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Témoignage patient

Endométriose : « Parmi les 21 médecins consultés, pas un seul n'avait évoqué ce terme »

Par Youssra Khoummam

Laura Lequeu a 25 ans et a fondé la première association belge experte en endométriose « Toi Mon Endo », victime elle-même de cette maladie.

Laura lequel fondatrice de l'association belge Toi Mon Endo/ Salomé Quaghebeur
L'association belge experte en endométriose a pour objectifs de "visibiliser, sensibiliser, rassembler et plaider autour de l'endométriose".
Le Collège Royal des Gynécologues Obstétriciens de Langue Française en Belgique est l'un des partenaires.
Pour rappel, l'endométriose touche 1 femme sur 10 dans le monde.

Son parcours a commencé tôt et de manière assez claire. Comme si sa destinée était toute tracée.

Le calvaire commence à l’aube de ses 13 ans. Entre cascades d’eau et beaux paysages, entourée de ses parents, en vacances, une douleur atroce survient, insoutenable pour Laura au point que son père ait dû la porter jusqu’au véhicule familial. Une coulée de sang… Les premières règles !

« Au début on se dit que c’est normal d’avoir mal, que c’est juste le corps qui se met en route », voulait se rassurer la jeune femme. Sauf que rapidement elle consulte le gynécologue de sa mère, puis un second, un troisième… au total 21 professionnels de santé en lien avec l’endométriose (gynécologues, gastro-entérologues…) ont été consultés de ses 13 ans à ses 19 ans. Tentant de comprendre ses douleurs qui l’emmenaient régulièrement aux urgences : « Tous me disait que c’était tout à fait normal, que j’étais sûrement trop douillette. On m’a même dit une fois que si j’avais mal pendant mes rapports sexuels c’est certainement parce que je n’aimais pas assez mon copain et que c’était mon corps qui essayait de me le faire comprendre. »

Elle était tristement connue pour être la fille qui à chaque période de règles, s’évanouissait, quittait les cours, restait clouée au lit comparativement à ses camarades qui, elles, ne souffraient pas autant. Elle se met donc à se documenter sur internet en tapant ses symptômes sur les moteurs de recherche : « C’est là que j’ai découvert le mot endométriose. Parmi les 21 médecins consultés, pas un seul n'avait évoqué ce terme. Je me rappellerai toute ma vie à quel point j'ai été heureuse de trouver une maladie qui correspondait trait pour trait à tous mes symptômes, ce qui est paradoxal, mais je n’en pouvais plus de ne pas comprendre d’où venaient mes douleurs chroniques. » 

« Finalement l’endométriose change toute la vie sociale, elle chamboule vraiment la vie… »

Malheureusement, comme près de 80 % des femmes ayant une forme superficielle de l'endométriose, ses examens d’imageries n’ont rien démontré. La douche froide. Son médecin lui prescrit de la kinésithérapie périnéale afin d’être soulagée : « Typiquement quand tous mes potes de l’université allaient boire des verres après les cours moi j’allais faire de la kiné périnéale… Finalement l’endométriose change toute la vie sociale, elle chamboule vraiment la vie… Et à ce stade je n’avais toujours pas de diagnostic, la kiné m’était prescrite pour me « soulager », ce qui n’avait d’ailleurs rien changé. Je me sentais juste encore plus perdue dans l’errance de diagnostic », confie Laura.

7 ans de souffrance. 7 ans d’errance. 7 ans de désespoir. Les douleurs de règles sont évoquées sans oublier que la fondatrice de l’association Toi Mon Endo avait d’autres troubles associées : troubles digestifs, troubles urinaires, des douleurs pendant les rapports également.

« Lors de mes crises j’avais une sensation de coup de poignard à en avoir des frissons, des crises d’une grande intensité qui se finissaient en diarrhée… dit-elle avant de raconter une anecdote. Mes professeurs savaient que j’allais m’évanouir pendant ma période de règles et pensaient que je faisais cela pour louper les cours. Donc ils avaient anticipé en me donnant un cahier de punition mensuel. C’était ultra violent. Aucun professeur ne m’a jamais soutenue. Je faisais de la natation, et pareil, je ne pouvais pas assister aux cours, d'autant que c’était abondant, douloureux. À force, j'ai développé de l’anxiété à l’arrivée de mes règles, et ce pendant 7 années. »

« Je n’étais plus ‘Laura la folle qui exagère pendant ses règles’ »

À 19 ans, elle accepte une chirurgie exploratrice, une laparoscopie : « À mon réveil, le médecin est venu me voir et m’a dit 'Laura vous avez bien fait, vous êtes atteinte d’endométriose'. J’ai pleuré de joie, de soulagement. Je n’étais plus ‘Laura la folle qui exagère pendant ses règles’. »

Verdict : une endométriose superficielle, qui avec le temps, deviendra très infiltrante, très agressive et de stade 4.

A la suite du diagnostic, elle a tant bien que mal essayé de sensibiliser ses amis, ses camarades, à l’endométriose, mais elle s’est vite rendue à l’évidence : personne ne connaissait la maladie : « Si les professeurs réagissaient de cette façon c’est sûrement parce qu’ils n’avaient aucune connaissance. » Plus grave encore, selon elle, c’est le manque de contenu de la part du gouvernement belge : « Même le site du gouvernement, encore à ce jour, n’a pas de page dédiée à l’endométriose. »

Étant étudiante en sciences politiques, elle s’est questionnée sur la manière dont elle pouvait faire bouger les lignes. Et pourquoi ne pas créer une association ?

« 100% des commentaires étaient ceux de femmes, des jeunes femmes atteintes de la maladie ou ayant les mêmes symptômes »

« J’ai commencé pendant le confinement, sur Youtube et 100 % des commentaires étaient ceux de femmes, des jeunes femmes atteintes de la maladie ou ayant les mêmes symptômes. Puis s’en est suivi Instagram, là où la parole s’est libérée plus librement, avec un gros engagement, une forte communauté. Très rapidement j’ai pu mettre un cadre légal et recevoir des subventions et surtout me faire entendre grâce aux réseaux sociaux. »

D’intérêt de santé publique, Toi Mon Endo se veut référente et experte en endométriose. Une association proche de sa communauté, optimiste, friendly mais surtout bienveillante et éducatrice : « J’ai sollicité la presse, les politiques, les médias et le gouvernement belge. Je suis d’ailleurs souvent en débat avec des politiques » qui sont parfois pour, parfois contre. Tout l’enjeu de l’association est dans la reconnaissance de la maladie comme étant une maladie au même titre qu’un cancer.

« Maintenant, je sensibilise dans les écoles par le biais de Toi mon Endo, on propose des ateliers, on crée des brochures comme la dernière récemment faite avec le Collège Royal des Gynécologues de Belgique sur le diagnostic, on participe à des évènements, à des avant-premières… Mais ce qu'on fait principalement, c'est du lobbying politique et médiatique ! »

Utopique, mais pas impossible, le plus grand souhait de Laura Lequeu serait un traitement pour guérir de cette maladie.