"Tout a commencé durant l’année du baccalauréat. J’étais très stressée et épuisée. J’avais envie d’aller à la selle 5 à 6 fois par jour, puis c’est passé à 10, voire même 20 fois, par jour et la nuit. Parfois, il s’agissait de fausses envies de selles. Au bout d’un certain temps, j’ai commencé à avoir du sang dans mes selles. J’avais également de grosses douleurs abdominales. Au lycée, il m’est déjà arrivé de devoir arrêter de marcher, car j’avais envie de me faire dessus. C’était une période très compliquée, car je n’arrivais plus à dormir", raconte Tess, créatrice de contenu sur les réseaux sociaux.
Coloscopie : "C’était traumatisant, car j’avais l’impression d’être mise à nu"
Face à ces symptômes inquiétants, sa mère décide de lui prendre un rendez-vous avec le médecin généraliste de la famille. "Lors de la consultation, il m’a fait un toucher rectal (un examen lors duquel le professionnel insère un doigt dans le rectum pour identifier des problèmes ou des anomalies dans la partie inférieure de l'abdomen et le bassin). Après m’avoir ausculté, mon docteur m’a orienté vers un gastro-entérologue. J’ai fait une coloscopie (qui consiste, grâce à un endoscope souple, à observer l’intérieur d’une partie des intestins). C’était traumatisant, car j’avais l’impression d’être mise à nu et que tout le monde avait accès à mon intimité", déclare la jeune femme qui avait fait des études pour devenir professeure d’anglais.
Après cet examen, le verdict tombe : elle souffre d’une rectocolite hémorragique, dont est atteint une personne sur 1.000 en France. "J’avais 17 ans lorsque l’on m’a diagnostiqué cette maladie inflammatoire chronique intestinale (MICI). Je n’en avais jamais entendu parler. À la suite d’explications des professionnels de santé et de recherches, j’ai compris que c’était une pathologie auto-immune qui se traduit par une inflammation récurrente des intestins, du côlon et du rectum. À ce jour, les mécanismes de l’apparition de la rectocolite hémorragique ne sont pas encore bien compris, car il y a peu de recherches sur cette affection. Cependant, on sait qu’elle peut toucher n’importe qui et survenir à tout moment, notamment après une grosse période de stress et/ou de fatigue."
Rectocolite hémorragique : "Quand j’étais petite, j’ai failli devenir aveugle"
Tess, aujourd’hui âgée de 24 ans, explique que cette maladie se caractérise par une alternance de phases d'activité, appelées "poussées", d'intensité et de durée variables, et de phases sans symptôme dites de rémission. "Quand j’ai reçu le diagnostic, j’ai fait comme si cette pathologie n’existait pas. Je ne faisais donc pas forcément attention à ce que je mangeais, et je me demandais combien de temps j’allais être tranquille, car je savais qu’à chaque fois, j’allais finir par avoir une crise. J’étais donc souvent absente en cours et lorsque j’étais au lycée, je me forçais à vivre une vie 'normale', mais c’était compliqué car je devais souvent aller aux toilettes et étant donné que c’est un sujet tabou, c’était difficile d’en parler à mes amis", se souvient-elle.
En 2021, la vingtenaire fait une "grosse crise" et réalise à quel point cette affection est handicapante au quotidien. Pourtant, "on en entend très peu parler. Je me sentais très seule. J’ai donc décidé de briser le tabou autour de la rectocolite hémorragique, qui est souvent confondue avec la maladie de Crohn, en publiant des vidéos sur les réseaux sociaux. Dans ces dernières, j’évoque les symptômes et les conséquences de la pathologie." Chez Tess, la rectocolite hémorragique se manifeste par des diarrhées sanglantes et des glaires, de fortes douleurs abdominales et rectales, une fatigue chronique. "Mon ventre est aussi souvent gonflé et ma peau est dure. Quand j’étais petite, j’ai souffert d’une uvéite (soit une inflammation de l'uvée). J’ai failli devenir aveugle. On a découvert plus tard que c’était lié à cette maladie auto-immune. Ce trouble oculaire est rare, plus précisément il touche 0,4 % des malades."
Lors des sorties entre amis, "je vérifie toujours s’il y a des toilettes à proximité"
Au fil des années, la créatrice de contenu a pris conscience des répercussions sociales de cette pathologie invisible. "Je passe des heures aux toilettes et je suis tout le temps épuisée, je n’ai donc pas tout le temps la force de sortir. Lorsque je veux voir mes amis, il faut que je vérifie toujours s’il y a des toilettes à proximité de l’endroit où on va se rejoindre. Au restaurant, je dois faire attention aux aliments que je consomme. Car oui, je ne peux plus boire du café, consommer du lait de vache ou encore des produits contenant du gluten. L’alcool, c’est fini aussi ! Mais, j’essaye tout de même de me faire plaisir. À 24 ans, je n’ai pas envie de suivre un régime sans résidu, composé de viandes blanches, patates cuites à l’eau, des biscottes, des poissons", indique celle dont la rectocolite hémorragique a été reconnue comme un handicap.
Actuellement, la patiente, qui est suivie par le "quatrième gastro-entérologue" qu’elle a consulté, considère qu’elle a une "vie classique", car elle n’a pas un cas grave. "Je suis un traitement qui permet de mettre ma maladie en veille. Je me pique au niveau de la cuisse, enfin plutôt je m’injecte une dose de 40 mg d’Yuflyma, un immunosuppresseur, tous les 14 jours. Je trouve que ça va comparé à une amie, par exemple, qui a subi une stomie. Il y a d’autres gens aussi qui finissent à l’hôpital… Bien que ce ne soit pas une pathologie dont on meurt, il ne faut pas la prendre à la légère. Et non, contrairement à ce que les gens pensent, ce n’est pas juste une grosse gastro-entérite ! On existe, nous les patients touchés par la rectocolite hémorragique, on n’est pas tout seul et on ne doit pas avoir honte de parler de notre maladie !"