« A peine 2 % des hypertendus traités réalisent les automesures nécessaires au suivi de leur maladie, s’inquiète le Dr Bernard Vaïsse, cardiologue à l’hôpital de la Timone à Marseille, et président du Comité français de lutte contre l’hypertension artérielle (CFLHTA). Autre chiffre inquiétant : à peine un malade sur deux applique les recommandations hygiéno-diététiques ou prend son traitement à la lettre. D’après des études réalisées par l’Assurance maladie, ou des équipes de recherche en cardiologie, 50 % des hypertendus qui débutent un médicament antihypertenseur l’auront stoppé avant le 200e jour… Seulement 49 % des malades s’appliquent à réduire leur poids, et 52 % pratiquent de l’activité physique quotidiennement.
Les hypertendus peu consients des risques
Un constat alarmant que dressent les spécialistes à l'occasion de la journée nationale de l’hypertension qui se déroule ce mardi. Ils veulent donc inciter les malades à être de véritables acteurs des consultations auprès des médecins. « Les malades ne prennent pas toujours conscience des risques de complications, or l’HTA affecte le cerveau, le cœur et les reins… avertit le cardiologue marseillais. Elle a été classée par l’Organisation mondiale de la santé en deuxième position, juste après le tabagisme, sur la liste des facteurs diminuant le nombre d’années de vie en bonne santé. Ce qui est dommage, c’est que la pression artérielle peut être bien contrôlée par l’activité physique, par une bonne alimentation, et par les médicaments. »
Ecouter le Dr Bernard Vaïsse, président du Comité français de lutte contre l'HTA. « Le vrai problème est de prendre conscience de cette maladie silencieuse. »
Pour remédier à ces problèmes d’observance et d’adhérence aux traitements, le Comité français de lutte contre l’hypertension souhaitent que les médecins, à 80 % des généralistes, et leurs patients prennent du temps lors de la première consultation d’annonce. « Des consultatons d’annonce ont été mises en place pour le cancer, le VIH… il faut la même chose pour l’HTA, il faut que le médecin et le malade aient du temps pour établir la stratégie thérapeutique, pour bien comprendre les risques et les moyens de les éviter. Toutes les enquêtes auprès des malades montrent qu’ils manquent d’information : une majorité d’entre eux ne connait pas la cause ou les causes de leur hypertension, ou n’a pas en tête leurs derniers chiffres de tension. »
Des appareils d'automesure à disposition chez les médecins
Le CFLHTA plaide donc pour la mise en place de consultations d’annonce et des consultations d’adaptation du traitement. Et le Comité en accord avec le ministère de la santé a fixé un objectif : 70 % des hypertendus avec une pression artérielle sous contrôle en 2015. De son côté, l’assurance maladie a pris une initiative pour promouvoir l'auto-mesure. Pour 2014, elle a commandé des appareils d’auto-mesure que les médecins de ville pourront mettre à la disposition de leurs hypertendus afin qu’ils expérimentent l’auto-mesure de leur pression artérielle.
L’assurance maladie souhaite ainsi équiper tous les médecins de ville qui le souhaitent d’ici trois ans. En janvier prochain, les médecins volontaires de quatre départements (l’Aube, l’Aude, l’Isère et le Tarn) pourront bénéficier de cette mesure. Ils pourront ainsi expliquer au malade la sacro-sainte règle de l’auto-mesure, « la règle de trois » : trois mesures pendant le mois précédant la conseultation chez le médecin, trois mesures le matin après le petit déjeuner, trois mesures le soir après le dîner.
Ecouter le Dr Bernard Vaïsse : "La règle de trois appliquée à l'auto-mesure "
Si le malade ne souhaite pas faire cette auto-mesure, son praticien peut lui proposer un holter tensionnel, un dispositif médical électrique qui permet de prendre des mesures automatiquement pendant un certain temps. L’appareil porté directement par le malade relève la pression artérielle toutes les 15 ou 30 minutes pendant 24 heures.
D’autres outils aident à la prise de conscience et à un meilleur contrôle de la maladie : les centres spécialisés d’hypertension ont développé un questionnaire de préparation à la consultation. Ainsi, l’unité d’hypertension de l’hôpital européen Georges-Pompidou (AP-HP) a conçu un questionnaire-patient de préparation à la consultation d’hypertension, baptisé HY-Quest. Ce questionnaire qui comporte pas moins de 133 questions, est rempli par le patient à son domicile puis apporté à la consultation pour être pris en compte par le médecin.
133 questions pour préparer la consultation
« Le principe est de remplir le questionnaire à domicile pour que le patient ait le temps nécessaire et suffisant de répondre aux questions, qu’il puisse recopier ses ordonnances précédentes et éventuellement se faire aider par un proche, explique le Dr Nicolas Postel-Vinay, hypertensiologue à l’HEGP (AP-HP). L’utilisation de Hy-Quest contribue à structurer l’interrogatoire du patient afin de limiter les omissions dans les antécédents personnels et familliaux, le mode de vie, les intolérances au traitement, les examens complémentaires et les traitements en cours. Il nous permet de dégager du temps pour un dialogue personnalisé avec le patient sur son histoire, son projet de prise en charge ou son niveau d’information » Une étude récente a montré que cet outil a été bien accepté par les patients et que la concordance des réponses du patient avec celle du médecin est bonne. Les patients ont montré une forte motivation, seulement 10% d’entre eux ont oublié de rapporter leur questionnaire à la consultation.