- Pourquoi Docteur : Comment se manifeste le psoriasis ?
Pr Marie-Aleth Richard : Le psoriasis est une maladie inflammatoire de la peau chronique, c’est-à-dire qui ne guérit pas : le traitement permet juste de contrôler la formation de nouvelles lésions mais elles récidivent en l’absence de traitement. Elle est caractéristique dans sa forme classique qui se traduit par des plaques rouges recouvertes de squames, le plus fréquemment sur les coudes, les genoux, le sacrum, l’ombilic, le cuir chevelu, le dos des mains, les ongles, mais qui peut aussi atteindre la région génitale.
"Le psoriasis, une maladie qui touche tous les âges"
Ce n’est pas une maladie qui "dégénère" et qui peut donc se transformer en cancer mais lorsque les lésions sont très épaisses, elles peuvent se crevasser, se fendiller, ce qui peut être extrêmement douloureux, c’est le cas en particulier quand le psoriasis se localise au niveau des paumes et des plantes.
- A quel moment de la vie la maladie peut-elle apparaître ?
C’est une pathologie qui touche tous les âges de la vie, essentiellement avec deux moments de survenue, vers l’âge de 19-20 ans -même s’il existe des formes de l’enfant- et des survenues tardives vers 60 ou 70 ans sans qu’il y ait eu des signes d’alerte avant. La prévalence, c’est à peu près 2% à 3% de la population adulte.
- Quelles sont les causes du psoriasis ?
C’est une maladie inflammatoire qui est liée à une prédisposition génétique qui concerne certains des gènes du système immunitaire.
- Certains font parfois le lien entre le stress et l’apparition du psoriasis …
Le mot stress ne veut rien dire ! Quand vous avez une infection, quand vous êtes fatigué, c’est un stress. Donc globalement chez les personnes qui sont nées pour être prédisposées à faire du psoriasis, certains événements extérieurs, qui sont tous des stress, la prise de médicaments, des inflammations, des problèmes neurologiques, la fatigue, une infection virale ou bactérienne au-delà des événements de vie affectifs peuvent induire des poussées de psoriasis. Le mot stress recouvre tout épisode d’agressivité qui peut expliquer que certaines poussées se déclenchent.
- Y a-t-il différentes formes de psoriasis ?
Il y a en effet plusieurs formes de la maladie. Il y a des formes rares dites erythrodermiques où toute la peau est atteinte dans le cas d’une poussée intense, des formes pustuleuses, des formes uniquement localisées aux paumes, aux pieds.
"Lorsque vous commencez à avoir des plaques, vous en avez pour toute la vie"
Il y a ceux qui ont des crises et qui entre temps n’ont presque rien, c’est assez rare, d’autres chez qui la maladie est toujours présente lorsqu’elle n’est pas traitée. Mais dans la majorité des cas, lorsque vous commencez à avoir des plaques, vous en avez pour toute votre vie. Et la maladie peut s’aggraver dans le temps avec des lésions de plus en plus nombreuses avec les années.
Le psoriasis a cela de particulier qu’il peut être associé à d’autres pathologies. 30% des formes cutanées peuvent être associées à des maladies articulaires dans ce que l’on appelle le rhumatisme psoriasique qui se traduit par des articulations douloureuses, gonflées et qui peuvent se déformer. Ces douleurs peuvent toucher les articulations des doigts des mains ou des pieds, des coudes, des genoux, des poignets, mais elles peuvent aussi concerner les articulations de la colonne vertébrale. Cela rend dans ce cas la maladie complexe parce qu’en plus des plaques, vous avez des douleurs et de la fatigue et ces douleurs articulaires peuvent vous rendre moins autonomes.
"Le psoriasis n'est pas une maladie contagieuse !"
Il peut y avoir aussi dans les formes les plus sévères de psoriasis, celles où il y a beaucoup de lésions, une tendance à faire des syndromes métaboliques, c’est-à-dire d’avoir à prendre en charge des personnes qui souffrent d’obésité, qui ont des problèmes cardio-vasculaires ou du diabète en plus de leur psoriasis cutané. Donc on sait que ces gens ayant du psoriasis sévère sont plus fragiles parce que plus obèses ou plus avec des problèmes cardio-vasculaires que les autres et qu’il faut les prendre en charge parce que cela s’intègre dans la maladie.
- Comment se fait le diagnostic ?
Le psoriasis est assez caractéristique sur le plan clinique donc il n’y a habituellement pas besoin de faire des examens complémentaires comme des prises de sang ou des biopsies.
- Y a-t-il un risque de contagion ?
Le psoriasis n’est pas une maladie contagieuse ! Elle est juste stigmatisante parce que se trouver face à une personne qui a des plaques peut provoquer des réactions de retrait ou de dégout alors que ces plaques n’induisent aucun risque pour l’entourage.
Mais à cause des plaques qu’elle provoque, cette maladie est un handicap personnel, social. Par exemple, le port de certains vêtements pose un problème. Porter une veste noire lorsque vous avez des squames de psoriasis dans la tête, ce n’est pas possible ! Quand vous avez un psoriasis sévère, on vous suit avec un balai parce que vous mettez des squames partout, et si vous grattez vos plaques, vous saignez et vous tachez les draps … ! C’est une vraie plaie et vous n’êtes pas toujours présentable pour le grand public.
- Comment traite-t-on le psoriasis ?
Lorsque l’on veut prendre en charge le psoriasis, il faut toujours garder à l’esprit que les traitements ont pour objectif de faire partir les plaques, et cela c’est essentiellement le rôle des traitements locaux. Mais un traitement par voie générale, en comprimés ou en injectable, a pour objectif non seulement de faire partir les plaques présentes mais de demander au corps, parce qu’il agit par voie interne, de bloquer la formation de nouvelles lésions. On ne peut donc pas résumer le traitement du psoriasis à mettre des crèmes sur la peau quand la maladie est étendue.
"Des traitements qui agissent sur le contrôle des voies d'inflammation"
D’où l’intérêt dans les formes sévères de la maladie ou dans les formes articulaires de donner des traitements par voie générale. Ces traitements ont des modes de fonctionnement plus ou moins spécifiques. Vous avez des modes de fonctionnement qui agissent sur le contrôle très ciblé de voies inflammatoires spécifiques du psoriasis de la peau, d’autres qui agissent de façon assez globale et sur plusieurs voies d’inflammation dans l’organisme, ce qui fait qu’ils sont aussi actifs sur les articulations douloureuses.
Les traitements systémiques conventionnels sont des inhibiteurs de voies métaboliques et ils peuvent aussi traiter d’autres maladies. Les biothérapies, pour l’instant sous forme d’injections, qui sont produites par génie génétique, c’est-à-dire que des bactéries reconditionnées travaillent pour produire des protéines spécifiques, vont cibler des voies inflammatoires particulières et propres à la maladie.
"Les biothérapies sont très utiles lorsque les traitements de première ligne ne sont pas actifs"
Il y a par ailleurs des traitements qu’il ne faut pas oublier, qui fonctionnent, quand les patients ne veulent pas prendre des médicaments par voie générale et qu’il faut aller au-delà des crèmes : ce sont les traitements par ultra-violets, c’est-à-dire la photothérapie qui a été très longtemps utilisée et qui le reste dans certaines indications même s’il ne faut pas en abuser parce qu’après on peut avoir une problématique de cancer cutané après des expositions trop nombreuses.
- Sur quels critères repose le choix du traitement ?
Les critères s’appuient sur un respect des premières lignes de traitement que l’on nous impose dans le cadre de l’AMM dans le cas d’un traitement par voie générale : le premier traitement de référence est le méthotrexate, traitement par voie orale immunomodulateur anti-inflammatoire qui n’est pas spécifique pour le psoriasis. S’il y a une contre-indication ou si ce traitement ne fonctionne pas ou lorsqu’il est mal toléré, on peut proposer dans un deuxième temps une biothérapie, plus efficace car plus spécifique et souvent mieux tolérée… mais beaucoup plus chère ! Les fourchettes de coûts de traitement sont quand même très larges. Cela peut aller de 40 euros par mois à 1700-1800 euros par mois.
Mais on n’est pas obligé de prendre les molécules les plus hi-tech pour gérer tous les problèmes. Mais en revanche, elles sont très utiles lorsque les traitements de première ligne ne sont pas actifs, ne sont pas tolérés -parmi les intolérances cliniques au méthotrexate, on note souvent des nausées, de la fatigue, des intolérances digestives et parmi les intolérances biologiques on peut avoir d’exceptionnelles fibroses du foie- ou sont contre-indiqués.
- On ne guérit pas du psoriasis. Cela implique des traitements à vie ?
Le concept était de dire que quand on commence un traitement, c’est pour toute la vie si on veut contrôler la maladie. Avec la problématique qu’il peut y avoir à un moment donné avec certains traitements des pertes d’efficacité. Pour autant il y a des patients qui essaient d’arrêter les traitements en n’acceptant pas cette contrainte et le plus souvent il peut y avoir des récidives.
"Il y a encore un problème sur l'accès aux traitements du psoriasis"
Avec les médicaments les plus modernes, lorsqu’on les donne très précocément dans l’apparition de la maladie, on arrive à bloquer des éléments immunologiques qui font qu’en traitant de façon très intermittente, c’est-à-dire avec des délais entre les administrations de traitements très longs, on peut arriver à contrôler le psoriasis comme s’il était pratiquement guéri spontanément.
- Existe-t-il des pistes d’amélioration de la prise en charge de la maladie ?
Il y a toujours de la recherche pour le développement de molécules dans le traitement du psoriasis parce qu’il y a des patients qui ont des maladies très sévères et qui sont un peu au bout du rouleau de tous les traitements que l’on a pu leur proposer. Et il y a toujours des fenêtres d’opportunité pour avoir de nouveaux concepts, par exemple concevoir des médicaments aujourd’hui administrés par injection et qui pourraient être proposés par voie orale avec la problématique qu’ils passent quand même le tube digestif, ce qui n’est pas simple parce qu’il s’agit de protéines censées être détruites par la digestion.
- Les associations de patients évoquent certains cas d’errance thérapeutique dans le psoriasis. Est-ce une réalité ?
Globalement il y a quand même encore un problème sur l’accès aux traitements parce qu’il y a des médecins qui restent persuadés que c’est le stress qui est à l’origine du psoriasis, donc qu’il faut que leurs patients aillent voir des psychiatres ou des psychologues. Cela n’est pas raisonnable. Il y a suffisamment de traitements possibles pour changer la vie des gens ! C’est une des maladies les plus gratifiantes parce que les patients vous disent quand vous arrivez à trouver la bonne solution avec eux "vous avez changé ma vie" ! Ils n’ont jamais eu une vie normale parce qu’ils étaient couverts de honte face au regard des autres. Et en plus de cela il y a des professionnels de santé qui leur disent "je ne peux rien faire pour vous", ce qui est difficile à accepter ! Ce qui est malheureusement le cas pour beaucoup de maladies de peau, il y a des laissés sur le trottoir, c’est presque une perte de chance !