Anti-inflammatoire mais aussi anti-cancer ? L’utilisation quotidienne et sur le long terme de l’acide acétylsalicylique, plus connu sous le nom d’aspirine, peut aider à prévenir le développement et la progression du cancer colorectal, un des plus fréquents en France avec près de 50.000 nouveaux cas chaque année. C’est du moins la conclusion d’une nouvelle étude publiée dans Cancer, la revue de l’American Cancer Society.
Moins de propagation du cancer colorectal chez les utilisateurs d’aspirine
On connaît depuis 1968 les bénéfices de l’aspirine dans le traitement du cancer, mais les mécanismes impliqués n’ont jamais été vraiment identifiés. Pour en étudier les effets sur le cancer colorectal, les chercheurs de l’Hôpital universitaire de Padoue, en Italie, ont examiné des échantillons de tissus de 238 patients ayant subi une chirurgie pour un cancer colorectal entre 2015 et 2019, dont 12 % étaient des consommateurs d'aspirine, un médicament anti-inflammatoire non stéroïdien.
Or les tissus de ces derniers ont montré moins de propagation du cancer aux ganglions lymphatiques, ainsi qu’une plus grande infiltration des cellules immunitaires dans les tumeurs par rapport aux échantillons de patients n’utilisant pas d’aspirine. "Lors des analyses des cellules cancéreuses colorectales en laboratoire, l'exposition des cellules à l'aspirine a entraîné une augmentation de l'expression d'une protéine appelée CD80 sur certaines cellules immunitaires, ce qui a amélioré la capacité des cellules à alerter d'autres cellules immunitaires de la présence de protéines associées à la tumeur", peut-on lire dans un communiqué.
À l'appui de cette découverte, les chercheurs ont constaté que chez les patients atteints d'un cancer du rectum, les utilisateurs d'aspirine avaient une expression de CD80 plus élevée dans le tissu rectal sain, ce qui suggère "un effet de surveillance pro-immunitaire de l'aspirine". En d’autres termes, le médicament anti-inflammatoire peut avoir des effets protecteurs en stimulant certains aspects de la réponse immunitaire du corps contre les cellules cancéreuses.
L’aspirine, un mécanisme complémentaire de prévention du cancer colorectal
"Notre étude révèle un mécanisme complémentaire de prévention ou de traitement du cancer par l'aspirine, en plus de son effet médicamenteux classique inhibant l'inflammation", selon le chercheur Marco Scarpa, auteur principal des travaux. Dès lors, la question de son assimilation par l’organisme apparaît centrale : "L'aspirine est absorbée dans le côlon par diffusion passive. Son absorption est linéaire et dépend de la concentration le long de l'intestin, et dans le rectum, la concentration d'aspirine administrée par voie orale peut être beaucoup plus faible que dans le reste du côlon."
Conclusion des chercheurs : "Si nous voulons bénéficier pleinement de ses effets contre le cancer colorectal, nous devrions réfléchir à la façon de garantir que l'aspirine atteigne le tube colorectal à des doses adéquates pour être efficace."