Le monopole des pharmaciens sur les médicaments va-t-il tomber ? C'est en tout cas ce que souhaite l'Autorité de la concurrence qui prend à nouveau position ce jeudi pour que les médicaments sans ordonnance soient vendus en grande surface. Après consultation de l'ensemble des acteurs du secteur (laboratoires, pharmaciens, médecins...), l'autorité réitère sa position déjà connue dans un avis officiel rendu public. Le but de la mesure, faire baisser le prix des médicaments.
Ouvrir le monopole aux grandes surfaces
Pour expliquer son choix, l'Autorité de la concurrence relève que « l'intensité de la concurrence entre officines est relativement faible comme en témoignent les très forts écarts de prix (de 1 à 4) pratiquésdans les pharrmacies sur les médicaments non remboursables. Cette situation est défavorable aux consommateurs, et ce d'autant plus qu'elle s'accompagne d'un manque d'information et de publicité sur les prix, qui les empêchent d'établir des comparaisons. »
Pour cette raison, l'Autorité demeure favorable, à l'issue de sa consultation publique, à la vente des médicaments d'automédication et de certains produits « frontières » (comme par exemple les tests de grossesse, produits d'entretien pour lentilles de contact) en parapharmacie ou en grandes surfaces, en plus des pharmacies. L'Autorité est convaincue, au regard d'exemples étrangers, que ces formes de commerce pourront offrir des avantages aux consommateurs en termes de services ou de prix.
La fin du monopole ferait baisser les prix
Pour preuve, l'Autorité fait mention d'une étude italienne sur l'impact de la généralisation de la distribution des médicaments d'automédication. Cette dernière montre en effet qu'elle a eu des répercussions favorables sur les prix sans pour autant remettre en cause la pérennité économique des pharmacies. En 2008, selon l'autorité italienne de la concurrence, la diminution moyenne du prix public TTC observée dans les supermarchés italiens (comparé au prix fabricant HT maximum) était de 25 % (baisses entre 20 % et 30-35 %).
Autre enquête, mais toujours dans le même sens, celle publiée en mars 2012 par l’UFC-Que choisir. Pour la facture du consommateur, l'Union estimait que l’économie pourrait atteindre 16 % sur leurs dépenses de médicaments non remboursables.
Un encadrement strict de la vente en grandes surfaces
Cependant, l'Autorité plaide pour encadrer par des règles strictes ce commerce des médicaments en dehors de pharmacies. Ainsi, pour garantir la qualité et la sécurité de la vente du médicament, la présence d'un pharmacien diplômé au sein de l'établissement serait obligatoire. De plus, l'établissement aurait l'obligation de créér un espace de vente dédié fournissant la délivrance d'un conseil médical. « Ces mesures permettront de garantir que les médicaments ne seront pas banalisés dans les nouveaux points de vente », précise l'Autorité.
Par ailleurs, pour compenser cette éventuelle perte de revenus, l'Autorité propose de renforcer le rôle des pharmaciens, en rémunérant ses nouvelles missions sur un mode forfaitaire (conseil, suivi des patients pour des pathologies chroniques comme le diabète...). En outre, ces derniers sont aussi encouragés à se lancer dans la vente de médicaments en ligne et dans le commerce de nouveaux produits para-médicaux au sein de leur officine.
La publicité ouverte aux pharmaciens
Enfin, dernière proposition, l'assouplissement des règles publicitaires auxquelles les pharmaciens sont soumis, jugées « obsolètes » par le rapport. « A l'heure où la vente sur Internet des médicaments d'automédication permet de comparer facilement leur prix, il paraît absurde qu'une officine n'ait pas le droit de faire valoir ses propres promotions en dehors de l'officine, juge M. Lasserre, président de l'Autorité dans Le Monde. Même si elles ne vendent pas des produits comme les autres, il ne faut pas oublier que les pharmacies sont aussi des commerces. », rappelle-t-il. Un commerce bien juteux ! En 2012, l'automédication était l'un des rares marchés à tirer son épingle du jeu dans un marché du médicament en léger recul. Son chiffre d'affaires global s'élevait à plus de 2 milliards d'euros en 2012.