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Cancer du poumon : pourquoi le traitement ne fonctionne pas sur certains patients ?

Par Sophie Raffin

Des chercheurs de l’University College of London ont découvert la raison pour laquelle le traitement ciblant le cancer du poumon non à petites cellules ne fonctionne pas sur certains patients, notamment les non-fumeurs.

utah778/istock
Une étude révèle que les cellules cancéreuses du poumon présentant deux mutations génétiques particulières sont plus susceptibles de doubler leur génome.
Ce qui conduit les tumeurs à résister au traitement et à y développer une résistance.
Les scientifiques cherchent déjà à développer un test de diagnostic commun pour repérer les mutations de l'EGFR et de p53.

Le cancer du poumon non à petites cellules (CPNPC) représente plus de 8 tumeurs pulmonaires malignes sur 10. Le taux de survie varie en fonction de l’avancement de la maladie lors de son diagnostic. L’un des traitements du CPNPC consiste à cibler la mutation EGFR, connue pour être un facteur de risque. S’ils sont efficaces sur certains patients, les médicaments ne fonctionnent pas sur d’autres, en particulier ceux présentant une mutation supplémentaire du gène p53 (qui joue un rôle dans la suppression des tumeurs) et ceux n’ayant jamais fumé.

Les chercheurs du Cancer Institute et du Francis Crick Institute de l’University College of London ont voulu comprendre l’origine de ces différences de pronostic avec ce type de cancer du poumon.

Cancer du poumon : les mutations EGFR et p53 réduisent la survie

Pour étudier pourquoi certains cancers du poumon non à petites cellules résistaient aux traitements, l’équipe a repris une étude menée sur les inhibiteurs de l’EGFR. Les participants présentaient soit uniquement la mutation EGFR, soit cette dernière et celle du p53 en plus. En analysant les scans des tumeurs, les chercheurs ont confirmé que chez les patients présentant seulement la mutation EGFR, toutes les tumeurs diminuaient en réponse au traitement. Mais pour ceux avec les deux mutations, si certaines tumeurs rétrécissaient, d’autres s’étaient développées. Ce qui témoigne d’une résistance aux médicaments. 

Dans un deuxième temps, les chercheurs ont étudié des souris porteuses des mutations EGFR et p53. Ils ont découvert que dans les tumeurs résistantes, un plus grand nombre de cellules cancéreuses avaient doublé leur génome. Elles avaient ainsi des copies supplémentaires de tous leurs chromosomes.

Les scientifiques ont ensuite exposé les cellules cancéreuses du poumon – certaines avec une seule mutation de l’EGFR et d’autres avec les deux – à un inhibiteur de l’EGFR. Ils ont constaté que dans les cinq semaines après l'administration du médicament, un pourcentage significativement plus élevé de cellules, présentant à la fois la double mutation et le double génome, s’étaient multipliées en nouvelles cellules résistantes aux médicaments.

"Nous avons montré pourquoi avoir une mutation p53 est associée à une survie moindre chez les patients atteints d'un cancer du poumon non lié au tabagisme. C’est la combinaison de mutations EGFR et p53 qui favorise le doublement du génome. Cela augmente le risque de développement de cellules résistantes aux médicaments en raison d’une instabilité chromosomique", explique le professeur Charles Swanton de l'UCL Cancer Institute et du Francis Crick Institute dans un communiqué.

Cancer du poumon non à petites cellules : dépister les deux mutations

Face à leur découverte présentée dans la revue Nature Communications le 13 juin 2024, les chercheurs britanniques estiment qu’il serait intéressant de dépister les patients atteints d'un cancer du poumon non à petites cellules ayant les mutations EGFR et p53. Ils travaillent ainsi sur le développement d’un test de diagnostic commun pour les deux mutations.

"Une fois que nous pourrons identifier les patients ayant à la fois des mutations EGFR et p53, dont les tumeurs présentent un doublement du génome entier, nous pourrons alors traiter ces patients de manière plus sélective. Cela pourrait signifier un suivi plus intensif, une radiothérapie précoce ou une ablation pour cibler les tumeurs résistantes, ou l’utilisation précoce de combinaisons d’inhibiteurs de l’EGFR, comme l’osimertinib, avec d’autres médicaments, notamment la chimiothérapie", explique le Dr Crispin Hiley de l'UCL Cancer Institute.