Pourquoi docteur : En quoi la kinésithérapie peut-elle aider les femmes souffrant d’endométriose ?
Sabrina Fajau : Dans l’endométriose, il y a plusieurs grandes familles de symptômes : la douleur chronique, les dysménorrhées (douleurs menstruelles), les douleurs pelviennes, les dyspareunies (douleurs pendant et après un rapport sexuel), les dyschésies (douleurs à la défécation), les dysuries (mictions douloureuses ou gênantes), les difficultés à procréer, et le déconditionnement physique [faiblesse musculaire et diminution d’endurance associées à l’inactivité physique et à la sédentarité, ndlr]. À part les difficultés à procréer, la kinésithérapie va venir aider six à sept groupes de symptômes. On différencie les kinésithérapeutes spécialisés en pelvi-périnéologie qui peuvent tout faire, et les autres, qui peuvent tout de même intervenir sur la douleur chronique, le déconditionnement physique et certaines douleurs pelviennes selon leur origine.
L’endométriose est une maladie qu’on dit gynécologique pour la décrire, mais nous en tant que kinésithérapeute, il faut qu’on la voit comme une maladie inflammatoire chronique et une maladie qui touche les fascias [membrane fibreuse recouvrant des muscles, correspondant aux plans de glissement, ndlr] et qui a tendance à les rétracter. Donc on essaye de redonner de la mobilité au corps en donnant de la mobilité à ces fascias grâce à une thérapie manuelle, entre autres.
Ce n’est pas un kinésithérapeute qui va solutionner le problème d’une patiente, c’est la kinésithérapie en général.
Ces techniques fonctionnent-elles chez toutes les femmes ?
Ce qu’il faut retenir, c’est qu’on dit que chaque femme a son endométriose. On pourrait aller plus loin en disant qu’il n’y a pas une endométriose mais des endométrioses. Dans les huit familles de symptômes, certaines n’auront qu’un symptôme et d’autres les auront tous. L’avantage en tant que kinésithérapeute c’est qu’on a énormément d’outils, parfois un kiné a plusieurs outils et parfois il faudra aller voir plusieurs kinésithérapeutes pour avoir tous ces outils. Ce n’est pas un kinésithérapeute qui va solutionner le problème d’une patiente, c’est la kinésithérapie en général. Ce qu’il faut savoir c’est que notre place n’est pas là pour guérir la maladie -personne ne peut le faire actuellement- elle est là pour diminuer les douleurs et amener du confort de vie à la patiente. On se positionne pour l'accompagner dans l’amélioration globale de sa qualité de vie : la diminution de ses douleurs, la reprise de l’activité physique, de ses activités professionnelles, etc. Et on en parle peu, mais en tant que kinésithérapeute, on peut aussi les aider dans l'amélioration de la qualité de vie sexuelle, notamment lorsqu’il y a des dyspareunies.
Comment se passe une séance ?
Comme pour les autres pathologies, on commence toujours par faire un bilan avec la patiente : on récolte les informations, on fait l’examen clinique et on teste des choses lors de la première séance. En fonction de ce qu’il se passe, on garde ce qui fonctionne, on met de côté ce qui ne fonctionne pas, et on avance comme ça séance après séance, avec toujours comme curseur la patiente, la diminution de ses douleurs et l'amélioration de sa qualité de vie sur tous les plans.
En général, chaque séance dure environ 30 minutes. Le rythme des rendez-vous dépend de l’état de la patiente. Si on est dans une phase inflammatoire, c’est-à-dire que la personne a très mal, on peut au tout début faire deux fois par semaine, puis on passe à une fois par semaine. Si la personne est déjà en douleur chronique et qu’elle a mal depuis longtemps, cela peut être tous les 15 jours par exemple. On décide de tout cela au début, au moment du bilan. Évidemment, plus on aura besoin de faire des choses, plus on aura besoin de séances.
On gère la crise, on gère les symptômes quand il y a des symptômes, mais ce n’est pas parce qu’il y a des symptômes à l’instant T que dans 6 mois ou 4 ans ils seront toujours présents.
Une femme souffrant d’endométriose devra-t-elle faire des séances toute sa vie ?
C’est une pathologie qui fonctionne par phase, 50 % des patientes nouvellement diagnostiquées présentent une endométriose qui n’évolue plus. On a alors une photographie à l’instant T, on gère les douleurs à l’instant T et comme il n’y a pas d’évolution, une fois les douleurs gérées, il n’y a pas de raisons qu’elles réapparaissent. Pour un peu plus d’un autre tiers de patientes, la maladie va évoluer donc il va falloir les suivre. Et pour 15 à 20 % d’entre elles, on remarque une diminution des symptômes et on ne retrouve plus de signes de la pathologie au bout de quelques années. Donc même sur le pronostic et l’évolution de la maladie, on ne peut pas se prononcer. Elle est tellement polymorphe… Donc on gère la crise, on gère les symptômes quand il y a des symptômes, mais ce n’est pas parce qu’il y a des symptômes à l’instant T que dans 6 mois ou 4 ans ils seront toujours présents.
Faut-il une ordonnance pour voir un kinésithérapeute ?
Depuis le début de l’année, il y a des kinésithérapeutes en accès direct sans ordonnance, mais c’est encore rare, il faut être dans des structures coordonnées ou à l'hôpital. Le mieux est de faire par son médecin traitant une ordonnance de “bilan de kinésithérapie suivi de soins si nécessaire dans le cadre d’une endométriose” car, encore une fois, nous on ne soigne pas l’endométriose, on soulage les symptômes. Donc ce qui est reconnu par la Sécurité sociale, c’est de la kinésithérapie pour des symptômes : douleurs de dos, douleurs pelviennes, etc. Et c’est à l'issue du bilan de la première séance que l’on sait ce qu’on va coter.
Quelle est la prise en charge par la Sécurité sociale ?
C’est compliqué d’avoir une réponse unique. Il y a la Sécurité sociale et la mutuelle qui prennent une partie, et ensuite, en fonction de comment fonctionne le kinésithérapeute, et surtout si les symptômes rentrent dans le remboursement de la Sécurité sociale, il restera ou non une charge au patient (ce qu’on appelle du hors nomenclature).
Au bout de combien de séances de kinésithérapie, une patiente peut espérer voir des bienfaits ?
Encore une fois, c’est difficile à dire, on s’adapte à la patiente et il n’y a pas de norme absolue. Sur les patientes très très algiques, c’est-à-dire sur les endométrioses avérées assez importantes, ce qu’on fait avec les chirurgiens avec lesquels je travaille, c’est qu’on attend au moins six mois, voire un an, pour savoir si les traitements mis en place (médicament, kiné, etc) ont permis de stabiliser la patiente. Sur les patientes un peu moins algiques, mais qui ont quand même des douleurs, on peut se dire qu’en trois mois, on peut vraiment améliorer leur état. Après, je leur propose de se voir une fois par mois, en général un peu avant les règles pour stabiliser les tensions et ce qui pourrait faire mal, et petit à petit, naturellement, elles prennent moins de rendez-vous car les douleurs passent.
Dans votre cabinet, vous utilisez le nouveau protocole Endermologie, en quoi consiste-t-il ?
L’avantage de ce protocole qui est chargé sur les machines Cellu M6 Alliance de chez LPG, (chez les kinés formés experts), c’est que cela donne un outil supplémentaire au kinésithérapeute, notamment dans l’abord des patientes algiques car ça permet de travailler sur la douleur globale, mais aussi sur les symptômes des personnes en déconditionnement physique. Cela permet de diminuer les douleurs, mais aussi le stress et l’anxiété face à elle, et ça a également une action sur la fatigue chronique. La mécanisation des tissus aide également à lutter contre les fibroses et les adhérences.
Comment est-ce-que ce soin fonctionne ?
C’est un moment cocooning et relaxant pour la patiente. Il peut se faire avec ou sans la combinaison blanche qui donne une certaine préservation de l'intimité et qui permet que la tête de l’appareil glisse mieux, mais si la patiente ne veut pas la mettre elle n’est pas obligée. La patiente est sur la table et c’est le kinésithérapeute qui fait le soin avec le Cellu M6 Alliance, c’est quelque chose de doux. C’est intéressant en ce sens aussi car en kinésithérapie, on a des techniques qui sont très efficaces, mais qui ne sont pas toujours douces, parfois cela peut faire un peu mal, mais ici la prise en charge est englobante et relaxante, grâce à l’activation du système para-sympathique. On va donc pouvoir diminuer le seuil de douleur de la patiente, c’est-à-dire qu’elle supportera mieux la douleur par la suite.