"Ils ont fait tout ce qu’il ne fallait pas faire." Le 23 novembre 2016, la vie de Guillaume et de ses 5 enfants* est bouleversée à jamais par le décès de son épouse Flavy. À seulement 32 ans, la jeune maman est morte d’une méningite à la suite d’une mauvaise prise en charge des urgences.
Peu avant le drame, Flavy passe quatre jours clouée au lit avec une forte fièvre et des maux de tête. Son élocution est difficile et elle semble ne plus entendre ni voir correctement. Guillaume finit alors par appeler le 15 et Flavy est emmenée aux urgences de l’hôpital de Guebwiller.
Deux heures plus tard, l’équipe de garde lui a administré du paracétamol pour faire baisser la fièvre et Guillaume est autorisé à la ramener chez eux. Encore extrêmement faible, Flavy ne peut se déplacer qu’en fauteuil roulant. Guillaume l’installe donc dans leur voiture côté passager et passe à la pharmacie pour prendre l’Advil prescrit par le médecin.
De retour chez eux et rassuré par leur passage à l’hôpital, Guillaume couche sa femme après lui avoir administré son traitement anti-inflammatoire. Mais tandis qu’il s’endort à ses côtés, Flavy est prise de violents maux de ventre qui l’empêchent de trouver le sommeil. Pliée de douleur, elle perd connaissance deux fois dans la nuit. À 6 heures du matin, Guillaume, très inquiet, rappelle le 15.
"Le décès de Flavy a été tellement brutal qu’au début, j’ai eu du mal à réaliser"
Victime d’une importante chute de tension, Flavy est cette fois-ci emmenée d’urgence par le SMUR à l’hôpital de Colmar. Dès son arrivée, elle est opérée par des médecins qui soupçonnent une grossesse extra-utérine. On dit alors à Guillaume de rentrer chez lui en attendant des nouvelles.
L’après-midi, il apprend que son épouse est maintenue endormie et que les équipes vont la transférer en réanimation. Guillaume est donc invité à se rendre au service en question vers 15h, où un médecin lui annonce en aparté que la situation est très grave. Environ 30 minutes plus tard, un autre docteur le prévient que son épouse est entre la vie et la mort. On vient ensuite très vite lui faire part du décès de Flavy.
"Son départ a été tellement brutal qu’au début, j’ai eu du mal à réaliser. Ça a été un vrai tsunami et la fin de toute une histoire. J’aimais mon épouse, notre couple allait bien, nous étions les heureux parents de 5 enfants que nous avions tous eu envie d’avoir... Mon deuil a vraiment été très compliqué et très douloureux", raconte Guillaume. "Chacun de mes enfants a réagi à sa façon. Âgés seulement de 2 et 5 ans, les plus jeunes ne se souviennent pas de l’enterrement, mais les plus grands oui. Cette épreuve les a marqués pour toujours. C’est quelque chose qui ne disparaît jamais vraiment, surtout qu’ils arrivent aujourd’hui à des âges de la vie où l’absence de leur maman va être vraiment marquante", se désole-t-il.
170.000 euros de dédommagement : "La somme versée est dérisoire par rapport au préjudice subi"
C’est justement pour ses enfants que Guillaume a décidé d’attaquer l’hôpital de Guebwiller en justice. Après 6 ans de bataille juridique éprouvante, il a récemment obtenu sa condamnation et environ 170.000 euros de dédommagement*. "Sur le fond, je suis satisfait, car le but de cette démarche était de connaître la cause exacte du décès de mon épouse et d’établir s’il y avait eu un manquement au niveau de la prise en charge médicale. Grâce à cela, je peux aujourd’hui communiquer à mes enfants des faits établis et leur expliquer qu’il y a une institution responsable du décès de leur mère, avec une condamnation et une réparation associées. Cela a beaucoup apaisé la colère d’un de mes fils", explique Guillaume. "En revanche, j’estime que la somme versée est dérisoire par rapport au préjudice subi et à la faute des urgences, dont la responsabilité dans la mort de ma femme a été établie à 80%*. Le juge a estimé que comme Flavy ne travaillait pas au moment du drame, son décès n’engendrait pas de préjudice économique... Ce qui est totalement grotesque ! A la base, mon avocat avait demandé un dédommagement de 1.200.000 euros", détaille-t-il.
"Si c’était à refaire, il est clair que je n’agirais pas de la même façon"
Malgré les déconvenues, Guillaume n’a pas fait appel. Loin de la haine, de la vengeance et du ressentiment, il éprouve en revanche des regrets quant au déroulement des événements du mois de novembre 2016. "Je ne ressens pas de détestation vis-à-vis du médecin qui a pris en charge Flavy, parce qu’il y avait quand même tout un service derrière lui. Il a par ailleurs probablement été victime d’un système de santé publique à bout de souffle et manquant cruellement de moyens", estime le père de famille. "Mais si c’était à refaire, il est clair que je n’agirais pas de la même façon. Je m’arrangerais par exemple pour accompagner mon épouse à l’hôpital au lieu de rester avec les enfants. J’exigerais aussi qu’on fasse à Flavy une prise de sang et je poserais plus de questions sur sa prise en charge. J’éviterais également de lui donner de l’Advil, car c’est ce médicament qui a masqué tous les symptômes de la méningite. Je demanderais enfin à voir mon épouse pour lui dire au revoir, ce que je n’ai pas pu faire", témoigne Guillaume.
Aujourd’hui, ce formateur indépendant en pédagogie a refait sa vie à Saint-Gaudens. Il s’est marié il y a trois ans avec sa nouvelle compagne, devenant ainsi officiellement le beau-père de deux enfants issus d’une première union. "Après le départ de Flavy, j’ai choisi très rapidement de me tourner vers l’avenir et de me reconstruire, parce que j’avais 5 enfants et que je ne pouvais pas m’arrêter là", explique-t-il.
"Pour éviter que le drame que j’ai vécu ne se reproduise, il faudrait à mon sens donner plus de moyens à l’hôpital public. Beaucoup semblent malheureusement oublier que derrière cette problématique, ce sont des vies humaines qui sont en jeux !", conclut-il.
* En 2016, leurs enfants ont 11 ans, 9 ans, 7 ans, 5 ans et 2 ans et demi.
* Extrait du jugement : "Il résulte de l’instruction, et notamment du rapport de l’expert désigné par le tribunal, que le manquement imputable au centre hospitalier de Guebwiller a fait perdre une chance de survie à Mme Bousquet qui peut être estimée à 80 %".