La sonnerie de l’appel tant attendu a retenti lors d’une journée d’avril. “Entre le début de la procédure d’adoption et le jour où on a accueilli Théophile parmi nous, cela a mis deux ans”, me raconte Violaine encore émue de sa rencontre avec son fils. “L’idée d’accueillir un enfant trisomique à la maison est partie de moi, mais il est évident que si mon mari n’avait pas suivi, nous ne l’aurions pas fait. Il en va de même pour les quatre enfants que nous avions déjà, il y a eu beaucoup de discussions, de questionnements, mais au final, nous sommes arrivés tous alignés avec cette joie.”
Théophile est âgé de huit mois lorsqu’il rejoint sa famille adoptive. “Lors de notre première rencontre, il est très vite venu dans mes bras avec un grand sourire, c’était très mignon et très intense. Il respirait de façon extrêmement forte, on voyait qu’il était pris d’une grande émotion… Et finalement, il s’est endormi contre moi ! Entre nous, le lien s’est très vite créé.” Théophile devient immédiatement la “mascotte” des quatre aînés, très heureux d’avoir un nouveau petit frère à la maison, qui plus est un bébé à croquer.
Les personnes porteuses de trisomie 21 ont une intelligence du cœur et une spontanéité qui feraient du bien à notre société.
La trisomie 21 est une maladie génétique causée par une anomalie chromosomique : la présence d'un chromosome surnuméraire à la 21ème paire. Cela peut entraîner divers problèmes de santé : un retard du développement moteur, des troubles auditifs, des maladies cardiaques ou encore un dysfonctionnement de la thyroïde, et un système immunitaire plus faible. À ce titre, Théophile fut un nourrisson légèrement plus fragile que les autres : “Il a eu plusieurs pneumopathies et il a été hospitalisé deux fois. Il a également fait deux fois la varicelle, avec une infection épouvantable qui a dégénéré la première fois, mais les antibiotiques ont permis d’éviter l’hospitalisation. Il a aussi eu la scarlatine, avec une fièvre très impressionnante ! Mais de toute façon, avoir un enfant c’est toujours une aventure, qu’il soit trisomique ou pas trisomique… On peut avoir des difficultés avec des enfants qui ne sont pas porteurs de handicap. D’ailleurs depuis, il est rarement malade.”
Au rythme des séances d’orthophonie, de psychomotricité et de kinésithérapie, Théophile grandit, et entame une scolarité dans une école maternelle classique. “Il avait une AESH [une accompagnante d'élèves en situation de handicap, ndlr] en maternelle. Il y était heureux et très inclus. En petite section, il était même le psy de la classe : quand un enfant était mal, Théophile allait toujours le voir, ce qui permettait à la maîtresse de savoir qui n’allait pas bien grâce à lui. Les personnes porteuses de trisomie 21 ont une intelligence du cœur et une spontanéité qui feraient du bien à notre société.” Théophile est également une source de rencontres pour la famille. “Il a un petit humour à lui, sans filtre, qui lui permet d’ouvrir des portes et de faire des rencontres improbables ! Dans notre quartier il est connu comme le loup blanc, il a son petit charme à lui.” L’humour est également un levier éducatif indispensable pour le couple parental. “On a une parole très vraie à la maison, avec de l’humour noir de temps en temps… Ici il n’y a aucun tabou, les choses sont très posées.”
Il faut montrer patte blanche pour tout, mais j’utilise la théorie des petits pas et on finit toujours pas y arriver ! Aujourd’hui, il fait du tennis, du vélo et de la natation, ce qui est assez rare pour un enfant trisomique.
Actuellement, Théophile a 9 ans et fait des séances d’ergothérapie depuis le CE1. Il est scolarisé dans une classe ULIS (unités localisées pour l’inclusion scolaire). “Il est très heureux avec sept autres enfants dans sa classe, trisomiques ou présentant d’autres formes de déficience intellectuelle. Pour certaines matières, il va en inclusion dans la même classe d’âge correspondante ou un peu en dessous. Aujourd’hui il sait lire donc on est très content, mais c’est vrai que l’écart se creuse avec les autres enfants de son âge. Physiquement il est plus petit, et intellectuellement il a plus de mal à s’exprimer et son attention est plus courte. Il a aussi besoin d’un temps de latence pour répondre : typiquement, quand on lui demande si sa journée s’est bien passée, il nous dit ‘non’, puis dans un deuxième temps je repose la question, et c’est là qu’il va me raconter sa journée. Cela nous apporte beaucoup dans notre foyer, car même si c’est parfois très agaçant, il nous oblige à ralentir ! On a développé plus de patience, on est devenu de meilleures personnes.”
Si la mère de famille regrette une chose, c’est la lourdeur administrative qui s’ajoute aux nombreux rendez-vous thérapeutiques de son fils. “Cela demande beaucoup d’organisation.” Les accès aux activités sportives ne sont pas non plus aisés. “Il faut montrer patte blanche pour tout, mais j’utilise la théorie des petits pas et on finit toujours pas y arriver ! Aujourd’hui, il fait du tennis, du vélo et de la natation, ce qui est assez rare pour un enfant trisomique.”
Côté santé, le jeune garçon est suivi à l’Institut Jérôme Lejeune, un centre de soin et de recherche de référence en France et en Europe pour la trisomie 21 et les autres déficiences intellectuelles d’origine génétique. “Ce centre est très précieux pour nous car on a tout un panel de médecins, de personnels médicaux spécialisés sur cette maladie qui nous accompagnent et nous orientent. On y passe une heure et demie chaque année (deux fois quand il était plus petit), et c’est très rassurant car les spécialistes font le point sur toute sa santé et son évolution. C’est une prise en charge globale car on parle aussi de scolarité, des activités extérieures, etc. Cela nous permet de ne pas passer à côté de certaines difficultés.”
On veut lui donner toutes les chances pour qu’il accède à une activité professionnelle, un métier dans lequel il puisse s’épanouir, et qu’il ait également le maximum d’autonomie qu’il sera capable d’avoir.
Après plusieurs années d’enseignement comme professeur d’anglais, puis une reconversion dans les ressources humaines, Violaine a d’ailleurs décidé de rejoindre cette équipe, en devenant responsable du réseau et des événements à la Fondation Jérôme Lejeune. “J’organise des événements comme notre participation à la Course des Héros, qui aura lieu à Saint-Cloud le 16 juin prochain. Ce type de rencontre sportive permet de créer des lieux d’inclusion et de récolter des fonds pour la recherche. On organise aussi des rencontres entre les familles qui peuvent s’échanger des “bonnes pratiques”, des soirées festives où les personnes avec handicap sont rois et reines de la soirée « Night to Shine », ou encore des temps pour que les parents puissent souffler aussi.”
Quand je demande à la maman ce qu’elle espère pour l’avenir de son fils, elle me répond sans hésiter “qu’il soit heureux et épanoui”, comme pour ses autres enfants. “Ce qui nous intéresse, c’est de l’aider à progresser au maximum, que ce soit dans le milieu scolaire ou le milieu sportif. On veut lui donner toutes les chances pour qu’il accède à une activité professionnelle, un métier dans lequel il puisse s’épanouir, et qu’il ait également le maximum d’autonomie qu’il sera capable d’avoir.”