Son témoignage vous avait bouleversé. Début février 2024, je rencontrais Loïc Résibois pour la première fois. Atteint de sclérose latérale amyotrophique, pathologie mieux connue du grand public sous le nom de maladie de Charcot, il s’était confié sur son quotidien depuis son diagnostic tombé en septembre 2022. Si sa maladie ne cesse de progresser, son combat pour la fin de vie reste indéfectible.
Quatre mois se sont écoulés depuis notre rencontre, comment allez-vous Loïc ?
La maladie continue de me paralyser un peu plus. Si je pouvais encore faire 3-4 pas il y a quatre mois, je n’en suis plus du tout capable aujourd'hui. Et surtout, comme si cela n’était pas suffisant, la maladie s’est attaquée à mon élocution. Mon souffle est insuffisant pour que je puisse parler normalement. C’est cela qui est terrible dans la maladie de Charcot : vous savez que ce que vous traversez est hyper difficile, mais vous savez aussi que ce qui vous attend va être encore pire.
Êtes-vous aujourd’hui contraint d’utiliser une assistance ventilatoire ?
J’ai une ventilation non invasive, mais chaque fois que je l’utilise, elle me provoque de nombreux désagréments : cela fait gonfler mon estomac et m’enlève le sentiment de satiété, j'ai aussi eu des soucis d’encombrement aux poumons… donc je ne l’utilise pas beaucoup, même si je devrais peut-être le faire plus souvent.
Concernant l’alimentation, vous arrivez encore à manger de tout ?
Pour l’instant, cela va encore : j’arrive à manger toutes les textures à peu près normalement, en faisant évidemment attention à bien mâcher.
Cela faisait des mois que l’on attendait la présentation de ce projet de loi et on avait l’impression de voir un peu le bout du tunnel…
Vous qui êtes très impliqué dans le projet de loi sur la fin de vie, comment avez-vous réagi face à l’annonce du Président de la République de dissoudre l’Assemblée nationale ?
À peu près deux minutes avant, quand le Président a dit qu’il fallait prendre des mesures “à la hauteur” des Français, j’ai dit à ma femme “il ne va pas quand même pas dissoudre l’Assemblée nationale”. Et finalement, c’est exactement ce qu’il a annoncé. Donc j’ai été écœuré. D’autant plus écœuré que, si ce que dit Le Monde est exact, cette situation a l’air de le faire beaucoup rire. Il semblerait en effet qu’un chef d’entreprise lui ait demandé le lendemain de la dissolution “Ça va, pas trop dures, ces journées ?”, et il aurait répondu “Mais pas du tout ! Je prépare ça depuis des semaines, et je suis ravi. Je leur ai balancé ma grenade dégoupillée dans les jambes. Maintenant on va voir comment ils s’en sortent…”. Ce cynisme m’écœure, et je pense que cela écœure de nombreux Français, et surtout, cela écœure énormément les malades condamnés. Cela faisait des mois que l’on attendait la présentation de ce projet de loi et on avait l’impression de voir un peu le bout du tunnel…
Il est vrai, qu’en plus, et malgré le fait que la majorité des Français soit favorable à la légalisation de l’euthanasie, les discussions autour de ce projet de loi avaient déjà été reportées plusieurs fois…
Bien sûr. Et le lendemain de sa dissolution, lorsque le Président a fait sa conférence de presse, il n’a évidemment pas eu un mot pour les malades condamnés, tout comme il n’en avait jamais eu auparavant. Il a rencontré les religieux et les médecins pour discuter du sujet, mais jamais les malades condamnés. Les seuls qu’il a rencontrés sont ceux qui l'interpellent. Donc j’y vois, au mieux, de l’indifférence, et au pire, du mépris.
J’aurais voulu voir la concrétisation de cette loi de mon vivant, mais j’avoue ne plus trop y croire… Au moins j’aurai mis ma pierre à l’édifice.
Depuis, vous êtes encore plus actif sur les réseaux sociaux, notamment grâce à votre compte Instagram @resiboisloic, c’est important ?
Oui, je suis d’autant plus actif sur les réseaux sociaux et dans les médias… Ma communauté grandit petit à petit, au fur et à mesure que mon corps s’affaiblit. Car même s’il s’affaiblit, ma détermination demeure intacte : je veux que ma fin de vie ait du sens, qu’elle serve à quelque chose. J’aurais voulu voir la concrétisation de cette loi de mon vivant, mais j’avoue ne plus trop y croire… Au moins j’aurai mis ma pierre à l’édifice.
Je n’ai qu’une envie, inviter les gens à voter à gauche !
Vous allez même jusqu’à prendre part au débat politique !
Moi qui ne voulais pas faire de politique sur les réseaux, j’ai dû me résoudre à inciter les gens à ne pas voter RN… Car voter RN, revient à jeter le projet de loi à la poubelle ! Des députés du Rassemblement National ont tenu des propos scandaleux sur la fin de vie, allant jusqu’à dire que l’aide à mourir était une "loi pour tuer". Entendre de tels propos m’a dégoûté. Je vais être honnête, même si le projet de loi reprenait avec la majorité présidentielle, et que j’ai un ADN plutôt de centre-droit, je ne veux pas revoter pour eux. Et puis, il est certain que la gauche est bien plus ouverte que la droite sur la fin de vie. Donc je n’ai qu’une envie, inviter les gens à voter à gauche !
Je vais certainement devoir demander une sédation profonde quand cela sera possible, et c’est une énorme injustice, car potentiellement, je vais devoir traîner ma maladie et ma fin de vie comme un fardeau.
Pouvez-vous rappeler à nos lecteurs pourquoi cette aide à mourir est très importante pour vous ?
C’est très important parce que la loi Claeys Leonetti ne permet au malade de bénéficier de la sédation profonde que lorsque le décès est imminent. Pour être clair, on va vous forcer à aller jusqu’au bout de votre maladie et de vos souffrances avant de pouvoir vous endormir. Par ailleurs, je dénonce l’hypocrisie de la sédation profonde et continue, car ce système est fait pour le confort des soignants et non pour celui des malades qui vont mettre entre quelques heures, pour les plus chanceux, à quelques jours, voire une semaine ou deux pour mourir. Ce système, je n’en voudrais même pas pour mon animal de compagnie… Donc évidemment que l’aide à mourir est hyper importante pour nous, à la fois pour pouvoir mourir au moment voulu, rapidement et sans douleur, et surtout, car c’est de nature à nous apporter de la sérénité. Et c’est ce dont Emmanuel Macron nous prive : avec la dissolution de l’Assemblée nationale, il condamne des milliers de malades français à des heures d’angoisses, de mal-être, à une agonie inutile. C’est ça la vérité, et il n’a même pas eu un mot pour nous.
Envisagez-vous d’aller dans un autre pays pour obtenir cette aide à mourir ?
Non. Je suis Français, j’estime avoir le droit de m’éteindre en France. Cela ne semble tout de même pas une demande extraordinaire que de mourir dans son pays ! Donc soit la loi passe à temps, et j’en bénéficierai, soit non, et pour être honnête, je pense que c’est plutôt cela qui va se passer… Donc je vais certainement devoir demander une sédation profonde quand cela sera possible, et c’est une énorme injustice, car potentiellement, je vais devoir traîner ma maladie et ma fin de vie comme un fardeau.