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Témoignage patient

Burn-out familial : “Vivre et survivre a été plus fort que la solution de m'ôter la vie”

Par Alexandra Wargny Drieghe

Marion du B', auteure de “Cet espace dont j'ai manqué” (Chafouine Éditions), nous retrace sans détour sa descente aux enfers jusqu’au point de bascule qui l’a conduite à se faire volontairement interner aux urgences psychiatriques huit mois après la naissance de son fils.

Marion du B et son fils
Marion du B', auteure de nombreux ouvrages, nous parle de son burn-out familial qui l'a conduite à se faire interner une semaine dans un hôpital psychiatrique en juillet 2018.
Injonctions de la belle-famille sur l'éducation de son fils, décès brutal de sa mère, disputes de couple, hypersensibilité... La trentenaire retrace les détails de sa chute.
Après une séparation, un déménagement et trois ans de travail sur elle-même, Marion du B' a réussi à s'en sortir et essaye aujourd'hui d'aider d’autres femmes qui pourraient se retrouver dans ce type de situation.

En lisant les pages de son roman, Cet espace dont j’ai manqué (Chafouine Éditions), on ressent avec Marion du B' que l’issue est inéluctable. “C’est une période qui reste un peu floue, il y a quelques trous dans l’histoire, une amnésie traumatique qui préserve, mais ce jour-là, il y a eu cette goutte et cet instinct de survie pour moi-même et pour mon enfant… Vivre et survivre a été plus fort que la solution de m’ôter la vie.” Ce jour-là, c’était un dimanche du mois de juillet 2018, et la jeune maman, déjà à bout depuis plusieurs mois, commence à avoir des idées suicidaires omniprésentes.

Elle décide alors de se faire interner aux urgences psychiatriques. “Je me suis dit que l’histoire ne pouvait pas se terminer comme ça, pas après avoir surmonté toutes ces choses. Mon conjoint me disait qu’il ne pouvait pas m’aider, que c'était moi le problème, que j’avais eu une enfance compliquée et qu’il n’y était pour rien… En clair, personne ne viendrait m’aider. Il fallait que cela vienne de moi. Je me suis donc tournée vers des professionnels de santé.

Burn-out familial : “on me reprochait d’allaiter encore mon fils âgé de six mois”

Pendant une semaine, Marion est hospitalisée dans un service de psychiatrie. Sept longues journées pendant lesquelles elle ne pourra voir son bébé, qu’elle allaite encore, que quelques heures en fin de journée. “C’était une torture car je culpabilisais de laisser mon bébé.” Mais c’est un mal indispensable pour que la maman puisse se relever.

Avec l’aide d’une psychiatre, elle prend du recul sur sa vie. “Quand la psychiatre m’a dit que j’étais une personne hypersensible, cela m’a fait beaucoup de bien, je me suis dit que j’avais enfin une explication et que je n’étais pas folle, et surtout, qu’il y avait aussi d’autres gens comme moi. J’ai pu repenser toute ma vie, toutes mes relations.” Les relations sont justement la pierre angulaire du burn-out familial de Marion. “Après la naissance, je pense que j’ai fait une dépression du post-partum, pas tant parce que je ne dormais que trois heures de façon hachée chaque nuit ou que je consacrais chaque seconde de ma vie à m’occuper de mon fils, mais surtout à cause de toutes ces injonctions que je recevais de mon conjoint, de la belle-famille… Cela avait déjà commencé pendant la grossesse puis après j’ai reçu toutes sortes de critiques sur la façon dont j’élevais mon enfant. Par exemple, on me reprochait d’allaiter encore mon fils âgé de six mois ou d’être trop fusionnelle avec lui.

Un autre moment qui a marqué la mémoire de la maman : le séjour à la maternité lors de la naissance de son bébé. “Ils ont tous insisté pour passer alors qu’on souhaitait rester que tous les trois. Finalement, comme ils nous faisaient la tête, on a accepté qu’ils viennent, même si j’étais très fatiguée.” Et pour cause, l’accouchement de Marion avait été particulièrement éprouvant, avec plus de 42 heures de travail, pour finalement se solder par une césarienne traumatisante. Pis encore, pendant ce “débarquement” dans la chambre du nouveau-né, la belle-maman, trop impatiente de rester auprès de son petit-fils, a eu le culot de faire sortir l’infirmière venue soigner la jeune maman encore très affectée par son accouchement.

Cette belle-famille très intrusive entraîne par ailleurs de nombreuses disputes au sein du couple et une colère grandissante chez Marion qui doit faire face à un fort sentiment d’injustice. “À l’intérieur de mon corps c’était comme une cocotte minute, il fallait que ça pète : soit ça explosait, soit ça implosait, mais il fallait que ça sorte… Et quand on n’est pas entendu, on hausse le ton, puis on hurle, et on peut finir par taper dans les murs. Sauf qu’au final, comme on perd le contrôle, on a l’impression que tout est de notre faute et que c’est nous le coupable.

“Ma mère est décédée en trébuchant sur un caillou à la montagne alors que j’étais à l’autre bout du monde… Je n’ai pas pu faire mon deuil correctement.”

À cette situation, s’ajoute le décès brutal de sa maman pendant l’été 2016, soit quelques mois seulement avant que Marion ne tombe enceinte. “Ma mère est décédée en trébuchant sur un caillou à la montagne alors que j’étais à l’autre bout du monde… Je n’ai pas pu faire mon deuil correctement, il fallait que je sois présente pour mon père qui était dévasté, et ensuite pour mon enfant qui allait naître.” Cet événement dramatique amènera la jeune maman à développer une hypervigilance avec son fils, entraînant une grande source de stress quotidien.

Une rupture pour mieux se retrouver

Pendant son séjour à l’hôpital psychiatrique, la trentenaire ne voit pas une seule fois son compagnon. De retour à la maison, ce dernier la félicite d’avoir eu le courage de se faire soigner, mais ne songe pas un instant qu’il joue aussi un rôle dans l’équation. “Il ne se remet pas en question, il pense que tout est de ma faute. Cela m’a beaucoup blessée. Nous nous sommes séparés en 2020, pas parce qu’on ne s’aimait plus, mais parce qu’il y avait trop de difficultés dans notre couple, avec sa famille qui venait toujours mettre la zizanie entre nous. Cela nous a fait beaucoup de bien à tous les deux. De mon côté, cela m’a permis de me reconstruire, de me remettre au travail et de reprendre une vie sociale. Et lui, il a pu faire un travail sur lui-même. Finalement, on s’est remis ensemble fin 2021.

“Il faut demander de l’aide extérieure, car quand on coule, c’est une spirale infernale.”

Marion aura mis trois ans à se sortir de son burn-out familial, avec et pour son fils. “Je reste tout de même sous antidépresseurs car j’ai cette fragilité, notamment parce que je suis hypersensible je pense.” Côté belle-famille, un éloignement géographique aide à réduire les tensions. “Je n’ai pas envie de priver mon enfant de sa grand-mère qui l'aime donc je favorise une relation, il y a toujours des choses à redire sur les comportements, mais je mets un peu d’eau dans mon vin.

Aujourd’hui, elle partage son expérience pour aider d’autres femmes qui pourraient se retrouver dans la même situation. “Il y a tellement de mamans en détresse et de couples qui explosent avec une famille qui se brise derrière. Pourtant, à la base, quand on souhaite un enfant à deux, c’est parce qu’on s’aime et on qu'on veut vivre heureux pour l’éternité. À mon sens, il y a un grand manque d’accompagnement des jeunes parents.

“Si cela ne va pas une journée de temps en temps c’est ok. Mais si cela fait une semaine que chaque jour est insoutenable, il faut prendre la tangente et partir.”

L’auteure insiste, “on n’est pas obligé d’arriver à un point de rupture pour mettre en place des choses”. Le burn-out n’arrive pas du jour au lendemain, “on le sait à l’intérieur de son corps quand cela fait trop longtemps que ça ne va pas”. Son conseil : “Si cela ne va pas une journée de temps en temps c’est ok. Mais si cela fait une semaine que chaque jour est insoutenable, il faut prendre la tangente et partir. Et surtout, il faut demander de l’aide extérieure, car quand on coule, c’est une spirale infernale.

Selon une enquête IFOP de 2022 qui a interrogé 1.002 mères d’enfants de 0 à 7 ans, 43 % d’entre elles ne se sentent pas accompagnées au quotidien. Seules 34 % de ces femmes disent être pleinement soutenues moralement de la part de proches et 25 % sur le plan logistique. 70 % disent estiment passer trop – ou, en tout cas, beaucoup – de temps à l’organisation du quotidien. Au total, 68 % des mères se disent physiquement fatiguées, 57 % le sont moralement, 35 % estiment que globalement “tout ne va pas bien” et 34 % des mères se sentent concernées par le burn-out parental.


Pour en savoir plus sur l’histoire de Marion du B', retrouvez-là sur les réseaux sociaux @mariondub_auteure et à travers ses nombreux livres, dont le prochain sort ce 8 juillet 2024 : Puis un jour, j'ai choisi de vivre, Chafouine Éditions.