- Pourquoi Docteur : La France qui était encore en tête des pays européens pour les essais cliniques en 2021 n’était plus qu’à la troisième place en 2023. Quelles sont les causes de ce recul ?
Dr Arnaud Bayle : C’est l’Espagne qui est aujourd’hui leader européen, bien devant nous en termes d’attractivité des essais cliniques. Il y a plusieurs rapports qui le montrent, notamment un rapport du LEEM qui le met en évidence. C’est une ambition française que d’être leader dans la recherche clinique, c’est acté dans le plan France Santé 2030 mais nous avons encore beaucoup de progrès à faire dans ce domaine. Il y a des biotech françaises qui ouvrent des essais cliniques ailleurs qu’en France alors qu’elles sont en mesure d’offrir l’innovation aux patients dans notre pays dès les essais cliniques.
« En oncologie, moins de 5% des patients sont inclus dans des essais cliniques »
Le principal problème est en fait l’accès à l’information et le fait d’avoir, grâce à une plateforme, connaissance en temps réel des essais cliniques ouverts et disponibles. En oncologie, il y a moins de 5% des patients qui sont inclus dans des essais cliniques et le plan cancer fixait des objectifs beaucoup plus ambitieux auxquels nous ne parvenons pas encore. Le but est que ces essais soient de plus en plus une réalité pour ces patients. Ceux qui sont suivis dans un centre expert en bénéficient mais dans de nombreux autres centres ils n’ont pas le même accès et notre but est qu’il existe une équité d’accès quel que soit le lieu de prise en charge.
- Quel est pour les patients l’intérêt de participer à un essai clinique ?
Cela leur permet d’accéder à des innovations thérapeutiques bien avant qu’elles soient disponibles et remboursées dans le cadre du soin courant. Nous avons beaucoup d’exemple en cancérologie avec les thérapies ciblées et l’immunothérapie de patients qui ont bénéficié d’une molécule innovante plusieurs années avant qu’elle soit accessible à tout le monde.
« On peut avoir accès à un essai clinique à tout moment du parcours de soins »
Pour certains, s’ils n’avaient pas eu accès à un essai clinique, ils ne seraient plus là. Et il est important de rappeler que l’on peut avoir accès à un essai clinique à tout moment du parcours de soins, pas simplement en dernière chance, et c’est quelque chose que les gens ignorent souvent parce qu’ils pensent que la participation à un essai clinique n’est possible que lorsqu’ils ont épuisé tous les traitements standards alors qu’en fait cela peut être accessible dès le diagnostic.
- Comment un patient peut-il être intégré à un essai clinique, qui fait la démarche, qui décide ?
C’est principalement le médecin qui propose à son patient de participer à un essai clinique dont il a connaissance par des registres publics. L’initiative peut aussi venir du patient mais les registres actuels rendent cette recherche très complexe parce que c’est souvent en anglais et avec des termes peu vulgarisés. Ils peuvent toutefois chercher sur ces registres et en parler avec leur médecin ou aller dans un centre expert pour savoir s’ils sont ou non éligibles à un essai. Nous pensons, nous, que les patients peuvent vraiment s’emparer de cette question. Mais actuellement, cela repose beaucoup sur les médecins, de plus, si l’on est suivi dans un centre où il y a des essais cliniques on a plus de chances d’y accéder que si l’on est suivi dans un centre où il n’y en a pas.
« Les médecins n’ont pas toujours le temps de se tenir au courant pour chacun de leurs patients »
Nous avons le témoignage d’une patiente qui a trouvé un essai dans son propre centre. Son médecin lui proposait un traitement standard dans un cancer où il y a beaucoup d’innovations avec l’immunothérapie. Elle lui a parlé d’un essai dont elle avait eu connaissance et elle a pu y être intégrée grâce à sa démarche. On sait que c’est très chronophage de faire ce type de recherche pour les médecins qui n’ont pas toujours le temps de se tenir au courant pour chacun de leurs patients.
Nous sommes tous un jour ou l’autre touchés directement ou indirectement par le cancer et il est important de savoir que les proches des patients peuvent également faire des recherches, par exemple pour les malades les plus âgés.
- Comment se passe l’intégration d’un patient dans un essai clinique ?
Concrètement, il est vu en consultation dans le centre dans lequel l’essai est ouvert. On lui présente le protocole pour vérifier qu’il respecte les critères d’inclusion dans l’essai et s’il donne son consentement, il est ensuite pris en charge dans le centre dans lequel l’essai est ouvert.
- La DGS et les instances du numérique en santé ont lancé un projet de base nationale des essais cliniques dans le cadre du plan Innovation Santé 2030. Comment se situe votre initiative dans ce contexte ?
Nous sommes en collaboration avec eux dans le sens où ils ont mis en place un système qui permet de faire communiquer leur base avec d’autres solutions comme la nôtre. Plus on a de données fiables, mieux c’est pour la plateforme. Depuis le début c’est une bonne nouvelle pour nous et cela nous permet de fiabiliser les données sur notre plateforme.
- Faciliter l’accès à des essais cliniques est une demande des associations de patients. Comment travaillez-vous avec elles ?
Effectivement c’est une demande forte. Nous avons beaucoup travaillé avec des associations de patients, notamment dans le cancer du sein et de la peau.
« Nous collaborons avec les associations de patients pour coconstruire une interface facilement utilisable»
A chaque fois que l’on ouvre sur notre plateforme un nouveau type de cancer nous collaborons avec les associations dans cette nouvelle aire thérapeutique pour coconstruire avec elles l’interface afin d’être sûrs qu’elle est facilement utilisable par les patients.
- Quelles sont les maladies actuellement concernées par votre plateforme ?
Pour l’instant nous sommes ouverts sur le cancer du sein, le cancer de la peau et le lymphome en hématologie. Nous allons très prochainement élargir au cancer du poumon et d’ici la fin 2024 nous espérons être présents sur tous les cancers et toutes les pathologies hématologiques.
Nous proposons une approche par cancer et donc nous personnalisons à la fois les interfaces et les algorithmes pour chaque type de cancer avec les champs spécifiques qui permettent d’avoir la meilleure correspondance possible patient-essai.
- Comment avez-vous créé cette plateforme ?
La plateforme a été construite par deux ingénieurs et moi-même qui suis oncologue à Gustave Roussy. Le constat de départ, c'est que moi, en tant que médecin, j’ai été confronté à la difficulté de trouver un essai clinique pour mes patients à la fois en interne et en externe dans d’autres centres. De cette problématique est née l’idée de Klineo avec à la fois une solution médicale mais aussi une solution technologique pour répondre à ce problème de recrutement dans les essais cliniques qui est connu depuis longtemps.
- Quelles sont les conditions d’accès à votre base d’essais cliniques ?
Cet accès est gratuit pour les patients et les médecins et nous faisons des partenariats avec des promoteurs académiques ou industriels pour mettre à jour les données.
« 20% des essais cliniques échouent faute de recrutement »
Il y a de plus en plus d’essais cliniques et peu de patients y sont inclus : il y a 20% des essais qui échouent faute de recrutement. Donc nous proposons une solution qui répond à un problème qui pénalise à la fois les patients et les promoteurs d’essais cliniques. Nous arrivons même à avoir des partenariats avec des hôpitaux car on voit bien qu’il y a un enjeu, simplifier le travail pour les médecins et offrir une solution pour les patients.
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