ou chroniques parfois très invalidantes", confirme ainsi la Société Française d'Etude et de Traitement de la Douleur (SFETD).
Ce qui pousse à la consultation, c’est ce dénominateur commun de la douleur : “Soulager les douleurs est attendu par les femmes, donc les traitements proposés doivent être multiples et variés. Et cette prolixité de la maladie va entraîner des conséquences physiques, psychiques et surtout sociales, avec des perturbations assez importantes, notamment dans le couple”, affirme le Dr Olivier Bredeau, spécialiste en évaluation et traitement de la douleur.
Tout en expliquant les mécanismes physiologiques de la douleur, le Dr Bredeau expose les conséquences d’une douleur chronique qui sont assez importantes chez les patientes qui souffrent d’endométriose depuis longtemps : “C'est l’augmentation de la sensibilité douloureuse mais aussi des éléments de contractions musculaires qui vont apparaître. Mais aussi, des phénomènes de fatigabilité, des phénomènes psychologiques notamment d’anxiété/dépression, avec un retentissement social.”
Pourquoi l’endométriose fait-elle mal ?
Mais finalement, la question est légitime : pourquoi l’endométriose fait-elle mal ? “C’est parce qu’il y a des douleurs liées à l’inflammation, ce sont des douleurs inflammatoires. Parce qu’il y a soit une compression neurologique, soit une douleur d’organe et là, ce sont des douleurs viscérales avec des prises en charge spécifiques. Il y a des facteurs de chronicité : plus l’inflammation sera importante, plus les douleurs seront importantes et plus le risque de chronicisation sera important”, répond le Dr Bredeau. Il informe que “la progestérone est un anti-inflammatoire puissant, une base de traitement des douleurs de l’endométriose”.
C’est au tour du Professeur Pierre Marres, Gynécologue Obstétricien et chef du pôle femme/enfant du CHU de Nimes de nous éclairer avec son œil expert : “On peut considérer que trouver des traitements contre la douleur c’est quasi mission impossible. Alors, est-ce que c’est réellement mission impossible ? Oui, si l’on continue de penser que la douleur peut se soigner en opérant ou en administrant un blocage de l’ovulation simplement.”
Ce qui a changé, c’est la prise de conscience des professionnels de santé face à cette maladie : ”Les lésions liées à l’endométriose sont multiples. Il n’y a pas que l’endométriose, il y a les inflammations, il y a les phénomènes de fibroses secondaires, cela veut dire que tout fait mal ! Ce qui devrait imposer une prise en charge globale, holistique, mais ce n’est pas le cas, pourquoi ? Parce que nous avons appris à nous occuper de la douleur mais de la douleur, je dirais, bêtement ! C'est-à-dire que l’on essaye de casser la douleur sans comprendre ni le sens de la douleur pour le patient, ni l’étiologie complexe qui génère cette douleur. Et tant que l’on n'a pas compris cela, on n'y arrive pas”, ajoute le Pr Marres.
"Le traitement de l'endométriose, c’est une équipe pluridisciplinaire"
Le Gynécologue Obstetricien nimois indique : “Ce qui veut dire qu’aujourd’hui, le traitement de l'endométriose doit être proposé par une équipe pluridisciplinaire, avec des actions multimodales. On doit sortir du chirurgien endocrinologue qui traite, nous ne sommes plus dans cette époque qui est du Moyen-âge. Comme cela a été dit, il y a des progestatifs, mais il faut aussi connaître la progestérone. Parfois, passer à la progestérone peut réduire la douleur alors que les progestatifs ne les réduisent pas en bloquant l’ovulation." Le spécialiste explique par ailleurs qu'il ne faut plus opérer sans qu’il n'y ait eu de bilan de la douleur effectué en amont, avec des traitements de la douleur testés. C'est seulement au moment où toutes les solutions thérapeutiques ont été épuisées que la question de la chirurgie peut se poser.
Endométriose : quel est l'intérêt des "structures douleur chronique" ?
Même son de cloche chez la SFETD. "En cas de douleur chronique avec des retentissements importants, une prise en charge globale selon le modèle biopsychosocial est recommandée : elle pourra se faire conjointement avec une structure douleur chronique", complète l’association. "Depuis 2023 et la nouvelle labellisation des structures douleurs chroniques, certaines d’entre elles ont été en effet notifiées comme référentes dans les douleurs de l’endométriose du fait de leur expérience et de leur appartenance à une filière régionale mise en place dans le cadre de la stratégie nationale de lutte contre l’endométriose", ajoute-t-elle.
"Souffrir à vie d’une endométriose et de ses complications n’est pas une fatalité, dès lors que l’on déploie de manière adaptée à chaque patiente l’arsenal thérapeutique qui va de l’hormonothérapie à la chirurgie", poursuivent les experts.
Plus globalement, l’organisation à but non lucratif déplore que "la douleur est une expérience humaine encore mal connue, mal évaluée, mal traitée. Dans cette expérience que chacun peut traverser, qui bouleverse, et que l’on a parfois du mal à expliquer aux autres, de nombreuses questions émergent, sur l’origine de la douleur, les mécanismes en cause, mais aussi la façon de la communiquer, et surtout les possibilités de traitement, médicamenteux ou non. Ne pas comprendre rajoute souvent au désarroi induit par la maladie".
En conclusion, "la SFETD souhaite donc améliorer la connaissance des professionnels de santé mais aussi du grand public sur les douleurs chroniques, leur mécanisme, leur implications cliniques afin d’améliorer la prise en charge des adolescentes et des femmes ayant des douleurs abdomino-pelviennes".