Et si les micro-organismes présents dans nos intestins influençaient notre comportement social-affectif ? C’est ce qu’a suggéré une étude dont les résultats ont été publiés dans la revue PNAS Nexus. Dans le cadre de ces travaux, des scientifiques de l’Hôpital de la Pitié Salpêtrière (France) et de l’université de Bonn (Allemagne) ont voulu savoir si la modification de la composition du microbiote intestinal pouvait influencer la prise de décision sociale, en particulier dans les situations où les personnes doivent choisir entre l'intérêt personnel et la "punition altruiste", c’est-à-dire s'il faut laisser passer l'injustice ou sacrifier son gain personnel pour donner une leçon à l'auteur de l'infraction.
Une plus grande sensibilité aux considérations sociales après la prise pro- et de prébiotiques
Pour mener à bien leurs travaux, les chercheurs ont recruté 101 hommes en bonne santé. La moitié du groupe a reçu des pro- et des prébiotiques (une combinaison de Lactobacillus et de Bifidobacterium) pendant sept semaines. Le reste des volontaires ont pris des placebo. Avant et après la prise des compléments, les participants ont été invités à jouer au "jeu de l'ultimatum". Dans ce dernier, un joueur reçoit une somme d'argent et doit décider comment la partager avec un second joueur. Le problème ? Si le répondant rejette l'offre, aucun des deux joueurs ne reçoit quoi que ce soit. Ici, le rejet d'une offre injuste est interprété comme une "punition altruiste", puisque le joueur qui rejette l'offre sacrifie la petite part qui lui est offerte pour punir le premier joueur de son manque de générosité.
Selon les résultats, les personnes qui avaient pris des pro- et des prébiotiques étaient plus enclins à rejeter les offres. En clairs, les volontaires, dont la composition du microbiote intestinal a été modifiée pour atteindre un état considéré comme plus sain, sont devenus moins rationnels et plus sensibles aux considérations sociales. Le groupe ayant reçu un placebo n'a pas montré un tel changement. "Cette modification dans la prise de décision sociale était liée à des changements dans les niveaux plasmatiques à jeun du précurseur de la dopamine, la tyrosine, proposant un lien mécanique potentiel le long de l'axe intestin-microbiote-cerveau-comportement", peut-on lire dans l’étude.
Microbiote intestinal : des résultats à confirmer chez d'autres groupes démographiques
Dans les conclusions, les auteurs ont indiqué que cette recherche s’était concentrée sur une population spécifique et sur un scénario social particulier. Des travaux supplémentaires sont ainsi nécessaires pour déterminer si ces résultats s'appliquent à d'autres groupes démographiques et à d'autres situations réelles.