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Semaine de sensibilisation à la SLA

SLA : “il n’y a ni restriction alimentaire à mettre en place, ni aliment miracle !”

Par Alexandra Wargny Drieghe

À l’occasion de notre semaine de sensibilisation à la sclérose latérale amyotrophique, Pourquoi Docteur a interrogé le Pr Pierre Jésus, professeur de nutrition et responsable de l’unité de nutrition au CHU de Limoges, sur l’importance de l’alimentation pour ces malades.

julief514/Istock

Pourquoi Docteur : Pourquoi les personnes atteintes de la sclérose latérale amyotrophique doivent-elles faire particulièrement attention à leur alimentation ?

Pr Pierre Jésus : La SLA est une pathologie neurodégénérative qui entraîne une perte de la masse musculaire, donc si le patient perd en plus du poids parce qu’il ne mange pas assez, la maladie peut s’aggraver, augmentant les risques de décéder. Par ailleurs, environ 50 % de ces patients développent un hypermétabolisme, c’est-à-dire qu’ils dépensent beaucoup plus d’énergie qu’auparavant. Pour eux, il faut généralement adapter les apports alimentaires en les augmentant.

Et pourtant, certains patients peuvent, au contraire, avoir tendance à diminuer leurs apports alimentaires…

En effet, la sclérose latérale amyotrophique est une maladie du motoneurone, ce qui signifie qu’elle peut entraîner des troubles de la déglutition. Ils peuvent d’ailleurs être présents dès l’apparition de la pathologie en cas de forme à début bulbaire. Ces difficultés à avaler peuvent entraîner des risques de fausse route, mettant le patient dans une situation de stress au moment du repas. De plus, l’insuffisance respiratoire apparaissant progressivement est elle aussi responsable d’une diminution des apports alimentaires. Une hypersalivation ou à l’inverse, une hyposialie, peuvent également être sources de complications pour la prise alimentaire. Enfin, l’impact psychique de la maladie ou les troubles du transit (constipation) sont également des facteurs favorisant une perte d’appétit chez certains patients.

Aujourd’hui, nous savons que ce qui permet vraiment de ralentir l’évolution de la maladie, c’est de maintenir un poids stable.

Jeûne intermittent, régime cétogène… Existe-t-il un type d’alimentation idéal lorsque l’on est atteint de la SLA ?

Aucun de ces régimes n’a montré un bénéfice clinique particulier. Aujourd’hui, nous savons que ce qui permet vraiment de ralentir l’évolution de la maladie, c’est de maintenir un poids stable. S’il y a une perte de poids, nous pouvons recommander à la personne de manger un peu plus en enrichissant son alimentation. Mais en dehors de cela, il n’y a ni restriction alimentaire à mettre en place, ni aliment miracle !

Quelles sont les recommandations pour les patients à risque de dénutrition ?

D’abord, nous recherchons la cause : est-ce un problème lié à l’hypermétabolisme ? Aux difficultés de déglutition ? À la salivation ? Au psychisme ? En fonction, nous pouvons conseiller d’adapter la texture des aliments et des boissons, d’enrichir les plats en sources de protéines (animales ou végétales), de fractionner les repas avec plus de collations, de manger un encas la nuit si la personne se lève et qu’il n’y a pas de risque de fausse route, etc.

Sauf en cas de carence prouvée, nous ne proposons pas systématiquement de supplémentation.

Dans quels cas prescrivez-vous des compléments alimentaires oraux ?

Nous prescrivons des compléments alimentaires oraux remboursés uniquement aux patients qui n’arrivent pas à augmenter eux-mêmes leurs apports. Ce sont des mélanges enrichis qui proposent un profil nutritionnel complet, sous forme de boissons, jus de fruits, crèmes dessert, etc. Les patients doivent les prendre en collation, en plus des repas, à 10 heures ou 16 heures par exemple.

Et concernant les vitamines ?

Sauf en cas de carence prouvée, nous ne proposons pas systématiquement de supplémentation.

Une étude, sortie l’année dernière dans la revue Neurology, suggère que la consommation d’acides gras oméga-3 contribuerait à ralentir la progression de la SLA. Les patients devraient-ils consommer des suppléments ?

Il s’agit plus précisément des taux sanguins circulants en Acide Alpha-Linolénique (ALA) qui seraient associés au ralentissement de la progression de la maladie. À Limoges, nous ne prescrivons pas d’acides gras oméga-3 en supplémentation. Les patients peuvent retrouver ces acides gras oméga-3, dans les poissons gras, et particulièrement l’ALA dans l’huile de colza, l’huile de noix, etc.

À quel moment la question du recours à la nutrition artificielle se pose-t-elle ?

Certains patients souhaitent garder une alimentation par la bouche le plus longtemps possible. Dans ce cas, nous testons au maximum l’adaptation des textures, les compléments alimentaires oraux, etc. Et finalement, quand nous constatons une perte de poids importante, autour de 10 % du poids de base, et que cette perte se poursuit malgré l’enrichissement de l’alimentation, ou en présence de fausse route importante avec inhalation et infection pulmonaire, nous envisageons la mise en place d’une nutrition artificielle à l’aide d’une sonde de gastrostomie qui passe à travers la peau et va jusqu’à l’estomac pour nourrir la personne. Cette solution peut également être envisagée plus tôt, en cas d’insuffisance respiratoire, et de préférence avant la mise en place de la ventilation artificielle.