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"Des maux, un livre"

Sexualité : comment répondre aux questions des adolescents ?

Par Thierry Borsa

Dans son livre "Parler de sexe, comment informer nos ados"*, le Pr Israël Nisand, gynécologue et organisateur d'échanges avec des collégiens sur la sexualité, délivre les enseignements tirés de ces rencontres. Et place les médecins en première ligne sur ce sujet.

iStock/KatarzynaBialasiewicz
Auteur du livre "Parler sexe, comment informer nos ados", le Pr Nisand organise régulièrement des rencontres sur ce thème avec des collégiens.
Le rôle des médecins et notamment des pédiatres est essentiel pour l'information des adolescents sur la sexualité.
Avant 15 ans, 20% des adolescents ont eu leur première relation sexuelle.

C’est à coup sûr LE sujet le plus complexe à aborder avec les adolescents. Personne n’est à l’aise avec eux pour parler de leur sexualité. À commencer par les parents, en l’occurrence le plus souvent représentés par la mère sur ce thème. "On ne peut pas, adolescent, entendre en direct des informations sur la sexualité venues des parents, explique le Pr Israël Nisand, d’abord parce que cela lève le voile sur la propre sexualité des parents et surtout parce que ceux-ci sont là pour éduquer aux interdits et on ne peut pas dans le même temps enseigner les interdits et enseigner la licence !"

"Les médecins sont légitimes sur ce sujet de la sexualité"

Alors qui pour dialoguer et répondre aux questions que se posent les adolescents ? "Les pédiatres qui les reçoivent en consultation savent qu’il faut aborder les questions de sexualité mais ne sont pourtant pas toujours à l’aise", soulignait de son côté le Pr Chantal Stheneur, pédiatre, dans la revue Réalités Pédiatriques. "Les médecins n’ont pas cette formation durant leurs études mais ils sont légitimes sur ce sujet de la sexualité parce que les ados regardent toujours qui parle, d’où il parle et quelle est sa compétence", précise Israël Nisand.

Le rôle de ces médecins est d’autant plus important que l’information sur la sexualité des adolescents est aujourd’hui "polluée" par l’accès très facile aux images pornographiques. Et face à des questions motivées par les scènes qui leur sont accessibles, l’acte sexuel en lui-même semble être vu comme prioritaire face aux sentiments qui peuvent le susciter.

"Leurs questions sont très influencées par la pornographie"

Le porno, meilleur ennemi de l’amour romantique ? "Les jeunes sont tout aussi romantiques, rassure le Pr Nisand, tout aussi anxieux devant les changements de leur corps. En revanche, ils ont vu des choses qui les changent et leurs questions sont aujourd’hui très influencées par la pornographie. Dans mes échanges organisés avec des collégiens j’ai régulièrement des questions sur l’amour à plusieurs, sur la zoophilie, sur des pratiques sexuelles un peu bizarres et ils ont besoin de parler avec des adultes sur ce qu’ils ont vu parce que c’est souvent extrêmement violent, obscène, et ils ont l’impression d’avoir vu la réalité, qu’il faut faire comme ils ont vu dans le film."

"Le sexe dans nos sociétés est un objet de consommation de plus en plus dissocié de l’affect. Or, se fixer la jouissance comme impératif ne peut que mettre à mal des adolescents qui sont focalisés sur l’écoute de leurs sensations, tant et si bien qu’ils passent à côté de l’essentiel", confirme avec d’autres mots le Pr Stheneur.

"Réfléchir à la sexualité plutôt qu'aborder des connaissances scientifiques"

Comment dans ce contexte aborder la sexualité en apportant les vraies réponses ? "Le rôle du pédiatre est de faire réfléchir sur la sexualité plutôt qu’aborder des connaissances scientifiques, or le discours porte souvent sur la biologie, les cycles hormonaux ou des conseils apportant une solution comportementale, les questions de sens sont le plus souvent occultées", déplore Chantal Stheneur.

Mais avant de trouver les bons mots, encore faut-il identifier les vrais questionnements, quelle que soit la manière dont ils s’expriment. "Chez les garçons, la question centrale est comment donner libre cours à ses sentiments sans s’éloigner pour autant des pulsions et ils sont aussi préoccupés par l’apprentissage du corps féminin et l’acte sexuel", estime Le Pr Stheneur. Les filles, aspirent davantage, selon la pédiatre, à "expérimenter leur pouvoir de séduction et à engager une relation affective avant d’être sexuelle".

Placer ces échanges sous le signe de l'épanouissement affectif

Et dans tous les cas, les professionnels de santé se retrouvent pour placer ces échanges sur la sexualité avec les adolescents d’abord sous le signe de leur épanouissement affectif et relationnel. "Mais ce ne sont jamais des sujets fluides", souligne une maman dont les enfants arrivent à l’âge où les questions se posent. Alors que 20 % des jeunes ont aujourd’hui des relations sexuelles avant 15 ans et qu’à 18 ans ils sont 80 % à avoir vécu au moins une relation sexuelle, il apparait que les évolutions sociétales en ce domaine, si elles ont souvent libéré les actes, n’ont toujours pas facilité l’information sur la sexualité !

* "Parler sexe, comment informer nos ados", par le Pr Israël Nisand, directeur médical et universitaire à l'hôpital Américain de Paris. Editions Grasset.