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Semaine de sensibilisation à la SEP

SEP et Sport : « Plus on a d’activité physique, plus on repousse la fatigue »

Par le Dr Caroline Pombourcq

Le sport est-il incompatible avec une sclérose en plaques ? Anita Fatis, ancienne sportive de haut niveau, atteinte de SEP et multimédaillée en para natation, nous donne toutes les raisons de se dire que tout est possible.

cmcderm1/istock

Avoir une activité physique, et même pratiquer un sport, est tout à fait réalisable quand on est atteint de sclérose en plaques (SEP), quel que soit le handicap. Anita Fatis, ancienne para athlète (para natation), conférencière et conseillère municipale déléguée à l’accessibilité et au handicap à la mairie de Thionville (Moselle), est la preuve qu’on peut aller très loin malgré la maladie.

Pourquoi Docteur : Quand vos premiers symptômes sont-ils apparus et quelles ont été les manifestations ?

Anita Fatis : Les premiers symptômes remontent à plus de 35 ans. C’était bien avant le diagnostic, avec de la fatigue, mal au dos, des contractures. Il a fallu des mois avant que le diagnostic ne soit posé. D'ailleurs, le diagnostic est tombé après une hémiplégie du côté gauche.

Avant tout cela, vous étiez sportive. Quels sports pratiquiez-vous ?

J'ai toujours fait du sport. Enfant, j’ai démarré par l'athlétisme. Je devais avoir 8 ou 9 ans, jusqu’à l’âge adulte. Et ensuite, j'ai fait du bowling, mais du bowling-compétition.

Après l’apparition des symptômes, vous avez été obligée d’arrêter le sport ?

Quand j'ai eu cette hémiplégie, j’ai été hospitalisée, et on m’a dit que c'était psychosomatique (symptômes physiques dont les causes sont essentiellement psychiques ou émotionnelles, NDLR). De ce fait, mon mari a trouvé un autre neurologue au centre hospitalier de Lille. Des examens ont alors été refaits (IRM, ponction lombaire). Et là, le diagnostic a été posé, en 1991. Après, la vie avait repris un peu son cours, parce que j'ai eu de la cortisone et j'avais tout récupéré. Je retravaillais, je faisais un peu de sport, je courais. Mais à un moment donné, elle a pris une forme très violente, et là, le handicap est apparu. J'ai alors fait une grosse dépression. C'est grâce encore à mon mari, qui est mon pilier, que j'ai fait de la natation. Il s'est dit qu'il fallait me sortir de là, et qu’il n’y avait que par le sport. Parce que je refusais tout médicament.

SEP et sport : « je me sens libre dans l’eau »

Qu’est-ce que la natation vous a apporté ?

J’ai donc démarré la natation pour soigner une dépression. Il y a cette plénitude quand je suis dans l'eau. Il y a cette pesanteur, la flottaison, et je me sens libre dans l’eau, même si je ne fais pas de battement de jambes.

Il y a 2 ans, au bout de 17 ans de fauteuil roulant, vous avez pu bénéficier d'orthèse mécatronique, donc une aide à la marche. Racontez-nous un peu, comment cela s'est passé ?

Ce dispositif est la C-Brace, donc, de chez Ottobock (entreprise spécialisée dans les composants conception de composants prothétiques -la prothèse remplace un membre défaillant- et orthétiques -une orthèse ne remplace pas un membre mais compense un membre défaillant comme une attelle-, ainsi que de fauteuils roulants, NDLR). Mais il ne faut pas croire que cette orthèse (ce n’est pas un exosquelette car il y a un microprocesseur qui réagit aux mouvements et aux situations, NDLR) a été mise, que c'est reparti tout de suite. Quand j’ai découvert qu'il existait un système pour marcher, on a fait avec spécialiste un très gros travail en amont. J'ai eu des orthèses fixes pendant un an et demi. Je me suis mise entre les barres et j’ai réappris la verticalité. Et seulement après, j'ai eu le dispositif. Et quand j’en ai bénéficié, il a fallu réapprendre à marcher. J'ai commencé en faisant 200 mètres, 300 mètres, 500 mètres... Et c'était fabuleux. Il y a donc eu une énorme rééducation et un travail personnel en amont. Et je voulais réussir, ça, c'est sûr. 

SEP et sport : « je faisais les entraînements, comme tout le monde, mais sans les jambes »

Pendant la période paralympique, quelle était votre préparation ?

J'ai eu la chance d'avoir un super entraîneur qui nous a quittés il y a un peu plus d'un an. Un entraîneur de la « vieille école ». Il se fichait que je sois en situation de handicap. Je voulais nager, je voulais faire de la compétition, et je faisais les entraînements, comme tout le monde. Sauf que je ne faisais pas les jambes. S’il me disait, tu vas me faire 10 fois 100m, et bien je n'en faisais que 8, mais l'entraînement, en lui-même, était le même. Il y avait aussi l'entraîneur national de l'équipe de France qui a fait un travail plus spécifique sur la technique. Et il y a eu également ma coach en musculation qui m’a fait faire un gros travail du haut du corps, des abdos. Le tout en étant adapté à mon handicap.

Et maintenant, alors, et surtout grâce aux orthèses, qu'est-ce que vous faites comme activité physique, comme sport ?

Déjà en 2022, quand j'ai discuté avec Ottobock pour avoir ce dispositif, je leur ai dit : « je vais aller au Népal et je vais le faire en marchant, comme cela, vous aurez des données pour votre dispositif ». J’ai ainsi argumenté pour avoir un contrat. Et ils m’ont fait confiance.

J'ai donc fait, en 2022, le Rolwaling (Trek dans la vallée du Rolwaling une section de l’Himalaya, NDLR). J’ai marché 95 km et j'ai atteint un lac à 5.020 mètres d’altitude. Je prévois un autre treck en novembre, dans sept mois. Et là, je vais faire un 6.100 mètres (Island Peak) en marchant. Donc, vous imaginez bien que cela demande de la préparation avec de la marche, de la musculation et de la natation. Alors, en natation, je ne fais pas de de vitesse, mais je nage beaucoup en hypoxie, c’est-à-dire avec le moins de respiration possible, au moins deux séances semaine. La marche, c’est tous les jours avec de la marche sportive une fois par semaine. Et la musculation, deux fois par semaine.

SEP et sport :  « ce n'est plus cette fatigue qui vous terrasse »

Et en tant que conseillère municipale et conférencière, comment vous aidez les autres par rapport aux activités physiques, au sport. Qu'est-ce que vous leur dites ?

Par rapport à mon mandat de conseillère municipale, je reçois des familles qui ont un membre de la famille ou un de leurs enfants en situation de handicap. Souvent par rapport au logement ou à des difficultés financières. Mais je ne suis pas tout seule. Je les reçois, et après, je les oriente vers les services concernés.

Et par rapport à la mission « handicap », parce que ce sont deux postes bien spécifiques, je fais de la sensibilisation à destination des employés de mairie ou dans les écoles. En effet, les enfants sont les acteurs de demain. Il faut leur montrer que les personnes qui ont une situation de handicap sont aussi des sportifs, des personnes comme tout le monde…. Afin d’enrayer cette image qu'on avait il y a 30 ans.

Et en ce qui concerne les conférences, je suis invitée par des neurologues ou des associations. Je raconte alors mon parcours et je donne des conseils. Parfois, les gens ont des projets, ils me demandent comment ils doivent faire. Surtout, je conseille les personnes qui ne font pas de sport, qui détestent le sport ou qui n'en ont jamais fait, de redémarrer vraiment doucement, d'en parler avec le neurologue, le médecin rééducateur, et d'être orientées vers l’activité sportive adaptée, de reprendre en douceur jusqu'à une certaine autonomie.

Quel message souhaitez-vous faire passer ?

Il faut parler avec votre neurologue, avoir des connaissances sur la maladie. Moi, au début, j'avais des difficultés parce que je ne connaissais rien de ma maladie. Petit à petit, j'ai appris à la connaître. J'ai interrogé mon neurologue.

Et puis, il y a aussi les associations, comme l’ARSEP (Fondation pour l’Aide à la Recherche sur la Sclérose en Plaques) qui est sur les réseaux sociaux, notamment avec des vidéos de neurologues qui expliquent la fatigue, la sexualité, etc, quand on a une sclérose en plaques. Plus vous aurez d'informations, plus vous connaîtrez votre maladie, mieux vous allez la vivre. Et mieux vous vivrez votre maladie, plus vous aurez de projets et plus vous allez avancer. Il y a un rôle important de l'entourage, mais aussi des associations.

Pourquoi Docteur : Rappelons que notre ancienne para athlète en para natation n’en est pas à son coup d’essai puisqu’en fauteuil roulant (adapté bien sûr), elle a déjà gravi le mont Manaslu (un des sommets de l’Himalaya) en 2018, ainsi que l’Everest en 2019. Un vrai mental d’acier donc et une volonté hors norme mais tout cela peut se développer chez chacun d’entre nous.

Pour en savoir plus, découvrez l’interview dans notre émission « Questions aux experts » :

Et n’hésitez pas à naviguer sur internet pour découvrir tous ses exploits sur sa page facebook (et la suivre le long de son périple de novembre 2024), mais aussi dans diverses interviews de nos confrères, comme celle de Moselle Sport.