"Je n’ai absolument aucun regret." Comme seulement moins de 2 % des femmes françaises, Eve a choisi courageusement et par deux fois d’accoucher à son domicile*.
Accouchement à domicile : "Je ne me sens pas très bien dans le milieu hospitalier"
"Je ne sais plus très bien comment m’est venue cette idée, mais c’est arrivé assez tôt et assez naturellement dans ma réflexion, car j’avais très à cœur le fait que mon corps fonctionne sans aide extérieure, comme cela se passe depuis la nuit des temps", explique la jeune femme. "Par ailleurs, je ne me sens pas très bien dans le milieu hospitalier, cela me génère de l’inquiétude et j’ai l’impression d’être infantilisée, que les médecins vont tout décider pour moi", continue-t-elle. "Mon mari Yao m’avait aussi formulé qu’il rêvait d’accoucher sa femme. Le fait qu’il soit Ivoirien a sûrement influencé ce désir, car sa mère a donné naissance à ses huit enfants sans assistance médicale", analyse-t-elle. "J’avais aussi la volonté de lui donner une vraie place dans l’accouchement, contrairement à la maternité où l’homme est souvent dépossédé de son rôle de père pendant la naissance."
"On avait vraiment l’impression d’avoir accouché à deux"
Résidant à 5 minutes d’un hôpital* dans la ville de Vaulx-en-Velin, le couple remplissait toutes les conditions pour mener à bien son projet dès la première grossesse. Après de nombreuses recherches infructueuses, Eve et son mari réussissent finalement à dénicher une sage-femme qui ne réalise que des accouchements à domicile.
"Quand j’ai rompu la poche des eaux à 9 heures du matin, on l’a tout de suite prévenue et tenue régulièrement au courant de l’avancée du travail. Elle est passée une fois en début d’après-midi pour me faire un monitoring et un contrôle, puis Yao lui a demandé de revenir vers minuit car il sentait que l’expulsion se rapprochait. Elle est finalement arrivée deux petites heures avant que j’accouche pendant la nuit", raconte Eve.
"Durant tout le travail, j’ai beaucoup bougé (ballon, bain, mouvements du bassin...) et mon conjoint était avec moi en permanence. Par exemple, quand j’étais allongée sur le lit, il était derrière moi pour me soutenir le ventre et m’accompagner, ce qui m’a beaucoup aidée. Quand j’ai finalement accouché à 2h54, on était debout l’un en face de l’autre au pied de notre lit. Il me soutenait sur ses épaules et j’avais les genoux qui reposaient un peu sur les siens. Au moment où notre fils Elie est arrivé, on avait vraiment l’impression d’avoir accouché à deux, de toutes nos forces. C’était sublime", se rappelle Eve avec bonheur.
Accouchement à domicile : "J’ai vécu ma douleur comme une force"
"Comme on ne peut pas avoir de péridurale lorsqu’on donne naissance à la maison, j’ai eu vraiment très, très mal, mais je l’ai vécu comme une force, parce qu’à la fin de l’accouchement, je me suis dit : « Waouh ! j’ai réussi, je suis capable de faire ça ! ». C’était une immense fierté, et je ressentais aussi beaucoup de gratitude envers mon corps !", se remémore la mère au foyer. "Toujours concernant la douleur, je l’ai aussi appréhendée à travers ma foi. Comme Jésus sur la croix, la souffrance m’a permis de donner la vie, il était donc normal de l’accueillir et de la traverser. Ça a été une grande expérience spirituelle pour moi et mon conjoint, et pas du tout quelque chose de négatif", se réjouit cette ancienne cheffe de service d’établissement médico-social.
"Le seul point noir a été ma déchirure, que la sage-femme m’a recousue à la maison. J’ai trouvé difficile de vivre avec la douleur liée à cette blessure pendant le post-partum", témoigne-t-elle.
Loin d’être découragée par ces désagréments, Eve choisit de renouveler l’expérience pour son deuxième enfant trois ans plus tard. "Mon second accouchement a été différent, car il a été beaucoup moins long et bien moins douloureux. J’étais aussi un peu plus inquiète quant à ma capacité à supporter la souffrance, alors que pour Elie j’avais surtout peur d’être déclenchée à l’hôpital. On a également dû gérer mon aîné qui dormait dans la chambre d’amis avec ma mère pendant tout le travail, c’était assez épique", s’amuse Eve. "J’ai cette fois-ci accouché debout dans la baignoire, avec un pied sur le rebord. J’ai vraiment senti avec ma main les cheveux et la tête de ma fille Yaëlle qui arrivaient, c’était très puissant ! Et je n’ai même pas déchiré, une vraie petite victoire personnelle !", se félicite-t-elle.
Accouchement à domicile : comment se préparer ?
Comment se prépare-t-on à vivre des événements aussi intenses ? "Pour la première grossesse, je me suis préparée en suivant des cours à distance avec ma sage-femme, car c’était la période Covid. Pour la deuxième, j’ai aussi pu bénéficier des conseils d’une spécialiste en haptonomie, qui m’a vraiment donné des clefs pour aider le bébé à descendre. Grâce à cela, je n’ai presque pas lutté contre les contractions. Je cherchais plutôt à les accompagner, en me répétant sans cesse au moment de l’expulsion : « Il ne faut pas pousser, laisse ton corps faire ». J’ai ainsi pu constater l’impressionnante puissance de mon organisme", se souvient la trentenaire.
Recommanderait-elle à d’autres femmes d’accoucher à domicile ? "Je pense d’abord que c’est un projet qui doit venir de soi-même et correspondre à notre personnalité. Par exemple, si une future mère est complètement stressée à l’idée d’accoucher à domicile, il vaut mieux qu’elle le fasse dans une maternité. Pour moi, la clef d’un accouchement réussi réside surtout dans le choix d’un environnement qui déclenche la production d’ocytocine", estime Eve.
"Avant de se décider sur le projet de naissance, je conseille également aux couples de bien se renseigner* sur la réalité de l’accouchement à domicile et sur la manière dont le corps fonctionne pendant le travail. On avait beaucoup étudié la question avec mon mari pendant mes deux grossesses, en regardant notamment des formations sur Internet."
"Je rêve maintenant d’accoucher de mon troisième enfant à la maison !"
Précisons pour finir que même si la médicalisation des deux accouchements a été minime, les parcours d’Eve et de Yao ont quand même été légèrement épaulés par l’hôpital. "Au septième mois de ma première grossesse, je me suis inscrite à la maternité afin d’avoir un dossier déjà prêt au cas où il y aurait un souci (transfert, prématurité...)", détaille Eve. "Pour mon deuxième accouchement, j’ai dépassé le jour de mon terme. Je me suis donc rendue à la maternité pour faire un contrôle et j’ai accepté qu’on me fasse un décollement des membranes afin d’éviter le déclenchement", indique-t-elle.
"Si je retombe enceinte, je rêve maintenant d’accoucher de mon troisième enfant à la maison !", conclut pour finir notre héroïne avec enthousiasme.
* En juin 2020 et en avril 2023.
* La condition obligatoire pour pouvoir accoucher à domicile est de résider à une distance raisonnable de la sage-femme et d’une maternité.
* Le CDAAD est une association d’usagers qui accompagne très bien dans cette réflexion.