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Alimentation

Les chasseurs-cueilleurs mangeaient plus de végétaux qu'on ne le pensait

Par Stanislas Deve

Des chercheurs ont mis en évidence la "proportion importante" de plantes dans le régime alimentaire préhistorique de chasseurs-cueilleurs datant de -15.000 ans en Afrique du Nord.

Goldi59 / istock
Alors qu’on a longtemps pensé que les chasseurs-cueilleurs se nourrissaient principalement de viande, une nouvelle étude révèle que leur régime alimentaire incluait en réalité une part importante de végétaux, et ce, plusieurs millénaires avant l’avènement de l’agriculture.
Des preuves isotopiques révèlent des pratiques alimentaires surprenantes des anciennes sociétés humaines au Maroc, avec une large proportion de glands, de pignons de pin, de céréales et de légumineuses sauvages.
"Nos travaux donnent non seulement un aperçu des pratiques alimentaires préagricoles, mais ils mettent également en évidence la complexité des stratégies de subsistance humaine dans différentes régions", selon les chercheurs.

Un nouvel éclairage sur les pratiques alimentaires des premières sociétés humaines. Alors qu’on a longtemps pensé que les chasseurs-cueilleurs se nourrissaient principalement de viande avant l’apparition de l’agriculture, une nouvelle étude, publiée dans la revue Nature Ecology & Evolution, suggère en réalité que leur régime alimentaire incluait déjà une part importante de végétaux.

Une part importante de plantes dans l’alimentation des chasseurs-cueilleurs

Pour parvenir à ces conclusions, les chercheurs de l'Institut Max-Planck d'anthropologie évolutionniste (Allemagne), de Géosciences Environnement Toulouse (France) et de l'Institut national des sciences de l'archéologie et du patrimoine (Maroc) ont examiné le régime alimentaire des chasseurs-cueilleurs de la culture dite ibéromaurusienne qui s’est développée dans l’actuel Maghreb à partir de -25.000 ans. Plus exactement, ils ont analysé les sépultures préhistoriques de la grotte de Taforalt, au Maroc.

En utilisant une approche multi-isotopique complète, y compris l'analyse des isotopes du zinc et du strontium dans l'analyse de l'émail dentaire, du carbone, de l'azote et du soufre dans le collagène, ainsi que l'analyse des acides aminés des restes humains et animaux, l’équipe internationale de scientifiques a découvert "des informations surprenantes sur les anciennes pratiques alimentaires datant de -15.000 ans", peut-on lire dans un communiqué.

Il apparaît en effet que le régime alimentaire de ces chasseurs-cueilleurs du Maroc comprenait "une proportion importante de plantes appartenant à des espèces méditerranéennes, avant l'avènement de l'agriculture dans la région". Au menu notamment, des glands de chêne, des pignons de pin, des céréales et des légumineuses sauvages, dont "les restes archéobotaniques" ont été trouvés sur le site. L’étude suggère également que les aliments végétaux ont été introduits dans les régimes des nourrissons, "servant probablement de produits de sevrage pour cette population".

Un aperçu des pratiques alimentaires préagricoles, plus complexes qu’on ne pensait

Ces résultats remettent en cause l’idée répandue d’une alimentation fortement basée sur les protéines animales dans les sociétés humaines préagricoles, tout en soulevant des questions sur le manque ou le retard de développement agricole en Afrique du Nord au début de l’Holocène (autour de -12.000 ans). "Nos travaux donnent non seulement un aperçu des pratiques alimentaires préagricoles, mais ils mettent également en évidence la complexité des stratégies de subsistance humaine dans différentes régions", expliquent les chercheurs. Un appauvrissement de la faune locale, par exemple, aurait pu pousser les populations à changer leurs habitudes et à consommer davantage de végétaux.

A noter que cette étude est la première à utiliser des isotopes de zinc conservés dans l'émail pour déterminer l’alimentation des sociétés de chasseurs-cueilleurs en Afrique du Nord, "une région clé pour l'étude de l'évolution humaine et de la dispersion humaine moderne". L’équipe de scientifiques prévoit maintenant d’aller explorer d'autres sites paléolithiques du Maghreb en utilisant les mêmes techniques multi-isotopiques, avec toujours le même objectif : mieux comprendre ces anciennes habitudes alimentaires et cette adaptabilité aux différents environnements.